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Les enfants de l'Entente

par El Yazid Dib

Ils sont jeunes. Parfois très jeunes. Des mineurs. Il y a aussi ces grands enfants, ces vieux silencieux qui tous admirent et adorent leur onze local. Ils ne sont pas forcement Sétifiens ou de Sétif. Algériens...Algériennes pas moins.

Le pays et en son sein Sétif a fêté la coupe. L'Algérie entière était à l'honneur. Le jeu des aigles en noir et blanc qui battaient leurs ailes pour battre les pharaons, était un peu symbolique. Loin d'une revanche, tout prés d'une longue zizanie ; les enfants de l'Entente ont montré qu'ils sont les descendants de nobles martyrs. Vainqueurs et sereins. Persister à aimer son club c'est savoir mettre de l'ordre en sa poitrine, dans sa voix, dans ses trippes. Admirer pour aimer un club qui gagne, qui fait honneur, c'est aussi une fierté dans ses temps de disette. Ces inconditionnels veulent mettre le pied au bon étrier. A l'endroit du filet. L'ESS n'est rien sans ses fans, peuvent dire beaucoup d'observateurs. Ce qui est juste d'ailleurs. L'essentiel pour ces jeunes n'a jamais été au seuil d'une simple victoire. Ils veulent des exploits. Habitués aux coupes, ils suivent pas à pas toutes les courbes ayant un chemin direct vers ce trophée. Au fil des saisons et des succès, l'Entente est devenue un amour que partage toute une interaction de générations. A chaque heureuse étape, la pensée va vers les pionniers. Les citer tous risque de faire par oubli des tords à ceux qui méritent tous les respects. La postérité retient dans ses annales noms par noms, ère par ère ces vaillances qui ont donné du leur dans ce qui fait briller l'équipe présente.

Apres la sortie des joutes africaines, l'Algérie est en prospection d'une politique de réussite permanente. Sétif, son club ententiste a ramené une autre coupe. Il est super champion. Il préside le sultanat continental du football africain. Ils ne sont pas trop multiples ces équipes qui courent et gagent. Une performance ambitionnée depuis fort longtemps. Le cœur y était, le pied également.

L'Entente n'a pas gagné cette fois-ci. Elle a corroboré son titre de champion d'Afrique. Et partant, confirmé les potentialités existantes dans la cagnotte des joueurs locaux. L'on peut ne pas importer, consommons de chez nous. « On a plus que jamais besoin de donner une belle image du football algérien, et la finale de la Super-coupe d'Afrique qu'abrite notre pays constitue une opportunité pour le faire » a avancé le Ministre des sports en marge de l'installation de la commission nationale exécutive de lutte et prévention contre la violence dans les infrastructures sportives.

Voilà, non seulement « une belle image » mais une belle super-coupe ! Le hic est cependant dans cette négation du mérite et de la reconnaissance. Comment se fait-il que des joueurs d'une équipe, maitre du continent, qui nourrit à outrance la culture du savoir gagner ne figurent pas ou pas encore dans la sélection nationale ? L'enfant du club, Kheireddine Madoui, le jeune coach n'est pas moins loti qu'un Christian Gourcuff. Il reste un spécimen dans la prise de défis et des enjeux, lui qui connaît les désappointements et les atouts du groupe sétifien. Le technicien local vient de marquer ses référentiels sur le plan des palmarès. La décision ne doit pas tout le temps être de l'autre coté de la rive. Si l'on cherche bien dans un p'tit oued l'on retrouvera ce que l'on veut trouver dans un océan. Les Madoui sont nombreux. Il suffit de les dénicher.

