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Pétrole, l’Arabie Saoudite sur la défensive

par Akram Belkaïd, Paris

Un baril à moins de 60 dollars, à qui la faute ? Alors que la chute des cours de l’or noir ne cesse d’alimenter la chronique médiatique, les mises en cause fusent à l’encontre de l’Arabie Saoudite et de ses pairs de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). En effet, du côté des pays qui font face à une chute de leurs recettes pétrolières, le Royaume est accusé d’œuvrer pour pénaliser à la fois les producteurs de brut non conventionnel (notamment ceux des Etats-Unis), l’Iran, ennemi héréditaire, ainsi que la Russie afin de la forcer à réviser sa politique de soutien à l’égard du régime syrien de Bachar al-Assad sans oublier celui de Téhéran.

L’ARABIE SAOUDITE PERSISTE ET SIGNE

Les données du problème sont connues. Actuellement, la production de brut est supérieure à la demande ce qui, mécaniquement, pousse les prix à la baisse. C’est d’autant plus vrai que les perspectives ne sont guère positives. La croissance mondiale stagne et donc la hausse de la demande pétrolière restera modeste pour les mois à venir. En clair, en 2015 le marché continuera d’être inondé par le surplus de pétrole et tout semble possible y compris un baril inférieur à 40 dollars voire même 30 dollars. Du coup, la seule solution qui est avancée par certains exportateurs est une nécessaire réduction de la production. De quoi envoyer un signal fort au marché et de permettre au prix du baril de reprendre des couleurs.

Or, à cette injonction de réduire les pompages, l’Arabie Saoudite répond simplement non. Pas question pour elle ou pour l’Opep de perdre des parts de marché. Interrogé récemment lors d’un forum sur l’énergie à Abou Dhabi, Ali al-Naïmi, le ministre saoudien de l’Energie, a indiqué qu’il était à «100% désolé du niveau actuel des prix»mais qu’il considère que ce n’est pas à l’Opep d’intervenir sur la production. Le ministre dont chaque parole est décortiquée a ainsi pointé du doigt la responsabilité des producteurs hors-Opep. Selon lui, ce sont eux qui sont à l’origine de la chute des cours du fait de leur «production irresponsable».

Mieux, Ali al-Naïmi a même rappelé quelle était la position de son pays - qui est, de facto, celle de l’Opep. Selon lui, même si les pays hors-Opep venaient à réduire leur production, le Cartel n’en ferait pas autant. Une position qui a provoqué de nombreux commentaires ironiques dans la presse occidentale mais qui ont l’intérêt de rappeler la position habituelle de l’Organisation. En effet, cette dernière considère qu’elle n’est pas un «swing producer», c’est-à-dire un producteur d’appoint qui s’adapterait constamment à l’évolution du marché. L’Opep rappelle régulièrement que sa politique est d’assurer un approvisionnement régulier et permanent en pétrole. Ce qui signifierait que cette organisation ne doit pas être tenue d’ajuster ses pompages en fonction des cours du brut.

UNE POSITION DURE A TENIR

Une chose est certaine, dans les circonstances actuelles, les explications d’Ali al-Naïmi ne vont pas effacer le malaise qui règne autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Opep. De petits producteurs de l’Organisation aimeraient bien que l’Arabie Saoudite fasse un geste et qu’elle assume la réduction de la production comme elle le fait lorsqu’il s’agit de pomper plus en situation de forte demande. De même, qui peut croire que la position du Royaume est uniquement basée «sur des calculs économiques» comme l’assure Ali al-Naïmi. Pour son pays, l’occasion de faire boire la tasse aux producteurs de pétrole de schiste ne se représentera pas de sitôt. Du coup, la cohésion au sein de l’Opep sera suivie de près en 2015 car il n’est pas dit que Riadh réussira à imposer cette stratégie de manière indéfinie.