Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les héros de l'aventure himalayenne !

par Abdelkader Khelil *

« Il est impossible de faire entendre raison à ceux ayant adopté une manière de penser conforme à leur seuls intérêts », disait le pape Clément XIV -élu en mai 1769- il y a de cela bien longtemps ! Comment ne pas le croire, nous qui attendons impatiemment cette lueur d'espoir annonciatrice d'un renouveau qui tarde pourtant à venir ! Nous restons, pauvres de nous, dans l'expectative d'un lendemain heureux pour les générations futures ! Mais arrivera-t-il un jour ?

Et comme par incertitude, nous nous mettons à répéter à l'unisson, ce proverbe bien de chez-nous : « limen takra zabourek ya Daoud », en même temps que nos gouvernants continuent à ignorer superbement leur monde et font ce qu'ils veulent, comme s'ils étaient investis d'une mission divine ! C'est dire que l'autisme est devenu chez-nous une marque de fabrique et une pratique perçue par nos concitoyens comme une fatalité face à laquelle se développe le sentiment de rejet de la chose dictée par le haut et la négation des valeurs bafouées. Dans cette jungle chronométrée au rythme des affaires dans « l'amasse fortune » qu'est devenu notre pays, se développe alors un sentiment de démission chez des gens médusés par le « spectacle » qui leur est offert par les médias et les tribunaux, en lieu et place d'une gouvernance en conformité avec l'intérêt général de la collectivité nationale et en positions honorables de gagnées, au plan des classements internationaux.

LE « TOUNER-MANEGE » DE NOTRE QUOTIDIEN !

La réaction à cet état de fait en est bien évidemment la démission et l'absence d'effort par ceux qui disent : « aller au travail » comme on va dans une garderie d'adultes, au lieu : « d'aller travailler » pour faire avancer le pays ! Et oui ! Nous en sommes là, dans ce « tourner-manège » à longueur de journée sur ces routes constamment encombrées à toute heure, consommant démesurément de l'énergie bon marché à prix soutenu et polluant à outrance notre atmosphère, tout en enrichissant les concessionnaires automobiles sans qu'ils ne daignent participer à l'effort de développement de notre économie, en s'investissant dans le créneau pourtant juteux de la sous-traitance, pour assurer plus d'emplois à leurs concitoyens ! Pourquoi sont-ils ainsi ménagés ? L'Etat n'a-t-il pas les moyens pour les amener à revoir leurs copies ? Consommer algérien, nous a-t-on dit ! Et pour tout le reste, que faut-il faire ? La dépense publique ne saurait couvrir indéfiniment notre déficit managérial dans tous les domaines ainsi que l'absence d'imagination dans la conduite des affaires publiques !

 Et dire que nous disposons de bien des atouts qui nous prédestinent à l'émergence pour peu qu'on veuille sans arrière-pensée, faire le bon choix : entre ceux qui veulent servir avec loyauté et abnégation leur pays, sans dividendes autres que la reconnaissance qui réchauffe le cœur, et ceux qui le dépouillent de ses richesses sans contrepartie autre que l'atteinte aux intérêts de sa collectivité nationale et de son image. Se creuse alors le fossé entre les uns et les autres en l'absence d'arbitrage au plus au haut niveau, entre « bourdons » et « abeilles » ! Alors ! Çà patine ! Çà grince ! Çà s'enlise ! Çà s'ensable forcément ! Mais qui s'en inquiète, tant que la rente est toujours là pour couvrir nos tares, nos caprices et nos mauvais choix ? Et dire que dans son élan national, un « petit pays » comme le Liban, cette Phénicie d'autrefois, sorti d'une longue guerre civile, a tiré sa force de ses 4 millions de Libanais, cette diaspora vivant à l'étranger, parce que mise, semble-t-il en confiance par la justesse des choix opérés au niveau national ! Tout le monde s'active ! Tout le monde fait des efforts ! Quant à nous, la partie n'est pas terminée que l'on mélange déjà les cartes pour les redistribuer et toujours aux mêmes joueurs, sans qu'ils aient pourtant prouvés leur talents ! L'on s'oublie à force de jouer à « huis clos » et l'on passe à côté de l'essentiel, à savoir : réaliser des performances pour prétendre au statut de pays émergent !

LE PETIT PRINTEMPS DE NOS AMIS LES POMPIERS !

Alors ! Dans l'intervalle, et à défaut de grandes sensations gagnées au chapitre de la mobilisation sans exclusive de la ressource humaine, de l'intelligence et du savoir-faire, ou par la force de nos biceps traduite en croissance économique équitablement partagée, l'on s'accroche à tout ce qui est du domaine du sensationnel, de l'émotionnel et du mérite isolé, même si à lui seul, il ne peut-être qu'à l'image de cette hirondelle esseulée qui ne peut faire tout le « printemps » ! Oui ! Dans le marasme ambiant des procès relatifs aux scandales qui émaillent notre vie quotidienne, nous sommes preneurs de tout ce qui semble rehausser notre moral et quelque peu le « prestige » de notre pays, nous donnant ainsi le sentiment d'existence en tant qu'entité nationale qui peut, elle aussi, apporter spontanément sa contribution !