Il y avait comme à Sétif, à Blida durant le match des bannières titrées en noir et blanc qui s'accolaient au pavillon national. Là, tout se fusionnait. L'Entente était dans l'Algérie. Sétif dans le sentiment de tout algérien. Quelle vaillance! Un terrible élan de sensation fédérative est vite installé d'Est en Ouest, du Sud au Nord. Le foot a ses miracles, ses recettes. Sans partis, sans état-major il fait des émules, gonfle les foules et crée de la dynamique. Les parties de foot comme les élections font de temps en temps des détours aux plus avertis des clubs ou des partis. A la différence qu'une élection ne concerne que des intéressés, le foot c'est tout le monde qui y est emballé dans l'angoisse des filets et le suspens du temps mort. On meut parfois avant termes. La consécration en vaut la peine. Chez nous la promotion sociale ou sportive n'est pas uniquement un effort cérébral. Ni l'élévation dans les rangs de la classe politique, un box-office de lutte, de fer ou de sang. Tout, demeure lié à un phénomène dont l'unique explication est à rechercher dans les mystères du pouvoir. L'Entente, voire l'Algérie crée des profils dans tous les sens de ceux qui nous commandent, nous gèrent ou nous représentent. Le hasard n'est pas ainsi venu s'introduire dans les buts adverses. Fruit certainement d'un travail mais surtout d'un charisme, d'une rage et d'une ancestralité.

L'histoire de l'Entente devance abondamment l'équipe ponctuelle. Ainsi l'Entente de Sétif vit de son aura historique et son parcours fabuleux. Des hommes et des hommes ont fait son éclosion. Des jeunes et des jeunes font son accomplissement. Elle se doit d'entretenir cet esprit de hargne. Équipe de coupes, de second souffle et de bon finaliste ; elle a fait les milles joies de ses fans et de ses adeptes. L'Entente comme le FLN est une propriété commune. Avec ses grâces successives, tous ses enfants n'en sont qu'heureux. C'est à eux que revient par ailleurs la grande vertu de ne pas lâcher en piste son favori. Par pluie ou beau temps, par aléas ou conviction, ces enfants sont son lait nourricier. La postérité retiendra cette date fatidique du 1 mai 2012, lors de la coupe d'Algérie, le jeune Boukhanoufa Badro, bel enfant, étudiant lors de son déplacement Sétif/Alger avait perdu l'usage de ses membres inferieurs. Un accident presque mortel, suite à une chute dramatique de ce train de nuit. Mordu du club, il continue à partir de son lit d'hôpital à suivre au rythme qui lui est habituel, les événements de l'Entente. Ou Rafik Dib, ce fidèle supporter à peine âgé de 15 ans lorsqu'il perdit son œil, voila un bail dans un brouhaha de fin de match et un retour agité et enthousiaste. Oubliant leurs affres, leur cœur bat encore pour le club. Un regard clément et gratifiant à leur égard de la part des acteurs locaux du sport et des pouvoirs publics stimulerait davantage leur espoir à guérir vite et conforterait leur patience.

Entre l'ESS et son supporter il y a une légendaire histoire d'amour. Que de jeunes n'ont pas rendu l'âme suite à un débordement de passion. Que de blessés, d'accidentés. Il sera à toutes les occasions le treizième joueur. A vrai dire il est l'équipe en son totalité. Tout est d'ailleurs à son honneur. Mais, l'histoire devra faire cependant des haltes d'évaluation de ce potentiel. Loin d'être le véritable président, en droit ou en fait comme l'on tente de le faire croire ; le supporter de Sétif est, somme toute le vrai catalyseur du club. C'est à ce titre qu'il lui incombe l'obligation de bousculer un tant soit peu l'habitude patriarcale de l'esprit dominateur dominant, sans partage sur la destinée du club. Un encadrement juridique et organisationnel de cette fougue juvénile serait d'un apport conséquent dans la moralisation des pratiques de supporter son équipe. Qualifié récemment dans ces mêmes colonnes par un journaliste de « public parmi les plus violents au monde, et souvent inutile à son équipe » ce public n'est pas le seul à agir ainsi dans la violence que semble percevoir ce journaliste. A une certaine époque de la coupe arabe, l'on le nommait de « public de feu » suite aux fumigènes qui transcendaient par d'éclairantes luminances le ciel du 8 mai 1945, du nom du stade où évoluait le club. A l?instar de tous les spectateurs dans des tribunes de foot, l'on ne s'attend pas à un public de musique classique qui est toute ouïe aux sons philarmoniques. Le stade n'est pas un TNA. L'on y éclate tous ses pneus, ses zornas, ses cornemuses et ses débits langagiers. Quant à la violence ; si elle n'est pas de fabrication sétifienne est-elle encore l'exclusivité des fans de foot ? N'est-elle pas si présente en soi, dans la presse, dans la rue, dans l'école, dans la famille ?

