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Un hors-la-loi : Ahmed Gada

par El Yazid Dib

Presque un musée?une partie de l'histoire, la sienne pavoise ses murs par des photos inédites, des lettres de menace qu'il adressait aux colons ; ce café bien vacant municipal n'est pas la propriété de Gada, il n'en est que locataire depuis très longtemps.

Insoumis et rebelle il a fait sa révolution avant la révolution alors qu'il n'avait que 14 tiges. Il était un hors la loi hors paire. Il a connu de très prés Benboulaid. " J'allais chez lui à la maison des 1946 " con fiait t-il.

La " cession des biens de l'Etat " ne semble pas avoir produit de droits pour ce Moudjahid d'avant l'heure. Et pourtant bien de personnes ont en largement profité. Il n'en parle pas?il se refuse par fierté de le dire?.mais ses soupirs le trahissent.

Ses lunettes fumées portées malgré le crépuscule, temps de notre rencontre dans le café dont il a la gérance dans la ville de Batna semblent bien dissimuler beaucoup de choses. La révolution, ses secrets, ses côtés cour et jardin. L'homme d'une sérénité exemplaire est très lucide nonobstant le poids des ans (80 ans). Il se prêtait volontiers à satisfaire notre curiosité débordante. N'omettant nul détail que le Docteur Abdelhak fils de Mostefa Benboulaid assistant à l'entrevue, s'essayait alternativement à le lui indiquer. La révolution chez Gada n'est pas de l'histoire, elle est une vie qui ne finit pas. Il nous affirme qu'elle ne cessera qu'une fois les hauts faits, les hommes, la vérité, rien que la verité seront définitivement consignés.

Mais d'où vient cette confiance aveugle et arrogante du monarque ? D'où puise-t-il cette assurance totale en l'impu nité ? Imaginons une seule minute qu'un quelconque pays africain à part le Maroc décide d'annuler subitement et sans aucune contrainte majeur l'organisation de telle compétition programmée sur son sol ! Le châtiment le plus ravageur s'abattrait sur ses dirigeants. Ils seraient confrontés sans aucun doute aux sanctions les plus dures par la FIFA avant la CAF. Sans parler du " tsunami " d'une compagne médiatique mondiale très hostile. Toutefois contre El Makhzene, rien, silence complice et scandaleux absolu de la plus grande instance mondiale du foot à savoir la FIFA car la CAF (confédération africaine de football) est affiliée à la FIFA ! D'autant plus que les arguments de " notre ami le roi " sont tellement fragiles, sa raison d'annulation avancée est si farfelue que n'importe quel observateur comprendra que ce n'est pas la bonne raison et il s'agit bien d'une ruse même pas royale ! La maladie d'Ebola, est pratiquement maitrisée ces dernières semaines, puis elle n'est pas généralisée au point qu'on ne peut plus contrôler. Elle ne concerne pas en effet tous les pays qui participent à cette coupe d'Afrique. Au contraire la majorité de pays qualifiés pour l'instant (car les qualifications sont toujours en cours cependant on connaît la plupart des sélections qualifiées) ne sont pas touchés par cette maladie. Un autre élément qui va à l'encontre de la thèse du Makhzene, le fait qu'effectivement le Maroc maintient toujours ses vols vers les pays africains sans exception il n'a annulé aucun vol en provenance de ces pays ! Et puis tout le monde sait incontestablement que le Maroc, vu sa vulnérabilité, a été toujours assisté techniquement par les puissances occidentales telles que la France, l'Espagne et les Etats-Unis d'Amérique, ainsi donc il n' y a rien à craindre d'une maladie qui est parfaitement détectable et maitrisable. Par conséquent, on peut s'interroger légitimement sur les vraies raisons d'une telle décision du moins étrange ! S'agit-il d'un simple calcul économique financier ?

C'est à dire le gouvernement marocain calcule dépenses et recettes et il trouve finalement qu'il na pas de bénéfices à tirer de cette organisation ? Donc il n'est pas dans la mesure d'assumer des dépenses supplémentaires dans ce temps de crise ?

