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Tourisme ! Vous avez dit tourisme ?

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Scène 1 : La solidarité algérienne pour les causes bonnes , justes et franchement fraternelles n'est pas seulement une affaire de sous,d'échanges de missionnaires ou de coopération sécuritaire.

Elle est aussi affective, tout particulièrement durant les moments forts ou tragiques. Il en est ainsi des comportements de nos concitoyens à l 'endroit du voisin de l'Est , la Tunisie.

Ainsi, le nombre de «touristes» ou voyageurs ou visiteurs algériens s'étant rendus en Tunisie ne fait que croître au fil des ans , et tout particulièrement ces toutes dernières années : 1 300 000 en 2014?..contre 1 060 000 en 2013. Chiffres officiels !

Il y a ,certainement, un grand engagement des Algériens , qui ont vécu par le passé récent, des moments tragiques avec le terrorisme et les «embargos» étrangers divers , bien souvent de pays «frères», engagement à démontrer in situ leur soutien au peuple et à la nation tunisienne. Mais, ce qui est sûr, c'est que la Tunisie a toujours été le pôle préféré des Algériens pour trouver ou retrouver un champ de repos ouvert , un accueil libre et libéré et une ambiance chaleureuse leur permettant , seul (s) ou en famille, en vacances ou pour affaires, en mission ou pour études, en soins (ces dernières années) ou en cure?. de profiter pleinement et tranquillement d'une certaine forme de paix?. ..pour quelque temps. Toujours bien suffisant pour retrouver le moral, parfois en berne au départ...et en avoir pour ses sous.La Turquie, c'est bien, mais?.la Syrie, c'était bien mais ce n'est plus possible, mais la Tunisie, c'est chez nous, juste à côté.

Bien sûr, nos nationalistes sourcilleux trouveront toujours à redire, en tricotant sur l'esprit commercial de nos voisins, en oubliant que, dans notre univers désormais «mondialisé-globalisé», qu'on le veuille ou non, bon gré mal gré, c'est bien plus une qualité qu'un défaut. Bien plus, cet esprit est une vertu, lorsqu'il est rentable et pratiqué en toute transparence dans les limites réglementaires permises.

Scène 2 : Une chaîne de télé française a retransmis tout dernièrement une émission consacrée à l'Algérie du bord de mer. Une émission qui a connu un certain succès auprès des français (certainement surtout les Beurs et les Pieds noirs, et les écolos)??et ,comme d'habitude, auprès des Algériens d'Algérie. D'autant qu'il était presque impossible d'échapper au battage publicitaire et promotionnel qui avait précédé. La diffusion de «morceaux choisis» sur les réseaux sociaux n'a fait que surmultiplier la curiosité des vieux ??et des jeunes. Pardi ! des femmes en bikini ? A ne pas rater. Aussi sûr que cet été, le rush vers les plages montrées est inévitable. Les concessionnaires de plages «privées» vont certainement augmenter leurs prix pour éviter les embouteillages. Ceci dit en espérant qu'il n'y a aura pas de «fetwa» médiatique et ou satellitaire.

Scène 3 : Pour la 6è année (ou fois) consécutive, une entreprise privée de communication (toujours la même) a organisé en Algérie une «Journée du Marketing touristique». On a répété , une fois de plus, que «l'industrie du tourisme est d'une importance capitale dans l'économie mondiale» et que «l'Algérie ne peut rester en marge de toute cette richesse qui est à sa portée ?.». Et patati, et patata?.

En attendant , on prépare activement , surtout dans les cuisines, la prochaine Exposition universelle de Milan.

Conclusion: Les Algériens adorent s'évader vers les «ailleurs» où l'herbe leur paraît bien plus verte que chez eux : l'un à l'étranger, bien réel et l'autre, national mais virtuel.

Le virtuel , vous l'avez aussi dans les belles photographies promotionnelles présentées durant les Salons internationaux pour attirer le touriste étranger ?.et expositions et explications qui connaissent toujours un grand succès. C'est tout dire de l'attractivité d'un pays aux paysages époustouflants et , pour certains, encore vierges.

Le réel est tout autre, en dehors des chiffres, toujours en hausse concernant la fréquentation estivale des plages et ceux de nos émigrés ou descendants d'émigrés venant au «bled» durant les congés.

Le réel , c'est une promotion poussive, ne laissant place ni à l'imagination, ni aux rêves?Certainement la peur de décevoir et la peur de sortir des «sentiers battus» de l'ère socialiste !

Le réel , ce sont des sites touristiques ou supposés tels (à forte fréquentation) pollués et défiant les règles minimales de l'hygiène?.l'incivisme citoyen régnant en maître.

Le réel, ce sont des des lieux d'hébergement, certes toujours complets, mais occupés bien plus par des célibataires ou des couples en goguette que par des familles en recherche de repos, de calme et de distractions saines.

Le réel , ce sont des prix frisant bien souvent la folie

Le réel, ce sont des prestations bien médiocres (un journaliste a parlé d'offres de services «bains-maures». Excessif mais pas très loin de la vérité)

Le réel, c'est un environnement (des sites et lieux touristiques, tout particulièremnt en saison haute) livré à l'informel, à l'incontrôlé et l'incontrôlable?avec une violence urbaine quotidienne certaine .

Et, pour corser le tout, le b.i.e.n réel, c'est un accueil déplorable où le client se sent plus esclave que roi.

A mon sens, c'est peut-être là le point le plus important?l'Algérien, tout particulièrement en famille ou accompagné, acceptant tout?.sauf un accueil irrespectueux ?.des efforts financiers demandés?. (plutôt exigés). D'où, peut-être, les «coups de gueule» continuels qui s'en trouvent facilités.

Car , le tourisme, avant d'être conjugué au site lui-même ou à la structure d'accueil, est d'abord, et avant tout, un problème d'attitude et de comportements de l'autochtone gestionnaire à l'égard du loisir, face au client algérien, face à l'étranger?

L'Algérien est certes un hôte agréable, aux traditions d'accueil connues, peut-être un peu trop mythifiées, mais il a un caractère bien particulier. Sa serviabilité n'accepte pas d'être enfermé dans le moule commercial, dans lequel le client est roi, et son service ne veut jamais verser dans ce qu'il croit être de la servilité.L'accueil aimable dure un temps, mais pas très longtemps. Et ce, quelles que soient les pressions ou l'organisation du travail. Très vite, le naturel , libre ou rebelle, envahissant ou réservé , revient au galop.Avec la grève-surprise au bout. Au grand désespoir des nouveaux managers qui rapportent des modèles de gestion (et de formation) ayant fait leurs preuves ailleurs.

Les investissements , bien sûr, mais surtout privés et étrangers ! La sensibilisation et la promotion, assurément ! La formation , pourquoi pas, si elle est adaptée aux formules envisagées et aux publics espérés !L'action de veille et de régulation vigoureuse et rigoureuse de l'Etat, bien entendu, surtout pour ce qui concerne le respect de l'environnement et du consommateur ainsi que de sa sécurité !

Reste le gros problème : refréner les ardeurs techno-bureaucratiques et interventionnistes en toutes choses (aggravées par la religiosité ambiante) des managers parfois et surtout des décideurs administratifs locaux?afin de laisser les citoyens réinventer leurs loisirs et pratiquer leur tourisme de manière libre , et libérée de tabous pour la plupart «inventés» par les «fous de foi».