Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Petits pas du califat algérien et sa Chariâa

par Kamel Daoud

Un: la débandade signée par Sellal. Le lâchage direct de Amara Benyounès sur l'affaire des autorisations touchant les grossistes d'alcool ne s'arrêtera pas sur cet épisode lamentable de lâcheté. Les islamistes savent aujourd'hui qu'on ne veut pas les arrêter: ni militaires, ni partis, ni Présidence. Totalitaires par essence, ils se savent en position de force et vont réclamer encore plus sous le règne de Bouteflika le Réconciliateur: on passe aujourd'hui à la demande d'interdiction sur les avions d'Air Algérie même. Ceci en attendant les polices des moeurs, les tribunaux de quartier, l'acide contre les femmes non voilées, le FIS et ses méthodes. Les islamistes ont deux chaînes TV, un régime mou qui ne pense qu'à son fric et ses avantages, un peuple abêti : pourquoi alors se contenter de quelques mosquées si on peut avoir un pays en entier ? Pourquoi s'arrêter alors que tout leur est offert ? «Ce n'est pas aux islamistes qu'il faut faire des reproches mais aux lâches qu'ils ont en face», conclut un ami.

Vrai: c'est parce qu'ils ont trouvé une maison sans maître que des Chourouks Boys s'essayent au califat aujourd'hui. Les Décideurs 90 sont tous morts ou sans dents, personne n'arrêtera aujourd'hui le néo-FIS. Abassi a marié son Fils au Qatar et apparemment il a des millions d'enfants ici. Et dans la bataille du pantalon contre le kamis, c'est le pantalon qui est baissé.

Eux: Etrange visage du sud tourné vers le nord: la bouche est située sur la nuque et les yeux sous le nez. Monstruosité. Explication de cette chair donnée par un ami: les endoloris de l'Occident migrent vers la Syrie et l'Etat islamique et les endoloris du monde dit «arabe» ou de l'Afrique triste migrent vers l'Occident. Transhumance par la tête. Nord-toute contre AllahouAkbar. Le tout doublé d'un discours fourchu: les uns voient le paradis en Europe, les autres après la mort. Les uns fuient la mort, les autres lui courent après. Les uns ont un drapeau noir, les autres, un drapeau blanc pour se signaler comme naufragé. Les deux meurent parfois. On s'imagine cette mer du milieu, berceau des dieux colorés de la Grèce et des flibustiers à l'œil vif comme un couteau, devenir cimetière ou pan de passage. Les deux se croisant: montant vers le nord, fuyant le nord. Les uns fuyant les dictatures ou les décolonisations échouées vers le confort de l'Europe, les autres fuyant le confort de l'Europe pour bâtir un enfer ici pour un paradis promis après.

Solution finale en mode fantasme: les deux flux s'échangeant leurs places réciproques. Le migrant offrant sa place en enfer africain au djihadiste européen qui veut goûter au désert comme préambule d'éternité.