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Elections israéliennes : Netanyahou hélas en tête

par Pierre Morville

Dans la dernière ligne droite, Netanyahou a considérablement durci son discours. Malgré un net coup de froid dans les relations avec Washington.

La messe est dite, oserait-on dire. Benyamin Netanyahou restera l'homme fort d'Israël. Jusqu'à la veille de l'élection du mardi 17, les sondages donnaient une courte avance à « l'Union sioniste », une alliance électorale réunissant Isaac Herzog, du Parti travailliste et la leader centriste, Tzipi Livni, réputée pour sa fermeté de caractère.

Sondages démentis. Il est vrai qu'il est difficile de prévoir les résultats précis du vote qui désigne les 120 futurs députés de la Knesset : les électeurs israéliens devaient choisir entre 25 listes, parfois présentées par des micro-partis qui venaient de se constituer. Comme aucun grand parti n'obtient les 50 députés qui lui donnent la majorité dans une chambre de 120 élus, et comme les partis sont représentés dès qu'il dépasse le seuil de 3,25 des voix, vient alors le temps très long des pourparlers interminables pour constituer des coalitions souvent branlantes.

On ne connaitra le nom du futur Premier ministre israélien que dans plusieurs semaines. Mais Netanyahou parait le plus probable : son parti, le Likoud aurait bénéficié de 30 députés contre 24 à l'Union sioniste. Résultat remarquable : la liste commune qui regroupe divers partis arabes israéliens arrive en troisième position avec 14 députés. Pour Netanyahou, les négociations sont déjà en cours avec le Foyer juif de Naftali Bennett, favorable aux colonies de peuplement, qui a remporté huit sièges, avec le parti centriste Kulanu (10 sièges) et avec les formations ultra-orthodoxes.

L'attitude du parti centriste Kulanu sera de ce point de vue déterminante, compte tenu de son aptitude à choisir de pouvoir siéger aux côtés de Netanyahu ou, au contraire, aux côtés de l'opposition de centre gauche. Mais Netanyaohou aurait déjà promis le poste des ministres des Finances à Moshe Khalon, le dirigeant de cette nouvelle formation?

« Tout n'est que complots contre Israël : armons-nous ! »

Netannyahou paraissait pourtant particulièrement usé par son mandat précédent. Confortablement élu en 2013, l'érosion rapide de sa majorité l'avait contraint à saborder son gouvernement en décembre 2014, ce qui entraînait de nouvelles élections.

La campagne électorale qui vient de s'achever a été marquée par de nombreux dossiers sensibles ; le coût élevé de la vie en Israël, une forte crise du logement, l'incertitude politico-militaire de la Grande région (Syrie, Irak, Liban, Libye?), l'éternelle question palestinienne et celle des implantations dans les territoires occupés, divers scandales dont le train de vie princier du 1er ministre et de sa femme? En revanche, les 5,88 millions d'électeurs israéliens semblaient, dans les sondages, être beaucoup moins inquiets que Benyamin Netanyahou, sur un possible accord sur le nucléaire américano-iranien.

Ce sujet était pourtant la principale obsession de l'ancien Premier ministre, qui est même aller, il y a une quinzaine, se rendre sans l'aval de l'Etat américain devant le congrès US à Washington pour dénoncer les négociations en cours avec Téhéran.

Sur le plan diplomatique, les relations israélo-américaines se sont considérablement tendues du fait de cette opposition publique tonitruante de Netanyahou à un accord avec l'Iran chiite mais également du fait du renoncement dans les faits de Tel-Aviv de toute avances, mêmes modestes, vers une paix entre Palestiniens et Israéliens, et le refus dans les faits de la création de deux Etats, vivant cote à cote en paix, thèse pourtant prônée par l'ensemble de la communauté internationale. Le coup de froid entre l'exécutif américain et le gouvernement israélien souligne encore plus l'isolement diplomatique grandissant d'Israël. Cette situation inquiète, y compris au sein du Likoud.

