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Le travail en Algérie nuit-il à la vie et à la santé (N.V.S) ?

par D. Gaham *

Il faut reconnaître en premier lieu que l'information primaire sur les accidents du travail en Algérie est inatteignable, car non divulguée sur les sites officiels des institutions spécialisées en Santé et Sécurité du Travail et ce, malgré toute son importance. En effet, la pénurie de données numériques en SST est soutenue par l'encoffrement de l'information qui est un vice profond et une tracasserie pour tout travail d'investigation.

Une baisse de 8% de décès imputables aux accidents du travail en 2013 par rapport à 2012 a été rapportée par Algérie Presse Service. Qu'importe si le ministre du Travail le dit pour insinuer une quelconque performance. La vraie tendance ne se manifeste pas par l'improvisation ou en absence d'une stratégie assise sur des objectifs SMART et des cibles mesurables et atteignables. Deux décès de travailleurs par jour et 1% du nombre total de travailleurs en Algérie sont victimes de lésions professionnelles, sont considérés comme des chiffres effrayants sur le plan humain et socioéconomique. Dès lors, un accident du travail est un luxe qu'on ne peut pas se permettre. Nonobstant le caractère imprévu et soudain de l'accident, beaucoup d'évènements mortels en Algérie peuvent être évités uniquement par un simple recours à la prévention et non par un miracle. Ceci nous incite à dire qu'il n'est pas irrationnel de penser que derrière chaque accident se cache la négligence.

Des situations compromettantes en milieu de travail sont vues quotidiennement. Les travaux en hauteur ont augmenté de manière fulgurante et à l'échelle nationale. A titre d'exemple, le nombre élevé des échafaudages non-conformes érigés au sein de la ville de Constantine pour la restauration des façades est préoccupant, ce qui nous a incité à consulter la réglementation en vigueur en matière de prévention des chutes d'un niveau supérieur. L'article 33 à 37 du décret exécutif 91-05 du 19 janvier 1991 est l'encadrement légal où il n'est fait mention d'aucune prescription quant à la hauteur qui requiert l'utilisation d'un dispositif de protection. De ce fait, la réglementation est obsolète, elle devrait être amendée particulièrement pour le travail en hauteur, qui est selon l'OPREBATPH, la principale cause des accidents mortels en Algérie.

En matière de ressources et de potentiel, nous disposons de ce qu'il faut pour préserver la vie et l'intégrité physique des travailleurs. Cependant, la plus grande lacune observée est l'absence d'une culture nationale de prévention capable d'influencer les niveaux sous-jacents et en mesure de bannir l'utilisation d'une flamme nue pour rechercher une fuite de gaz inflammable.

Pour un début, le fait d'établir une culture de base, orientée sur les résultats pour la limitation des pertes et la réduction des lésions est un grand pas. Connaissant les tenants et aboutissants des systèmes de prévention, l'organisation algérienne en place est impuissante et n'a pas un effet synergique car, ce n'est pas par la multiplication des ressources que nous augmentons la performance SST mais par l'efficacité, la cohérence, la mise en œuvre des programmes et la rigueur dans l'application de la législation et des normes. Un bon tableau de bord pour le contrôle et le guidage SST est également un outil incontournable dans le processus d'amélioration.

L'exposition des travailleurs aux travaux en hauteur, aux rayonnements ionisants, aux gaz délétères, aux poussières de plomb, à l'amiante, à la silice, au mercure, aux contraintes thermiques ? et j'en passe, est une chose fréquente. En effet, la majorité de nos travailleurs ne sont pas formés ni informés des risques liés au travail exécuté qui est une obligation de l'employeur. À terme, ces travailleurs deviendront un fardeau pour la CNAS. Un environnement de travail malsain est non seulement une contrainte mais une source de présentéisme (présence au travail sans rendement ni efficacité) qui est un phénomène pire que l'absentéisme. L'Algérie a besoin de tous ses travailleurs par voie de conséquence, elle doit revoir son régime de santé et sécurité du travail et le confier à un unique administrateur au lieu de le dispatcher.

La réussite à rendre le travail moins pénible et moins compromettant est possible grâce à la prévention. Les avantages directs et indirects que procure cette dernière correspondent au ratio 1 : 2,2 c'est-à-dire pour 1 DA investi, on peut s'attendre à un retour de 2,2 DA, référence le rapport de recherche sur le rendement de la prévention www.issa.int. La protection des travailleurs et la préservation des vies humaines est plus qu'une formule gagnante : c'est un devoir, tout manquement est criminel.

* Préventionniste