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Conjoncture économique : la faute de Sellal !

par Abdellatif Bousenane

Lors de sa dernière sortie et dans une espèce d'aveu d'impuissance terrible, le Premier ministre Abdelamalek Sellal semble rattrapé par l'anathème de la panique ; il dresse ainsi un tableau sombre sur l'avenir des finances du pays alors qu'il nous disait tout à fait le contraire il y a un an.

Devant la baisse spectaculaire du prix du pétrole où les ressources de l'État devraient diminuer d'une manière drastique, le chef du gouvernement et son équipe manquent cruellement d'imagination pour arriver effectivement à de vraies solutions plus profondes afin de répondre aux exigences de cette conjoncture peu aisée. Dès lors, dans une démarche contradictoire avec les assurances et l'optimisme de 2014, le Premier ministre va jusqu'au point de nous alerter que l'avenir de nos finances est en danger, car si le prix du pétrole reste aux alentours de 60 dollars, nos réserves chuteront à 38 milliards à l'horizon 2019, voir 9 milliards de dollars si le prix tombe à 50 dollars ! Ce qui sous-entend que dans les 4 années à venir le gouvernement reste dans une position de spectateur ou au mieux dans une posture d'un acteur neutre vis-à-vis de cette situation ! C'est à dire on ne fera rien ou presque si ce n'est calculer nos pertes en devise ?

Arrêtons les mesurettes !

En ne donnant aucune mesure sérieuse pour éviter que nos réserves de change stratégiques pour l'économie du pays ne soient vaporisées, le chef de l'exécutif nous explique grosso modo qu'il n'a pas trouvé d'autres moyens que de recourir à la baisse des dépenses de l'État et l'annulation et/ou le retardement de quelques projets d'infrastructures très bénéfiques au développement du pays. Quel effort ! Cela veut dire tout simplement que dès le retour à un prix élevé du Brent, on dépensera plus et on relancera plus de projets ! Soyons sérieux !

Au lieu d'aller au fond du problème, surtout en ce qui concerne la fiscalité de l'État, on a préféré en fait ces mesurettes qui ne sont pas à la hauteur de l'enjeu économique grandissime du moment. Même si M. Sellal parle timidement de recouvrement fiscal mais il ne dit pas concrètement comment les services fiscaux vont intervenir afin de s'attaquer au mal absolu qui est l'évasion fiscale ? Ces mesurettes d'une facilité banale sont d'autant plus incompréhensibles si on s'interroge sur le pourquoi de cette attitude répandue chez les gouverneurs d'une manière générale qui n'hésitent pas à s'attaquer aux dépenses et non pas aux recettes ? À savoir, pour quelle raison nos responsables n'inversent pas la question en posant la problématique de l'efficacité du recouvrement fiscal et donc de l'épineuse question de l'évasion fiscale !

Sur le plan communicationnel ou le discours politique utilisé, l'effort est au minimum aussi. On a l'impression ainsi qu'on entend les mêmes mots d'un autre temps ! Le déjà-entendu ? Or en principe, on a dépassé cet état d'esprit ; on a avancé grâce aux réalisations et aux réussites enregistrées ces dernières quinze années ! Il serait intelligible à beaucoup de gens, donc, si ce constat fait par le Premier ministre et la réplique du gouvernement ont été formulés il y a cinq ou dix ans, parce qu'il y avait d'autres priorités plus urgentes découlant des années 1990. À titre d'exemple: pourquoi donc attendre que le prix de l'or noir s'effondre pour s'affronter au dossier des importations qui dilapidaient les devises très précieuses du pays ?

Les solutions du fond

Pour aller au fond des choses, il y a plusieurs autres pistes à exploiter et il faut beaucoup d'énergie, d'imagination et surtout de confiance en soi qui semble en carence chez notre élite gouvernante.

On peut comprendre la complexité de la chose économique, puisque pour devenir une puissance industrielle qui exporte ses produits d'une qualité qui dépasse celle des autres avec une rentabilité concurrentielle, cela relève de plusieurs paramètres que nous avons évoqués à maintes reprises lors de nos articles publiés au Quotidien d'Oran. Néanmoins, dans cette conjoncture marquée par la baisse des revenus de l'État, il est préférable de s'attaquer aux vrais sujets qui sont : la fiscalité, la modernisation des banques et les transferts sociaux.

De ce fait, faire une vraie révolution dans la législation, les outils, les moyens matériels et humains et même les mœurs des personnes concernant ce sujet névralgique de la nation est plus que nécessaire. Pourquoi pas des campagnes médiatiques de grande ampleur pour sensibiliser, expliquer et même avertir les gens sur les grands dangers de ne pas payer ses impôts. Il faut que tout le monde sache que l'impôt c'est la construction de l'école, la fonction publique, l'hôpital, la route, l'entretien et la propreté.

L'évasion fiscale à grande échelle est une vérité, tout le monde le sait et le voit quotidiennement, des transactions immobilières où l'État ne touche que des miettes jusqu'au commerce de gros et de détail, les payements se font à l'aide de sacs noirs en plastique. De grosses sommes ! L'enjeu est de taille parce qu'il s'agit de milliers de milliards de dinars. Toutefois, cette révolution fiscale est en effet impossible sans la modernisation des banques qui soufrent, il faut tout de même le reconnaître, d'une gestion archaïque qui fait perdre à l'économie nationale beaucoup de temps et d'argent. Pour ce qui est des transferts sociaux, ils représentent 30 % du PIB du pays soit 60 milliards de dollars qui sont alloués annuellement dans le budget d'État, y compris les subventions des matières de première nécessité tels que le lait, le pain etc. Est-il raisonnable qu'un citoyen qui gagne des centaines de millions de dinars bénéficie de la même manière de ces subventions qu'un pauvre qui ne gagne qu'a peine un SMIG, voire même pas ? Pourquoi ne pas créer une caisse d'État des allocations familiales, pour que ces sommes colossales aillent directement aux bénéficiaires les plus concernés ? Par conséquent, on rationalisera nos dépenses, on gagnera la confiance de la population et donc la paix sociale et on fera des économies de centaines de milliards de dinars. Ainsi donc, les Algériens attendent de leurs gouvernants d'agir justement pour éviter la banqueroute ; de bien gérer les crises et de chercher des vraies solutions, aussi difficiles soit-elles, et non pas de se contenter de calculer les pertes !