Mais rien n'a fait changer Netanyahou qui, voyant les mauvais sondages le concernant, a préféré jouer la carte de la peur avec comme fausse réponse, un durcissement net des politiques à venir : Netanyahou a dans les derniers jours de la campagne, fermer définitivement la porte à toute négociation : il a notamment promis de poursuivre les implantations illégales de colonies dans les territoires palestiniens et pris l'engagement ferme de s'opposer à la création d'un Etat palestinien, s'il était reconduit au pouvoir.

Ce durcissement relève à l'évidence de l'opportunisme électorale : quand le climat est mauvais sur le plan interne, tant au niveau politique qu'économique, il est toujours alors tentant de sonner le tocsin de la menace extérieure.          D'autant que les facteurs régionaux d'inquiétude sont nombreux, affrontements chiites/sunnites dans tout le Moyen-Orient, interventions militaires occidentales, percée du radicalisme islamiste avec Daesh, fuite de centaines de milliers de réfugiés?

L'attaque de la Bande de Gaza a ainsi permet pendant un temps de faire oublier aux Israéliens, l'inflation de prix, l'absence de logement, les engueulades permanentes entres les différents partis, sur à peu près tous les sujets?

Incapable de répondre sur les difficultés économico-sociales que traverse la population israélienne, toujours convaincu que la seule bonne théorie est l'hyper libéralisme économique, le chef du Likoud a tout au long de la campagne électorale, grossit les menaces externes, opéré un virage très à droite, promettant d'être sans concessions face aux Palestiniens et tirant même la sonnette d'alarme face à la popularité croissante des partis arabes israéliens, composés, rappelons-le, de citoyens israéliens !

Ces prises de position xénophobes, bellicistes, contraire au Droit international vont certainement permettre à Benyamin Netanyahou de s'accrocher à son poste de Premier ministre. Cela ne réglera en rien les problèmes de fond de la société israélienne qui ne sont pas que sociaux et économiques : des tensions intercommunautaires au sein de la population israélienne juives existent, l'insertion de juifs venant de nombreux pays pour s'installer en Israël, souvent sur la base d'une propagande trompeuse crée des tensions en période de faible croissance et de pénurie d'équipements collectifs et d'habitats.

Sur un plan diplomatique, le refroidissement des relations avec Washington sera également sensible avec l'UE, de loin principal partenaire économique du petit Israël.

Moyen-Orient : modification de la stratégie américaine

Cette ligne belliciste, simpliste, démagogique et dangereuse a même été dénoncée publiquement lors de la campagne électorale, par d'anciens éminents responsables de l'armée et des services israéliens. Ces derniers mesurent bien le changement d'attitude des Etats-Unis vis-à-vis de la Grande région.

Barack Obama a hérité de deux guerres lancées par les Bush père et fils, l'Irak et l'Afghanistan, qui n'en finissent pas et qui, dans le second cas, ont surtout ranimé, en détruisant des Etats entiers, le vieux conflit historique entre sunnites et chiites. Barack Obama était, parait-il, peu convaincu de la nécessité d'une intervention armée en Libye. Il aurait cédé à la pression de Camerone et de Sarkozy. On connaît la suite lamentable de cette politique de la canonnière, fut-elle aérienne?

Plus généralement, les discours importants d'orientation géopolitique de Barack Obama ont tous indiqué que l'objectif stratégique des Etats-Unis était dorénavant le Pacifique, et non plus le Moyen-Orient, surtout quand le cours du pétrole connait une vraie chute. Cela ne veut pas dire que l'on reconsidère ses anciennes alliances, mais cela peut les relativiser. Cela vaut aussi pour Israël.

De même, l'armée américaine se mobilisera, sans troupes au sol, contre Daesh mais elle appelle avec impatience la mobilisation concrète des Etats arabes et des Etats européens. Dans la diplomatie américaine, l'heure n'est plus du tout aux incantations bushistes sur la survie de la « civilisation occidentale » mais au réalisme pragmatique : on négocie avec l'Iran, ennemi séculaire et après avoir menacé de mille morts Bachar el-Assad en Syrie, on s'en fait discrètement un allié.

