Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

La révision de la Constitution et le bavardage politique !

par Yazid Haddar

Si l'anniversaire du quatrième mandat de l'actuel président s'est fait remarquer par sa propre « date anniversaire », il est vide sur le plan politique.

Ni l'opposition, ni la classe politique dirigeante ne sont en mesure de faire un bilan de cette première année du quatrième mandat ! La raison : c'est le vide, qui met en panne l'ensemble des institutions de l'Etat. Autre raison : l'absence d'institutions fiables capables de dresser un réel constat des choses. Comment explique-t-on ce bavardage ? Nous sommes toujours dans les mêmes scénarios : d'une part « une partie » du pouvoir dirige le débat, par les médias « sous tutelle » et des élites « soumises à la pensée dominante » et, d'autre part, l'opposition riposte pour prouver le contraire ! Résultat : l'opposition est dans l'incapacité de produire un autre débat que celui offert par le pouvoir dirigeant ! À quoi sert de réviser une Constitution, alors que la précédente n'est pas encore respectée ?

A ce jour, les deux Chambres sont utilisées pour enregistrer des amendements de lois. Elles ne jouent guère le rôle que leur a mandaté la loi. Elles sont fragilisées par le pouvoir exécutif, qui, malheureusement, ne veut pas assumer sa responsabilité dans ce marasme et cette stagnation politique. Quand le pouvoir juridique est submergé d'affaires, non délibérées à ce jour, de corruptions, de plus en plus généralisées, et à des niveaux très élevés de l'Etat, selon certains titres de presse, ceci décrédibilise toute tentative de révision de Constitution. D'ailleurs, la corruption a atteint un niveau très élevé au point d'attirer l'attention des journalistes parisiens ! Qui pourra nous assurer que cette révision n'est pas, pour une énième fois, une ruse pour gagner encore du temps ? Quant au pseudo retour aux limitations des mandats, il n'est qu'un leurre, car comment voulez-vous que le citoyen accorde une crédibilité à un changement de Constitution au moment où l'article 88 de la Constitution ne rencontre personne qui a la capacité de l'appliquer ? No man's land !

Afin d'aborder la question de la révision constitutionnelle, le cadre de cette révision est très explicite dans le cadre de loi, Art.174 de la Constitution algérienne, qui stipule que la révision constitutionnelle est décidée à l'initiative du Président de la République. Elle est votée en termes identiques par l'Assemblée Populaire Nationale et le Conseil de la Nation dans les mêmes conditions qu'un texte législatif. Elle est soumise par référendum à l'approbation du peuple dans les cinquante (50) jours qui suivent son adoption. La révision constitutionnelle, approuvée par le peuple, est promulguée par le Président de la République.

Cependant, le projet de révision constitutionnelle ne porte aucunement atteinte aux principes généraux régissant la société algérienne, aux droits et libertés de l'homme et du citoyen, ni n'affecte d'aucune manière les équilibres fondamentaux des pouvoirs et des institutions, le Président de la République peut directement promulguer la loi portant révision constitutionnelle sans la soumettre à référendum populaire si elle a obtenu les trois quarts (3/4) des voix des membres des deux chambres du Parlement. (Art. 176).

Enfin, la ligne rouge à ne pas toucher a été expliquée dans l'article 178, c'est-à-dire, au caractère républicain de l'Etat; à l'ordre démocratique, basé sur le multipartisme; à l'Islam, en tant que religion de l'Etat; à l'Arabe, comme langue nationale et officielle; aux libertés fondamentales, aux droits de l'homme et du citoyen; à l'intégrité et à l'unité du territoire national ; à l'emblème national et à l'hymne national en tant que symboles de la Révolution et de la République. A vrai dire, le projet de loi pour la révision de la Constitution ne pourra en aucun cas apporter la stabilité politique, sociale et économique de plus que celle révisée en 2008. A moins que ce soit le retour à la version d'avant 2008, c'est-à-dire à la limitation des mandats. Le blocage n'est pas au niveau des textes de loi, mais plus d'une partie des hommes et des femmes qui gouvernent les institutions de l'Etat. S'il y a déficit, c'est plus à ce niveau ! Ceci étant dit, comment peut-on expliquer la non application des lois de l'actuelle Constitution, comme nous l'avons expliqué plus haut, comme l'article 88, mais aussi les articles, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 34, 35, 36, 37, 38, 40, 41 et 42, qui touchent à la liberté individuelle, au commerce, au citoyen, aux associations, etc. ?

A terme, si le bilan de la première année du quatrième mandat est marqué par le vide politique, « les guerres des clans » et l'augmentation des affaires de corruptions, le pays n'a surtout pas besoin d'être fragilisé par des révisions consécutives de la Constitution. L'urgence est de sortir de ce vide politique !