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L'histoire d'une passion

par Boutaraa Farid

Le texte qui suit retrace partiellement la quête d'un Algérien pour une femme qui passe en beauté mille bouquets. En effet, la dame en question n'a pas de rivale et demeure l'hyacinthe qui tue humain, ange et génie. Et son nom est : l'Algérie. Hier, ils étaient des milliers qui avaient répondu à son appel et aujourd'hui, ils sont des millions qui l'aiment et qui désirent la servir et même y mourir. Je suis l'un d'eux. Tu demeures ma quête, ma raison d'être et ma passion que je compte la raconter avec les langues de toutes les nations. Je leur parlerai de ta beauté sublime et de ton charme distingué qui ont déversé dans mon âme un élixir auquel je ne peux résister. J'irai informer tout ce beau monde de ce sentiment étrange qui me plonge au gouffre de ta servitude et à t'écrire des billets et des poèmes comme furent jadis Moufdi, Dib et Kateb.

Je suis l'amant de la belle et rebelle reine qui séduit et réduit ses amoureux en valets et en derviches parcourant de vastes déserts, de riches plateaux et d'onéreux sentiers. Comme eux je tenterai de saisir la femme imprenable qui renaît des cendres comme un phénix. Je tenterai la conquête du cœur de la déesse née pour gouverner les esprits des braves. N'est-ce pas chez elle que l'Espagnol Cervantès avait appris l'art de l'écriture des romans ? N'est-ce pas chez elle que le roi numide Jughurta avait appris l'art de la guerre? N'est-ce pas elle qui fut l'amante de l'Emir Abdelkader ? Douce reine, je sais tout sur toi. Je connais par cœur tous les noms de tes amants qui avaient pris les armes pour te libérer. J'ai la liste des patronymes de toutes les personnes qui avaient combattu pour ton salut et ta liberté.

Je te rappelle que je suis né pour juste t'aimer et répandre ton charme tel un parfum suave qui embaume les nuits. Je conterai ton charme avec toutes les langues et je communiquerai ta beauté sublime aux sourds et aux muets qui vont me comprendre et ils vont à leur tour le compter à leurs enfants. Je m'en fous de ce qui advienne de cette insensée liaison, du moment que loin de toi n'est qu'une froide prison. Et oui, douce Reine, ton amour est mon unique héritage dans cette vie qui reste un obscur et court passage. Tu dois savoir que je suis né rien que pour t'aimer aussi fort que tous tes anciens amants qui avaient la faconde et l'audace de t'écrire des pages et des pages, où tu apparaissais comme la plus élégante de toutes les femmes. Je dois t'avouer mes pensées les plus folles et surtout mes chagrins les plus drôles.

J'étais et je resterai cet orphelin qui vit de rien, mais qui n'oublie jamais qu'il a une grande chance d'être né algérien. Je suis fier de mes origines de Chlef et surtout de Sendjes, la petite localité qui avait enfanté Hassiba Ben Bouali, l'héroïne de la bataille d'Alger. Je frôle la cinquantaine et ton amour reste celui d'un mioche de cinq ans pour sa mère. Un naïf et égoïste chérubin qui écrit sous formes de graffitis ton nom sur tous les murs. Hélas, je ne peux cacher la joie qui a fait de moi un Khemissi fier de porter la nationalité algérienne. Je suis ce mioche de Khemis Miliana, la ville natale du grand Bougara Ahmed. Le somptueux colonel et chef historique de la wilaya IV. Je suis ce scout né après ton indépendance et qui pour rien au monde de ton amour, il ne renonce.

Tu es au courant que ton amour n'est qu'une suite d'interrogations qui se terminent par des points de suspension. Tu sais aussi que mon amour vient d'un cœur, qui n'a jamais connu la moindre rancœur. Tu dois savoir également que ton enchantement de miel est plus suave que celui du ciel. Ô toi la rose qui ne fait que me fuir? En me laissant tant souffrir, cela fait des années que je recherche ta voie, pour juste écouter le timbre de ta voix. Ton silence de musée fait de toi une femme sage, qui tue ses amants de tous les âges. En réalité, tu n'es qu'un parfum cueilli d'un jardin inconnu et je me demande souvent, d'où tu es venue? Tu es cette histoire de Houri évadée d'un conte, et moi tel Homère aujourd'hui je la conte. Pour que tu demeures éternelle, la reine fugitive du ciel.

