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Ce pays qu'on enchaîne

par Ahmed Farrah

Il nous est interdit de railler, de se lamenter, d'exprimer des sentiments différents et des opinions que d'autres ne partagent pas : nous sommes les cabochards, les contestataires, les pleureuses siciliennes, les révisionnistes de l'Histoire, les complotistes, les dénigreurs, les ?'nostalgériques'': c'est leur nouvelle invention.

Gordias et Midas, se sont mis à quatre mains pour nous écrire une série sur les Phrygiens, mais pourquoi reprochent-ils aux autres, ce qui leur colle à la face et au dos ? A travers la lecture du premier épisode de la saison une, qui traite de la langue et de la religion, trop simpliste et sommaire, ne nous apprennent rien de nouveau, ils ne font que « ? tourner en boucle la complainte collective qui monte du pays. C'est bien un comique de répétition (qui a le mérite de provoquer le rire) ».

A propos de l'arabe algérien (dialectal), il est dit :?.En bref, en matière de langue commune, les Algériens disposent d'un vade me cum de quelques centaines de mots dont certains ont une lointaine parenté avec l'arabe, d'autres avec le français ou l'espagnol.

? Au choix, proposent-ils, le dialectal, autrement dit le sabir inintelligible qui constitue le bruit de fond de nos rues,? » .

 Mais, pourquoi êtes-vous allés chercher le dialecte algérien dans les poubelles des rues ? Et ne pas l'avoir cherché dans le parlé raffiné de nos aïeux et de nos parents, dans les hauts plateaux, la Saoura, le Titeri, le Touat et ailleurs. Pourquoi ne pas l'avoir cherché dans les œuvres cinématographiques comme ?'La bataille d'Alger'', ?'L'Opium et le bâton'', ?'Chroniques des années de braises'', de ?' Cheikh Bouâama''? ? Pourquoi ne pas l'avoir cherché dans les Sketchs télévisés de Boubagra, de Bachtarzi, de Touri, des frères Hilmi? ? Pourquoi ne pas l'avoir cherché dans l'âge d'or du théâtre algérien de Kaki, du maitre Alloula, de Kateb Yacine? ? Pourquoi ne pas le chercher dans la poésie populaire de Benkhlouf, d'El-khaldi, d'El Medjdoub, El Maghraoui, Benkriou , Benguitoun? ? Pourquoi ne pas l'avoir cherché dans les chansons bédouines de Hamada, de Djillali Ain-tedles, de Madani? ? Pourquoi ne pas l'avoir cherché dans les chefs d'œuvres de Ahmed Wahbi de Blaoui , de Guerouabi, de Fergani, de Deriassa, de Khelifi Ahmed , Ababssa, de Saloua, de Noura, de Fadhila Dziria, Amari, El Ankis, Dahmane El-Harrachi et du grand maitre Hadj El Anka ?

Le dialecte algérien n'est pas le vademecum, de quelques centaines de mots, comme l'affirmez mais une vraie langue qui tire son fondement d'un substrat originel amazigh millénaire et aussi de l'apport de nouvelles strates culturellement et humainement, enrichissantes où l'arabe tient une place importante dans cette composante sans oublier le Turc, l'Espagnol, l'Italien et bien sûr le Français qui représente la dernière strate. Toutes les langues vivantes s'enrichissent l'une de l'autre sans complexe, l'isolement est mortel et le reniement est désastreux. Ensuite vous dites : « ? ils ont massacré la langue et en ont fait un sous-créole, dont on retrouve une version à peine plus élaborée dans la presse de caniveau qui a émergé depuis quelques années? »

 Plutôt cette presse de caniveau, mais algérienne, que celle de la professionnelle ?' AL-JAZEERA'' et d'autres dites arabes vénéneuses et assassines à la botte d'Israël et des Occidentaux. (Vous allez dire : reflexe de complotistes)

 Déçus, on s'attendait à mieux, de ceux qui ont eu l'audace de se prendre pour des gladiateurs, nanisant, éclipsant et anéantissant les autres. Ces autres n'ont jamais eu la plus petite prétention de représenter ou de se substituer à quiconque, ils ne sont ni les nègres ni les porte-voix de personne. Ils s'expriment en leurs noms et sans emprunt dans les colonnes de ce prestigieux quotidien précurseur de la démocratie participative dans notre pays. Il y ?a 20 ans déjà : certains paternalistes voulaient ghettoïser le Quotidien d'Oran, en Oranie, pour ne pas concurrencer les autres canards dans leur fief algérois, acquis à leur cause.

Le mépris, l'invective et la véhémence ne donnent pas le monopole du réel, ni celui de l'amour de son pays à leurs auteurs. S'arcbouter sur ses certitudes et faire l'approche par l'élimination et le dénigrement des autres ne fait que creuser encore plus le fossé, déjà abyssal, entre concitoyens, et c'est aussi nier la palette des vérités : parce qu'il n'y en a pas qu'une, la votre. Hier, aussi on avait prédit un mauvais sort au Quotidien d'Oran parce qu'il voulait s'affranchir de l'étiquette régionale qu'on voulait injustement la lui coller à sa une, l'Oranie. Le temps ne leur a pas donné raison, le Quotidien d'Oran depuis sa première parution ne cesse de grandir aux yeux de ses lecteurs qui sont de plus en plus nombreux et partout dans le monde à le lire, grâce à sa version électronique libre (HTML et PDF).

 Dans notre culture subconsciente, nous ne sommes pas encore affranchis de nos réflexes primaires, reptiliens: défensifs et de survie, suspicieux on voit souvent en l'autre, le concurrent et le conquérant, pas l'associé et l'allié. On n'est pas prêts à avancer ensemble a cause des clichés éculés des donneurs de leçons qui se font prendre la main dans le sac. Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais. Ils s'intronisent en gardiens des traditions, mais dissimulent mal leur complexe de légitimité. Dans la société du silence, qui leur est chère, ils pensent pour nous, mais agissent pour eux. Eux seuls savent, les autres doivent se taire ou se défaire.

La prétention, l'orgueil et le complexe de l'imbu de sa personne est une réalité bien de chez-nous, on sait tout, capable de tout (du bien comme du mal), on est les plus forts, les plus rapides et les plus hauts. Nous avons fait la plus grande guerre de libération du monde, nous avons construit les plus grandes usines d'Afrique, nous avons battu l'Allemagne, nous avons les plus grandes richesses du sous-sol du monde qui nous est proche, le plus grand pays d'Afrique par sa superficie, nous sommes les plus beaux, les mieux fringués, les plus nantis, les plus heureux de la région, etc. Mais personne de nous n'est enclin à partager son bonheur avec son jumeau siamois. L'égoïsme, comme, l'égocentrisme nous enchainent, enchainent notre pays dans une inertie morbide et parasitent la pensée créative et innovante, dont on a le plus besoins, aujourd'hui, demain et son surlendemain.