Les déclarations dimanche 16 mars, du secrétaire d'Etat américain John Kerry ont rallumé le débat sur l'opportunité de « parler » avec le président syrien, mis au ban des puissances occidentales depuis le début de la guerre qui a fait 215.000 morts en quatre ans : «Au final, il faudra négocier. Nous avons toujours été pour les négociations dans le cadre du processus de paix de « Genève I » en 2012», a déclaré M. Kerry dans une interview diffusée sur la chaîne américaine CBS. Après les déclarations de John Kerry, Bachar el-Assad a déclaré lundi de son côté, qu'il fallait joindre les «actes» à la parole. «Tout changement international qui intervient à ce niveau serait une chose positive, s'il est sincère et effectif». Ce rapprochement tactique semble avoir quelque peu pétrifié la diplomatie française : ce lundi, le Premier ministre Manuel Valls et le ministère des Affaires étrangères Laurent Fabius ont exclu toute reprise de contact avec le président syrien Bachar el-Assad. Une position très contraire à celle des Etats-Unis. La France a refusé ce lundi toute «remise en selle» de Bachar el-Assad, une option qui équivaudrait selon Paris à faire un «cadeau scandaleux» aux combattants djihadistes de l'Etat islamique qui contrôlent une partie de l'Irak et de la Syrie.

Bachar el-Assad, commanditaire ou complice actif de Daesh, groupe armé qui met en coupe réglée son pays, la Syrie ? Même dans l'Orient compliqué, la thèse française semble complexe. Et si l'enjeu était à cette taille, pourquoi les forces aériennes françaises qui interviennent déjà en Irak, n'agissent-elles pas contre Daesh, en Syrie ? La position diplomatique actuelle de la France est d'autant plus surprenante qu'à l'occasion de sa visite à Paris le jeudi 5 mars, Khaled Khoja, chef de l'opposition syrienne en exil, a annoncé vouloir mettre en place une nouvelle stratégie de négociations en rassemblant les différents groupes d'opposition en Syrie mais intégrant également des représentants du gouvernement de Bachar al-Assad.

Face aux menaces de conflits, l'Europe démunie

La France a parfois des postions critiquables mais elle reste l'un des très rares pays européens qui est présent politiquement, diplomatiquement et parfois militairement dans des zones frontalières de l'Europe où éclatent des conflits qui peuvent avoir des répercussions géographiques importantes sur le Vieux continent. L'important n'est donc pas les divergences tactiques ponctuelles sur tel ou tel dossier, issues de différences d'analyses ou de traditions historiques (rappelons que la Syrie fut aussi une colonie française?), le plus grave est l'atonie quasi absolue de l'Union européenne sur ces questions géopolitiques et militaires. Quelle politique étrangère commune sur les fronts sensibles proches des frontières de l'Europe, Libye, Moyen-Orient, Ukraine.. ? Quelle politique commune face aux dangers terroristes ? Il n'existe, à part dans des discours lénifiants prônant l'amitié et la coopération entre les peuples, de politique de « défense européenne ». Bien pire, il ne subsiste en réalité dans les 28 pays de l'UE que deux forces d'interventions militaires externes, française et anglaise. Et il n'est pas sûr que l'Angleterre ne s'éloigne pas, dans les mois qui viennent, encore un peu plus de l'UE. Dans tous les cas, les dépenses militaires françaises et anglaises, au nom de l'Europe, sont payées par les contribuables de ces deux seuls états. Bruxelles sait créer des normes absolues et impératives sur l'évacuation maximale d'une chasse d'eau de WC, sur la vitesse requise des essuie-glaces de tracteurs, ou sur la taille minimale d'un concombre en Europe. Mais la mutualisation des dépenses militaires entre les 28 pays qui en bénéficient pourtant, est pour la Commission européenne une tâche techniquement et politiquement infiniment trop complexe.