D'après certains dires, tu es cet amour entre la rosée et la fleur, là où la passion détruit toutes les peurs. Tu es pareillement cette passion entre une vague et un rocher, tu es cette tentation qui fusionne la vue au toucher. Tu es ce langage divin entre les nuages et les monts, cette caresse entre le sable fin et les vents. Tu es le repos d'une paisible mosquée. Tu n'es rien que la quiétude d'un quai. Tu es cette étoile qui poursuit son chemin et qui vit le jour et qui pense aux heureux lendemains. Sans tenir compte des radotages des envieux. Tu n'es finalement rien qu'un soleil doux d'un jour pluvieux. Je t'ai aimée jeune et je t'aimerai encore, ô toi madone qui envoûte les âmes et les cœurs. Dis-moi comment te séduire, ô toi femme qui me fait tant courir? Juste une envie de te parler de ce soir, où je t'ai vue courir dans le noir. Un vœu de humer ton parfum de gazelle, sous le regard captivant du ciel.

Douce Algérie, qui me laisse solitaire, avec mes peines sur cette terre. Le grand bonheur fait de tant de tendresse pleure aujourd'hui sur ma détresse. Demain, j'irai au mont pour parler au ciel, de ce chagrin au goût de fiel. Humble je me prosternerai devant Dieu, à qui je demanderai la protection de notre si beau pays de ceux qui désirent le tuer. Et que l'amour berce la douce Tlemcen et erre comme le sang dans les veines. Que la joie anime Oran, Alger et Annaba et le grand Sud, où vit la tribu de Sidi Baba. Nous sommes la race des aèdes, des guerriers, enfants musulmans depuis l'ère de la dynastie des Omeyades. Notre Algérie est notre unique trésor et nous la défendrons jusqu'à la mort. Rien ne devrait nous intimider ou nous choquer, car l'Algérie n'est qu'une rose qui passe en beauté mille bouquets.

Avant de terminer l'écriture de mon poème, j'ai eu un léger frisson en entendant du bruit à la cuisine. Je ne savais plus si j'étais éveillé ou pas, mais j'avais l'impression de reconnaître la cadence de ses pas. La douce reine était mon hôte cette nuit-là et j'étais le plus heureux de tous les humains. Comme par enchantement, je me suis retrouvé dans un château où des valets en tenues en or épiaient tous les invités. Je ne vous cache pas ma frayeur, car je ne m'attendais pas à la recevoir. Tous les regards étaient pour la ravissante fleur. Elle portait une robe brodée style constantinois, algérois ou de Tlemcen? Elle était plus captivante et plus attirante que toutes les belles femmes réunies. J'avais du mal à fixer ses grands yeux noirs. Elle n'était pas voilée et ses longs cheveux noirs ou blonds me donnaient le vertige et le frisson. Elle avait la démarche d'une reine. Elle avait l'élégance de Lalla Fatma N'soumer et la tête instruite de Lalla Zohra, la maman de l'Emir Abdelkader. Son nez était aquilin et redonnait à son noble visage une stature d'une souveraine du désert.

Une Reine âgée, mais avec un visage sans pli, ni ride. Ses lèvres étaient comme deux fines tranches de fraises et qui laissaient apparaître deux rangées de perles qui étincelaient comme des astres au firmament d'une nuit claire et sombre. Je crois qu'elle était plus brillante que le soleil et plus séduisante que la lune. Son cou n'était qu'un bout de gazelle. Ses longues jambes passaient en beauté ceux de Belkis, la Reine de Saba. Quant à son allure, elle était celle d'une majestueuse souveraine au sourire qui tue avec gentillesse les humains, les génies et mêmes les anges. Sa voix n'était qu'une musique qui calmait les maux de tête et son regard n'était qu'une invitation à un monde féerique. Elle avait trop de classe et par pudeur j'avais baissé mes yeux et pour être sincère je n'avais pas assez de courage pour lui tenir une conversation.

