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Le pouvoir de la vérité...

par Abdellatif Bousenane

Notre pays, l'Algérie, est-il vraiment l'enfer ? La situation actuelle du pays justifie-t-elle toute cette masse de propos extrêmement négatifs et destructeurs ? Y a-t-il des choses positives dans notre pays ? Quelles sont les vraies raisons de ce pessimisme ambiant ?

Dans le champ médiatico-politique algérien, il y a effectivement une attitude qui s'est installée depuis maintenant quelques années, une espèce de posture orthodoxe qui considère le pouvoir politique comme étant le mal absolu qui veut détruire le pays et tout ce qui vient de ce même pouvoir est forcément négatif et médiocre. Dans le même temps, cette «pensée unique» empêche ou/et intimide d'une manière très agressive toute autre tentative d'une autre idée beaucoup plus objective, équilibrée, consensuelle. Bref, toute autre expression libre et raisonnable. Par conséquent, on est souvent dans une perspective catastrophiste, on prédit toujours l'apocalypse qui tarde à venir puisque ces promesses prophétiques très obscures durent depuis, au moins, 1999, la date où le pays a retrouvé sa paix civile. On donne, tout le temps, le sentiment aux citoyens qu'ils vivent dans un pays instable dont il n'y en a rien à espérer et qu'il n'y a aucun avenir !

A QUI PROFITE CE PESSIMISME ?

Je pense qu'il y a une vraie volonté de faire durer ce climat très peu prometteur dans notre pays. Mais pour qui et pour quelle raison ?

Les intérêts et les raisons sont multiples et complexes. D'abord, des raisons classiques d'ordre économique liées à une caste de très riches hommes d'affaires qui sont très influents, que ce soit, paradoxalement, dans le pouvoir politique lui-même ou dans les cercles opposés au pouvoir, partis politiques, médias, etc. Ces forces financières ne veulent pas, tout simplement, qu'un très grand nombre de citoyens ressentent une infime lueur d'espoir qui leur permet de croire dans l'avenir de leur propre pays et qu'ils peuvent espérer ainsi à rejoindre le rang de la classe dominante. Cela menace certainement les intérêts de cette caste. La deuxième raison est idéologique. À partir du moment qu'une idéologie ou une autre n'arrive pas à dominer les centres de décision du pouvoir, elle ne voit en lui, de ce fait, que torts et péchés. Il y a aussi le conflit identitaire qui a pris en fait une ampleur incompréhensible, contrairement aux pays voisins ! Sans oublier les autres raisons banales, telles que les guéguerres régionalistes, les problèmes très subjectifs d'ego des personnes, etc. On peut conclure dès lors qu'il existe en effet une alliance implicite entre quelques milieux intellectuels et d'affaires pour faire durer cette ambiance tétanisante. Une partie des «droits de l'hommiste», médias, politiques, etc. donnent l'impression qu'ils défendent le peuple alors qu'en réalité, ces cercles utilisent ce discours moralisateur contre le pouvoir en place comme prétexte dont le but ultime c'est d'anéantir un modèle de gouvernance qui va à l'encontre de leurs intérêts financiers, idéologiques et même personnels.

PROBLEME DE CREDIBILITE !

Etre toujours contre toute action gouvernementale, toujours dans un esprit négatif, toujours contre, toujours anti, dans tous les cas, de toutes façons, quoi qu'il arrive, peu importe les circonstances, cela donne un sérieux coup à sa crédibilité car on ne peut guère faire une analyse objective de notre réalité qui vise l'établissement de la vérité universelle lorsqu'on est dans l'extrémisme, dans la négation totale et le défaitisme le plus obscur. Pareil pour l'autre partie qui est toujours pour les dominants du présent, toujours positive et applaudit tout ce qui vient de l'autorité toute-puissante.

Prétendre être le quatrième pouvoir pour ce qui concerne la presse ou les forces d'opposition politiques «indépendantes» pour faire, justement, pression sur les pouvoirs publics, pour les contrôler, pour anticiper et limiter tous les abus, enfin pour que le pays aille dans le bon sens. Et en parallèle, traiter toute l'élite qui gouverne de tous les noms et les accuser tous de traîtrise, à savoir de travailler contre les intérêts suprêmes de la nation puisque leur objectif, c'est de détruire le pays ! Ceci est une folie ! Nous avons là un vrai problème de finesse dans les propos, on peut même dire que cette attitude est contre-productive. Parce que le résultat final de cette atmosphère, c'est décrédibiliser la parole publique, c'est de la rendre inefficace, personne n'entendra personne, même les mots et les paroles n'auront aucune force, aucun poids et aucun sens.

Les plus sincères parmi les adeptes de cette posture croient qu'on peut lutter, en même temps, contre l'immoralité dans la sphère politique chez nous, rivaliser les réseaux internationaux très puissants de corruption, confronter les stratagèmes diaboliques de la géopolitique des dominants et combattre l'injustice dans le monde menée par des puissants lobbies qui ont influencé une grande partie des pays du monde y compris la majorité des pays arabo-africains, à titre d'exemple les grands scandales de malversations qui ont secoué notre pays ces dernières années sont tous liés à des groupes de multinationales ou/et à des sociétés issues du «monde civilisé». Ce combat est perdu d'avance si on y va avec cette naïveté excessive. Ainsi donc, pour appréhender notre réalité d'une manière objective et juste, il faut conjuguer tous ces paramètres du contexte international très peu favorable dans une perspective de complexité. Au lieu de sombrer dans cette logique pessimiste très négative, mieux vaut aider les gens de bonne volonté, dans le pouvoir ou ailleurs, pour justement résister contre les forces occultes qui ne veulent pas le bien à notre nation.

Ceci étant dit, une partie de l'élite gouvernante alimente directement ou indirectement cette situation par son arrogance, sa langue de bois, sa démagogie et son machiavélisme exagéré. Ces gens-là n'aiment pas la clarté dans l'explicitation de la chose publique. Toutefois, il est vrai que le monde d'aujourd'hui et surtout la chose publique sont d'une complexité telle qu'on ne peut point les simplifier à une équation binaire, néanmoins, pour éviter justement ces raccourcis très dangereux, on peut, avec des mots justes, clairs et simples, décrire cette complexité et la rendre beaucoup plus limpide pour les citoyens pour qu'au final le citoyen ne tombe pas dans ce piège du catastrophisme total et assassin.

C'est vrai qu'il existe des vérités subjectives que chacun de nous construit selon ses opinions, son idéologie et sa vison du monde mais il y a aussi une vérité universelle en dehors de nous car il y a une réalité objective solide et tout n'est pas construit. Nier cette réalité, c'est vouloir laisser une grande marge aux marchands du désespoir. Dans ce sens, et à l'instar de tous les pays du monde et malgré le fait qu'il y a beaucoup de lacunes, beaucoup de problèmes sociétaux à corriger, beaucoup de comportements de la part de l'administration et des pouvoirs publics à combattre mais il y a également beaucoup de réalisations, beaucoup de choses positives dans l'action gouvernementale à encourager. Cela est la vérité, elle est objective et elle est aussi simple que ça.