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Se creuser la tete ou forer le sol ?

par M. Abdou BENABBOU

Entre les velléités gouvernementales à peine voilées d'exploiter le gaz de schiste et la population qui s'y oppose, se terre un énorme non-dit. Les premiers très désemparés s'abritent derrière des assurances décousues inopérantes et les autres s'échinent à développer des barouds d'honneur qui ne portent pas. Les uns comme les autres s'éloignent du vrai problème qui mérite d'être posé. Ignoré jusqu'à la chute drastique des prix du pétrole, la nécessité d'aller vers cette nouvelle source d'énergie est apparue à nos gouvernants comme par magie une voie incontournable pour échapper aux sombres jours qui s'annoncent et comme par enchantement notre valeureuse et discrète population du Sud s'est mise subitement à la bonne cause de l'environnement.

La magie et l'enchantement sont offerts par la providence pour éviter un autre débat vrai. Quel savoir et quel savoir-faire devraient compenser le tarissement des recettes pétrolières jusqu'ici nourricières d'une culture rentière et avec quelle richesse humaine affronter une crise économique mondiale qui embarque vers des torpeurs sans nom ? Regarder droit devant relève aujourd'hui de la chimère car nous avons feint d'oublier pendant cinquante ans que la rare énergie renouvelable était le savoir-faire humain.

Pourquoi se creuser la tête quand il suffit de forer le sol ? L'opportunité d'exploiter le gaz de schiste permet de poursuivre la distribution de la rente au nom d'une vague paix sociale qui dit-on n'a pas de prix. A l'évidence, quand on n'a pas le choix des recettes de l'intelligence et quand l'engagement pris de sauvegarder les bénédictions du ciel pour les générations futures ait vécu, racler le sous-sol a vite fait de devenir une autre aubaine pour parer au plus pressé.

Le débat de plus en plus houleux sur l'exploitation du gaz de schiste ne repose donc pas sur une option à prendre parmi des choix réfléchis. L'option serait contrainte et passage obligé même s'il suggère aussi une implication dans les démêlés des stratégies mondiales autour des énergies.

D'aucuns seraient tentés de faire miroiter l'exemple américain. Outre-Atlantique il n'y a de Dieu que le dollar. Mais les Américains disposent d'une large panoplie de prosternations pour l'aduler. Ici un seul choix est offert. S'agenouiller aux pieds d'une légitimité qui a fait son temps pour perdurer.