Mes mirettes étaient sur terre et je ne voyais rien que ses orteils et un bout de soie de cette robe longue qu'elle portait telle une déesse au temps des Pharaons. J'étais heureux et un peu ivre de cette rencontre tant souhaitée avec la femme que je poursuivais depuis ma jeunesse. Elle était là, devant moi et je ne pouvais plus lui parler de ma détresse, ni de mes ennuis. Je ne pouvais plus lui décrire les mauvais coups de mes camarades, ni mes déboires avec tous les hypocrites qui peuplent nos cités. La douce Impératrice était avec moi et je voulais que le temps s'arrête afin que dure encore ce tête-à-tête. J'étais trop troublé et elle savait que ma langue ne pouvait remuer ni produire aucun son. Sans le vouloir, j'ai pu lire ses pensées. Elle m'avait fait revivre le film d'un rêve brisé par des hommes égoïstes et imprudents. Elle m'avait fait goûter le chagrin d'une défaite et moi le mioche qui adorait les fêtes.

La douce femme était vite éclipsée et je me suis retrouvé avec des frustrations. Son message était pour les esprits sages. La douce femme veut que nous changions de mentalité et qu'il est temps pour nous de s'unir. Elle veut nous voir tous autour d'une même table. Elle veut un nouveau départ pour la république. La douce femme ne veut plus de peur, de pénurie, de sang ni de malentendu. Elle belle dame veut le retour du beau vieux temps où ses enfants étaient pauvres, mais heureux. La douce et charmante dame désire la mise en place d'une nouvelle politique où le dialogue prime. Elle veut que son prochain anniversaire soit une grandiose fête où on verra toutes les têtes des hommes politiques. Elle veut mettre fin à la séparation et aux disputes.

La douce femme ne veut plus revivre les scènes des vols et des viols. La douce femme veut mettre sa robe blanche et compte offrir à ses amants chacun une tranche de bonheur. Elle veut que le prochain 05 juillet 2015 soit un évènement qui mettra fin à tous les conflits internes non évoqués au public. La douce femme nous invite à l'aimer comme nos ancêtres. Un amour franc et sincère. Elle veut nous voir en concert et en force. La douce femme se rappelle toujours des atrocités et des meurtres. Elle veut que les Algériens soient plus vigilants et plus sages pour déjouer tous les complots que nos ennemis préparent. Elle veut nous prévenir contre les erreurs qui conduisent à la destruction de toutes nos infrastructures et qui nous poussent à la guerre civile. La douce dame veut plus de compréhension et de la souplesse. Elle désire une entente entre les frères. Elle ne veut plus revivre les querelles et les divergences de 1962 et de 1965.

La douce et belle Algérie veut la mise en place d'une nouvelle république qui répond aux attentes de tous les citoyens. Une république au service réel du public. Les responsables actuels devraient cesser de voir les autres d'en haut. Il est temps de descendre des tours de verre et de partager les plats quotidiens de la classe moyenne. Le moment est venu pour ressentir la vraie misère qui défigure les visages et la famine qui terrasse les ventres. Le moment est venu pour revivre la brûlure d'une injustice. Et oui, beaucoup de choses sont à faire par les décideurs. Beaucoup de concessions sont attendues par les citoyens et les opposants politiques. Cependant, l'espoir demeure dans la naissance d'une nouvelle république où les enfants de l'Algérie retrouvent la confiance et l'amour d'antan. Une république qui rassemble et qui sert tous ses enfants: les alcooliques et les pieux. Une Algérie qui ne renie personne et qui offre ses services aux voisins et aux lointains habitants de cette terre que nous chérissons.