Alors ! Oui ! Notre soutien à ce pays lointain qui est le Népal, est un geste qui nous réconforte ! Cette Algérie qui accourt avec promptitude pour porter secours à ses frères Népalais, ses êtres qui vivent dans une pauvreté extrême, est celle que nous aimons parce qu'elle nous rappelle cet élan de générosité qui forgeait notre personnalité il n'y a pas si longtemps ! Elle nous rappelle aussi, toutes ces valeurs qui tendent à s'éclipser, à savoir : l'amour de son prochain, la solidarité entre êtres humains, la tolérance, le savoir-vivre ! Il y a là aussi, une démarche initiatique à cette nécessité du « vivre-ensemble » dans le « village planétaire » qui nous rassemble, même si le chemin de la cohabitation est très souvent parsemé d'embûches ! Nous sommes fiers de cette Algérie « qui sait mettre la main à la poche » pour aller au secours de ceux qui sont dans la détresse et qui souffrent dans le dénuement le plus total, dans la misère du ventre et la tristesse d'avoir perdu des êtres qui leur sont chers ! Sans faire dans la frime très malvenue dans ce cas précis, et pour rester dans l'éthique en évitant de faire référence au volume de notre aide matérielle, je veux parler dans cet article, tout simplement de cet élan du cœur pour lequel nos sapeurs-pompiers en ont à revendre !

Ceci pour dire que l'Algérien en tant qu'individu sait mettre le cœur à la besogne lorsqu'il est conduit par ce libre arbitre qui lui fait sentir son utilité à se mettre au service des autres ! Il n'a rien de fainéant comme j'ai eu à le souligner dans un article précédent ! Il est juste sensible à l'exemplarité de ses chefs ! Et nos « soldats du feu » le montrent à chaque fois que sollicités pour effectuer des tâches nobles, parce qu'ils ont pour guide : un moudjahid, un éducateur et un pédagogue qui a su les former et leur transmettre sa hargne au travail et sa loyauté à l'Algérie ! Ils sont notre fierté et nous les aimons au même titre que tous ceux qui sont au service de la chose publique, et mieux, de l'image du pays !

C'est cette qualité que nous trouvons le plus souvent chez des gens humbles ! Des anonymes qui gardent leur lucidité, parce qu'ils n'ont pas été pollués par la frénésie du pouvoir qui fait perdre le sens de la mesure ! Ils sont tout simplement, des soldats de la république qui accomplissent leur travail avec professionnalisme, par esprit d'abnégation et chaque fois avec courage, parce que très loin de leurs familles ! Si je dis cela avec fierté d'appartenance et admiration à l'égard de ceux qui nous ont honorés, c'est que le Népal, ce petit pays pauvre de 28 millions d'habitants, pas plus grand que la wilaya de Tindouf, fait partie de la chaîne himalayenne aux pentes les plus escarpées, aux vallées profondes et aux plus grands glaciers ! C'est-là, sur le « toit du monde » que sont partis les hommes du colonel Lahbiri pour accomplir au nom de l'Algérie et aux côtés de ces pilotes des trois avions gros porteurs de l'armée nationale, une mission des plus périlleuses. Ils nous ont honorés en faisant flotter si haut notre drapeau et en mémorisant pour la postérité notre élan du cœur auprès de la population autochtone !

Pour rappel, ce détachement composé de 70 secouristes pluridisciplinaires de la Protection civile avait rejoint Katmandou, la capitale népalaise, vendredi 1er mai, et ce après trois jours d'escale forcée à Doha en raison de l'absence des autorités népalaises - l'aéroport international de ce pays étant saturé par le trafic aérien devenu massif à cause de l'afflux de secouristes et d'équipes médicales venues des quatre coins de la planète -. Dès son arrivée, après avoir parcouru près de 7.600 kilomètres sans confort et dans la fatigue comme nous pouvons aisément l'imaginer, notre détachement solidement équipé et motivé, a procédé à l'installation de son camp de base.

Ses membres ont effectué plusieurs opérations de reconnaissance et de recherches. Après cette action de « repérage », les responsables de cette mission se sont réunis avec l'état-major militaire et les responsables népalais chargés des secours afin de déterminer leur feuille de route et de prendre connaissance de la zone où sera affecté leur détachement. Il faut rappeler que cette équipe de braves s'est rendue dans une zone isolée où des gens en détresse n'avaient reçu aucun soin. Nos sapeurs-pompiers ont dû parcourir plusieurs dizaines de kilomètres à pied pour arriver aux différents sites sinistrés, en raison de l'état des routes détériorées par le séisme. Et bien qu'arrivés un peu tard, ils ont pu tirer de sous les décombres une dizaine de personnes. De son côté, l'équipe médicale a prodigué des soins à 45 personnes et une distribution de médicaments a été également assurée, après examen, au profit des citoyens népalais sinistrés ou malades.