L'Entente doit sa performance à l'engament et l'abnégation de ses dirigeants. Le savoir managérial d'un président de club comme celui d'un homme d'Etat aussi prestigieux ne sera pas englouti entre un bureau et entouré de quelques mauvais confectionneurs et contrefacteurs d'opinions. Il ne peut en outre s'incarner dans une imposition de soi mais une contrainte du « moi ». La collégialité, le concert et l'oreille attentive pourront faire de bons résultats lorsque la fermeté est aussi de rigueur. L'air sétifien est un climat de titres. L'on ne se contente plus de remporter un duel sans engrenage vers un titre. Si le championnat du monde n'était aucunement un objectif pour le club ; certaines langues voyaient dans le déboire de cette première action un manque de gabarit et de trempe. Nullement. L'Entente est le premier club algérien a tenté cette première expérience dans le mondialito. Malgré ceci, elle était à la 5ème place parmi les meilleures équipes locales du monde. C'est ceci qui reste incompréhensible et n'arrive pas à pousser les autorités locales à dédier une placette, un monument ou une quelconque reconnaissance à ce prestigieux club. L'effort que l'on débourse pour booster un tel couronnement devra se concrétiser au bonheur des amoureux de la ville et du club. A l'occasion, la municipalité gagnerait à arborer à ses différentes entrées des panneaux où la simple inscription fera deviner par remémoration toute une histoire : « la ville du 08 mai 45, du champion d'Afrique vous souhaite la bienvenue ». A suivre.

Comme pour toute gloire, il y a toujours à ses alentours de l'opportunisme et de la tentative de vol de vedettariat. Mais quand on provient d'un rien, ce sont les angoisses saumâtres du néant qui vous épient. Donner du fonds n'est forcement pas une garantie de triomphe. Bien des clubs roulent sur des fortunes et pataugent dans la fièvre d'un classement difficile. Alors le bailleur n'est toujours pas derrière une dimension de grandeur. L'entraîneur, coach en prime qui s'absout face à la posture d'un président protecteur ou d'un membre responsable d'un bureau est toujours prêt à surpasser les crâneries et à s'imposer ou imposer une discipline à la Mokhtar Aribi. Ce manager technique ne peut en fait servir, comme à l'accoutumée que de bouc émissaire. Là, s'évertue encore et à tue-tête, le discernement raidissant à dire que la victoire a beaucoup de pères et la défaite est orpheline. Que de défaites se sont encollés de temps en temps injustement à des entraîneurs qui généralement se broyaient sous la pression non dite d'un climat fan-club hostile aux épouvantables scores et intraitable à la perte. Le bon jugement comme la calme s'envolent déjà aux pelouses dés la fin d'une déconcentration. Le prétexte en la personne d'un homme est vite localisé. La responsabilité incontestable sera toutefois dans le nulle part. Malgré cela, le mérite confirmé drageonné à l'équipe reste dans son intacte plénitude. Rendre hommage à cette association historique ne se s'argumente pas seulement par ses victoires consécutives mais le sera aussi pour ce moment précis. Ce moment où la politique nationale du sport est en branle-bas de combat. L'Entente avait reproduit la félicité nationale. Par ces victoires, elle redonne encore envie à tout algérien d'être toujours algérien. Et de s'en anoblir de plus en plus. La fierté quand elle est au bout d'un but, elle est immense et généralisée quoique précaire.