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L'opposition radicale prépare le grand soir

par Abed Charef

L'opposition radicale monte au créneau. Une surenchère verbale, en attendant le grand soir, celui où chacun devra montrer sa force.

Pendant que M. Abdelaziz Rahabi verse dans la radicalité, et que le Hamas algérien fait de la surenchère, Amar Saadani accuse Abdelaziz Belkhadem d'œuvrer à déstabiliser l'Algérie. De quoi compliquer une scène politique sérieusement brouillée, et où les acteurs politiques se croient obligés de tourner en rond, pour donner l'illusion d'un débat.

Mais qui fait quoi, en fait, en Algérie ? Qui soutient le pouvoir, qui s'y oppose, et qui s'oppose à l'opposition? Qui travaille à préparer une transition, et qui fait semblant ? Autant de questions qui montrent que le paysage politique est aussi brouillé que le ciel d'Algérie en cette mi-novembre, aussi hésitant que l'environnement régional, où jihadistes libyens et démocrates tunisiens soufflent le chaud et le froid.

Reprenant les propos de Sofiane Djillali, leader d'un parti sympathique mais dont la base populaire reste encore à découvrir, Abdelaziz Rahabi, ancien ministre de Abdelaziz Bouteflika et proche de Ali Benflis, reproche au FFS d'adopter une position qui «fragilise l'opposition». Sofiane Djillali avait trouvé une belle formule, pour dire que l'opposition «voulait aider le pouvoir à partir, alors que le FFS veut l'aider à rester». A en croire MM. Sofiane Djillali et Abdelaziz Rahabi, le FFS, qui souhaite organiser une conférence nationale sur la transition, sape les efforts d'une alliance de l'oppositionradicale, qui menace d'organiser bientôt le grand soir, en vue de prendre d'assaut la citadelle du pouvoir et instaurer la révolution démocratique. Ce qui autorise M. Rahabi à affirmer que le FFS a lancé une initiative «pas très claire», avec pour objectif d'accorder un «sursis» au pouvoir. Ce faisant, le FFS offrirait «une bouée de sauvetage» à un pouvoir déclinant. «Cette initiative est venue parce que le pouvoir craint un printemps algérien», affirme, catégorique, M. Rahabi.

Mêle tonalité chez le RCD, qui estime que l'initiative du FFS «vise précisément à prolonger le statu quo, par une manœuvre destinée à semer le doute dans l'opinion et perpétuer la recherche d'un consensus clanique». Le RCD croit même que l'opposition a réussi à créer un mouvement de «panique» au sein du pouvoir, ainsi que chez «les segments périphériques du système». A l'évidence, le FFS aurait lancé son idée de conférence de la transition par le biais de «rencontres bilatérales aussi fallacieuses que chimériques» pour atténuer ce mouvement de panique. Il ne reste qu'à publier sur Youtube une vidéo de Gaïd Salah qui tremble, et une autre de Toufik Mediène préparant ses bagages.

C'est toutefois Abderezak Makri qui avait sonné la charge et tiré la première salve contre les partisans d'une transition négociée et organisée avec le pouvoir. Le dirigeant de Hamas, dont le parti avait participé au gouvernement pendant deux décennies, sans discontinuer, avant de faire partie de «l'alliance présidentielle», n'a pas hésité à appeler les militants du FFS à être «vigilants» face à ce qu'il estime être une manipulation du pouvoir. Celui-ci veut «utiliser» le FFS pour «gagner du temps et justifier ses échecs politiques». Pas moins, affirme le très vigilant Makri.

Comment expliquer ces retournements de situation? Comment le FFS, ce parti longtemps connu pour son radicalisme et son «démocratisme», est-il devenu, en quelques semaines, le «complice» du pouvoir, alors que ceux qui ont joué le jeu du pouvoir lors des grandes échéances politiques de ces vingt dernières années, se retrouvent aujourd'hui avec un autre habit et se parent de l'auréole de l'opposition?

Enigmes et évidences

C'est l'une des énigmes de cette Algérie de 2014, l'autre étant la guéguerre que se livrent Amar Saadani et Abdelaziz Belkhadem. Le premier accuse le second de mener des actions destinées à «déstabiliser» l'Algérie, selon des articles de presse. Une accusation particulièrement grave, émanant d'un homme de cour revenu en grâce, contre un autre homme de cour, tombé récemment en disgrâce. Les deux hommes avaient longtemps cohabité auparavant, préparant de manière solidaire le deuxième puis le quatrième mandat du président Bouteflika, et s'étaient alliés pour organiser la mise à mort de Ali Benflis.

Mais s'agit-il réellement d'énigmes ? La vie politique algérienne, aussi décousue soit-elle, a toutefois conservé certains repères immuables. Parmi eux, celui-ci : quand le Hamas et le RCD se retrouvent alliés dans une action politique, il faut toujours chercher qui tire les ficelles en arrière-plan. Ces deux paris ont tous deux présenté des candidatures contre Liamine Zeroual, en 1995, et contre Bouteflika, en 2004, et ils ont tous deux soutenu le président Bouteflika en 1999.

En 2013, leurs dirigeants ont passé la main, presque en même temps, avant que les deux partis ne basculent dans une radicalité apparente avant la présidentielle de 2014.

Cette fois-ci, ils promettent, au sein d'une opposition radicale, d'abattre le pouvoir, et ils dénoncent ceux qui font preuve de «mollesse». Mais pour abattre le pouvoir, il faudra tout de même que M. Sofiane Djillali, malgré le succès d'estime qu'il a pu drainer, explique de combien de divisions il dispose.