Avant leur départ, nos sapeurs-pompiers ont été félicités par les hauts responsables et une réception leur a été organisée par l'état-major népalais à la veille de leur retour en Algérie. Dans la continuité de leur palmarès international, ils auront ajouté une autre participation pour porter secours à une population frappée par un séisme de magnitude 7,8 sur l'échelle de Richter qui a affecté durement 8 millions de Népalais sur un total de 28 millions. Pour rappel, cette catastrophe naturelle a fait 8.000 morts et 17.500 blessés, en raison de la forte densité de population. C'est cette Algérie du dévouement que nous aimons ! Pas celle qui est au cœur des scandales presque quotidiens qui ternissent l'image de notre pays et porte atteinte à cette majorité de gens qui ont perdu espoir et se sentent de la sorte volés et humiliés ! Ainsi, après plus d'une semaine de dur labeur, les « soldats du feu » sont rentrés avec tous les honneurs au pays à bord d'un avion militaire piloté par d'autres braves au professionnalisme avéré, au regard des difficultés d'accomplissement d'une telle mission dans le contexte d'une nature hostile faite de relief chahuté. Gloire à vous tous, héros de mon pays ! Ce sont ces gens qui ramènent de la reconnaissance et de la sympathie à tout un peuple que nous aimons et le succès de leurs missions chaque fois que sollicités est un plus pour nous tous, parce que c'est l'Algérie toute entière qui est ainsi honorée !

LA LEÇON DE L'ECOLE DES SAPEURS-POMPIERS !

C'est parce que mon article a pour trame de fond les questions d'intérêt général, de la reconnaissance et du mérite, qu'il prend forcément la forme d'un hommage appuyé au corps des sapeurs-pompiers, cette « entreprise citoyenne » d'exception qui évolue en marge des flashs et des caméras jusque-là occupés à mettre en vedette ceux qui nous promettent monts et merveilles, par la remise à chaque fois du compteur à zéro, tout en se tirant dans les « pattes » pour consolider leurs positions dans la proximité du « mangeoire ». Ils éclipsent de la sorte tous ceux qui travaillent en silence pour l'intérêt de la collectivité nationale. C'est dans cette catégorie qu'évolue ce corps respectable, cet oublié des médias, toutes presses confondues. Il est vrai aussi qu'il n'est pas le seul à l'être, malheureusement ! ! Nous citerons aussi ceux qui réalisent des exploits en sauvant tous les jours des vies humaines ! Ceux qui veillent à la propreté de nos villes et villages ! Ceux qui, hier, ont fait face aux hordes sauvages aux côtés de nos forces de sécurité, permettant ainsi à l'Algérie de rester debout ! Et bien d'autres aussi qui émargent au chapitre de l'oubli !

Il faut tout d'abord considérer que l'hommage que je destine aux sapeurs-pompiers en ma qualité de citoyen attentif aux « pulsations » de notre société, de surcroît soucieux de sa cohésion et préoccupé par rapport à son évolution, n'est pas fait que de reconnaissance à un corps des plus méritants, comme attesté par tous ! Il prend surtout valeur démonstrative pour dire qu'on peut toujours faire les choses au plus près de la performance et des intérêts de nos concitoyens quand la gouvernance sort du discours ambiant à caractère populiste, pour s'inscrire dans l'acte au quotidien, qui donne la primauté : à la cohésion, au professionnalisme, à l'engagement, à la discipline et au respect de la chose publique !

Alors ! Imaginons un instant que cet état d'esprit, avec toute cette fougue qui le caractérise et cette disponibilité qui l'anime, puisse faire contagion auprès de tous ceux en charge de la gestion des affaires publiques dans nos mairies, nos hôpitaux, nos bureaux de poste, nos banques, nos transports et bien d'autres services ! Alors ! La bureaucratie ne sera qu'un mauvais souvenir ! Le citoyen deviendra sans doute moins grognon et il y aura certainement de la place pour les règles de bienséance et pour la civilité ! Après quoi, nous irons travailler et non au travail, et nous deviendrions peut-être un jour des citoyens aimables et productifs !

Entre fiction et réalité, ne dit-on pas que le rêve est permis ! Et si cela devait se produire ! Alors ! Nous dirons à l'unisson, que vive l'esprit de l'école des sapeurs-pompiers ! Après tout, n'est ce pas là encore une fois qu'une affaire de gouvernance et de volonté collective ! Il appartient à tout un chacun d'apporter son propre jugement, après avoir interrogé sa conscience en toute bonne foi, avant de porter un doigt accusateur sur les autres qu'il considère être la source de tous ses problèmes ! Il faut se dire que chacun de nous est un maillon de cette si longue chaîne qui nous lie et dont la cohésion de notre société en dépend ! Saurions-nous être capables de relever ce défi ?

* Professeur