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L'austérité, le commencement

par Moncef Wafi

« Serrez la ceinture, encore d'un cran, tirez un peu plus, oui comme ça, arrêtez de respirer un moment ; plus si vous voulez, ça nous rendra un grand service ; mais bon, on ne peut pas tout avoir, n'est-ce pas !» : message d'utilité publique pour expliquer les conséquences de la chute des prix du pétrole diffusé dans les médias budgétivores. L'État a pris les premières décisions pour atténuer la crise et sauvegarder le niveau de vie des Algériens... surtout ceux d'en haut. Une décision courageuse, responsable, pondérée et capable à elle seule de juguler le pétrole en solde. L'État ne va plus recruter. Plus aucun CDD encore moins un CDI à un Algérien, la fonction publique ferme ses guichets jusqu'à ce que le ministre saoudien du pétrole change d'avis. Voilà, c'est dit, c'est fait pour le bien du pays. Il n'y a pas d'inquiétudes à avoir, la situation est maîtrisée, bien maîtrisée, le pouvoir gère et le peuple est content. C'est vrai, l'Algérien est content surtout le chômeur de derrière les dunes du Sud, au moins il ne sera plus seul à faire le pied de grue devant les portes de l'emploi. Il ne sera plus seul à attendre que la fonction publique se penche sur sa misérable existence de statistique nationale. Plus aucun recrutement, vous pouvez aller brûler vos diplômes en même temps que les pneus au milieu des routes défoncées de la République. Que reste-t-il encore à «austériser» ? Il y a les idées progressistes de Ouyahia qui sont toujours dans un carton, quelque part dans les archives du Palais du gouvernement, et qu'on peut dépoussiérer à l'occasion. Une bonne petite ponction sur les salaires, c'est toujours une lumineuse idée pour que les fonctionnaires de bas étages goûtent un peu au malheur des étages supérieurs. Ponctionner les autres pour ne pas perdre le niveau de vie des piliers de la République pétrolière, quoi de mieux ! Quoi d'autres ? Réduire les allocations touristiques. Pourquoi pas. 130 euros ou 80 euros, c'est du pareil au même puisque l'Algérien se fera toujours humilier. Arrêter de subventionner les produits de première nécessité, ça oui pour stopper les dépenses inutiles de l'État. Faire ça et préparer les matraques au cas où le petit peuple se révolte. Il faut bien que les policiers justifient leurs augmentations salariales. Geler les retraites en fermant les bureaux de poste, supprimer les aides quelles qu'elles soient, commercialiser l'acte médical dans les hôpitaux, vendre d'autres parts de l'Algérie et encourager les harraga à mourir au fond de la Méditerranée. Une boite à idée est mise à la disposition du bon peuple pour participer activement à sauvegarder le portefeuille intact de leurs maîtres. Sinon, on peut toujours réduire de moitié les gros salaires des ministres et des P-dg des boites nationales, fermer l'APN et congédier tous les élus. Récupérer l'argent des grosses fortunes mal acquises, condamner la fraude fiscale et la corruption. Arrêter les dépenses farfelues, le gaspillage et mettre devant un peloton d'exécution tout responsable coupable de détournements de l'argent du peuple. Pendre par le cou ceux qui ont vendu le pays après l'avoir pillé. Comme je l'ai déjà dit, on peut toujours rêver et un rêve ne coûte rien pour le moment avant que l'Etat ne décide de le rationaliser lui aussi.