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Humain, trop humain

par Hadj-Chikh Bouchan

La reconnaissance de l'Etat de Palestine par l'Etat de la Cité du Vatican et les propos tenus à cette occasion par le pape François, 266ème évêque de Rome, est sans doute l'acte de paix le plus important de ce début d'année.

Il traduit, par un acte politique et diplomatique, une aspiration commune à tous les hommes épris de paix et de justice par delà leur croyance et leurs rites. Le chef de l'Etat le plus petit qui soit au monde, avec ses 0,44 km2, peuplé de 961 habitants est, en effet, ce pays vers lequel se tournent les regards de plus de deux milliards d'âmes. Il est leur interprète ou, pour parler le langage approprié, leur berger.

Elu pape le 13 mars 2013, il canonisa, dans la même veine, le 17 mai dernier, soit un peu plus de deux ans après le début de son pontificat, deux religieuses palestiniennes, Mariam Bawardi et Marie-Alphonsine Ghattas, au cours d'une cérémonie place Saint-Pierre de Rome, ainsi que la Française Jeanne-Emilie de Villeneuve et l'Italienne Maria Cristina de l'Immaculée Conception. Au cours de sa rencontre avec le président palestinien, Mahmoud Abbas, à cette occasion, il le qualifia d'« ange de paix ». Actes et propos qui ont été mal reçus par l'entité sioniste, naturellement.

Si mon cœur s'est alors serré depuis, en prenant connaissance de ces informations, en regardant toutes les images qui les ont accompagnées, en cascade, c'est que je ne pus me retenir de revoir le pape Jean-Paul II dans sa voiture, ce 13 mai 1981, en pleine place du Vatican, saluant la foule des fidèles et la main armée d'Ali Agça lui tirant dessus par trois fois. Attentat inouï en terre de paix, la terre que le Palestinien, l'apôtre Pierre foula pour fonder l'Eglise catholique, selon la tradition chrétienne, comme il le lui rappela le président Arafat.

Comme pour « conforter » ces craintes, la CIA et le Mossad ont émis des mises en garde contre la préparation d'attentats contre la personne du pape François. Attentats djihadistes, précisent les deux centrales de renseignements. Bien entendu. Comme on le prétendit une première fois pour expliquer l'acte d'Ali Agça avant de s'embourber dans la filière bulgare. A ce jour on ne sait toujours pas qui l'a armé et ce n'est certainement pas la « confession » de ce tireur pour le moins perturbé, dans sa cellule, au pape Jean-Paul II, qui a pu éclairer le monde.

J'évoque cette crainte parce que les soupçons de meurtres commis par des services spéciaux à travers le monde - les mystérieuses maladies et décès des présidents Boumediene et Arafat n'en seraient-elles pas ? ? contre quiconque gène le cours du monde décidé par les puissants, ne sont pas du domaine des « théories du complot », mais bel et bien des faits documentés.

A la discrétion des commanditaires, des chefs d'Etat. Le livre document « Les tueurs de la République », de Vincent Nouzeville, paru récemment, nous apprend que, sur le bureau des chefs d'Etat existe une « hit list », la liste des hommes à abattre par la section « homo », (pour « homicide ») des services spéciaux de la DGSN.

Le président Chirac ne s'y référa pas, assure-t-il. Mais les autres ? La CIA ? Le Mossad ? Le documentaire, « Repentir d'un agent d'influence », de Stalio Kouh n'en fait pas mystère en recueillant les confessions de l'agent Perkins Jones. Pour ajouter au trouble, le 16 avril dernier, Normand Hodges, un agent retraité de la CIA confessa sur son lit de mort l'assassinat de Marilyn Monroe et de 36 autres personnes pendant sa carrière. L'actrice gênait.

Comme gênent les propos et les actes du pape François. Informer ses services de sécurité sur un attentat en préparation serait-il s'en absoudre ?

A la suite de la tentative d'assassinat de Jean-Paul II, pour d'autres raisons, le pape Benoît XVI, en fut victime un 25 septembre 2007. Il y échappa, lui aussi, de peu. Ainsi qu'à d'autres tentatives. Quatre au total. A se demander si ces actes avortés ne sont pas à l'origine de sa démission tout à fait inattendue.

J'imagine bien le casse-tête des agents de sécurité et leurs craintes durant la moindre des sorties papales.

Parce que l'homme a le courage d'exprimer des idées fortes, avec bonhomie, certes, mais des idées clairement en faveur d'une autre Eglise, d'une autre vision du monde et des relations entre les hommes, d'une justice qui n'est pas, le moins que l'on puisse dire, l'un des fondements cardinaux (sans jeux de mots) des relations internationales actuelles.

Dans un monde devenu totalement hystérique à propos de l'Islam, il a rappelé que cette religion est une religion de paix. Propos qui n'ont pas suscité de commentaires ou de reprises dans la presse pour apaiser les tensions communautaires. Pas d'amplifications démesurées non plus de ces mots d'un berger, « humain, trop humain ».

Prémonition ? Conscience que les réformes qu'il veut introduire et ses déclarations gênent ? (comment les ignorer ?). Toujours est-il que, de retour de Corée du Sud, au cours d'une conférence de presse tenue dans l'avion, il disait qu'il vivait sa popularité « comme une générosité du peuple de Dieu ». Et il ajouta : « parce que, je le sais, ça durera peu de temps. Deux ou trois ans. Et puis, à la Maison du Père !», a-t-il ajouté en guise de boutade.

Boutade ?

Là encore mon cœur s'est serré.