Ou plutôt d'un calcul purement politique. Par peur de la contagiosité d'une autre maladie qui s'appelle : " printemps arabo-africain " ? Surtout dans ce contexte interne actuel confus où on constate la multiplication de mouvements sociaux. A titre d'exemple l'appel des syndicats à une grève générale ces derniers jours. Sinon par peur de nuire à son image très brillante dans les grands médias mondiaux ? Ainsi on a peur que les hôtes découvrent une autre réalité. Car, il faut le dire, contrairement à cette image médiatique le Maroc est classé parmi les pays les plus pauvres au monde selon les rapports des Nations-unis sur tous les plans : de l'Education à la Santé, les infrastructures ? etc. Et les zones touristiques très sophistiquées pour justement satisfaire les touristes européens ne peuvent pas cacher " toute la misère du royaume ". Peut être pour se venger des Africains qui soutiennent en grande majorité l'indépendance du Sahara occidentale ? La réponse à ces questionnements ne résout pas en revanche l'énigme dont il est question ici : d'où vient cette confiance aveugle et arrogante du monarque ?

Justement, peut être on peut y trouver quelques éléments de réponseen évoquant ce dossier complètement détaché des préoccupations des médias mondiaux " libres " et des droits de l'hommiste. Personne n'en parle ! C'est invraisemblable tout de même ! Cette ancienne colonie espagnole qui est sous occupation marocaine depuis maintenant plus de 39 ans qu'aucun état au monde y compris les alliés naturels et éternels de la monarchie chérifienne à savoir les USA et la France, ne reconnait à l'ONU la souveraineté du Maroc sur elle. Donc ce n'est pas l'Algérie qui pose problème. Est ce que l'Algérie est dans la capacité de faire pression sur tous les pays du monde pour ne pas reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidentale ? Soyons sérieux !

Dès lors tout le monde est d'accord que le Sahara n'est pas marocain mais les décideurs ne veulent pas qu'elle soit indépendante ! Ainsi la civilisation dominante aime jouer avec les paradoxes ! Néanmoins, les raisons de ces comportements arrogants de la part des dirigeants d'un pays très pauvre restent tellement mystérieuses!

Gada Ahmed connut la clandestinité bien avant qu'elle ne soit un mode opératoire dans l'action révolutionnaire.

C'est lorsqu'il alla sur ses 14 ans, que ce héros né en 1934 à Tkout dans les fins fonds des Aurès connut le maquis. L'idée d'une révolte nationale n'était pas encore prévue, mais prévisible. En compagnie de 15 autres " bandits " il écumait les monts, les piedmonts et les douars de la région, traquant les gardes champêtres, les administrateurs, les agents forestiers qui sévissaient par leurs méchanceté vis-à-vis des populations. Les uns les empêchaient d'exercer leurs petites taches de bucherons, les autres les intimidaient, les harcelaient, les humiliaient. Pris par un sentiment de rage et de représailles, ces " bandits " allaient, de leur manière, faire et rendre justice. Ils devaient se rappeler que déjà en 1916, un certain Benzelmat Messaoud (l'obscur berger de l'Aurès), faisait office de justicier libre. Ce nom faisait alors trembler les colons autochtones.

Le groupe qui contenait également un certain Benzelmat Lakhdar, adressaient à qui le méritait entre Colons, bachaghas, caïds et collaborateurs de la France des lettres de menaces les sommant à s'abstenir d'accomplir tel acte ou tel autre accentuant davantage la misère des gens. Son message le plus direct était " ne pas toucher le peuple, ne pas le faire souffrir " Gada Ahmed, étant le rédacteur des ces menaces, se déployait par ailleurs à exiger des cotisations dont il faisait dons aux pauvres et démunis. Sur la trace de l'"l'Homme à l'index coupé" Gada et sa troupe s'érigeaient en véritable service social prenant du blé, des volailles et du bétail à aux riches coreligionnaires ils les distribuaient aux pauvre. Vite vendu et repéré, la France mit le grappin sur le " bandit Gada " en juillet 1947.

L'autorité coloniale au summum de son délire croyant avoir mis fin à un simple auteur d'acte de brigandage, se persuadait ainsi détenir le cauchemar des Aurès et la cessation absolue de ses exactions. Ne pouvant supporter les affres de cet emprisonnement et pensant que sa vie ne valait plus la peine d'être vécue entre les parois d'une geôle, il tenta le tout pour le tout et réussira à s'échapper après 08 jours de détention atroce et horrible. Vers 1949 Mostefa Benboulaid chargea Gada Ahmed de concert avec ses autres compagnons de fortune, devenus maitres de céans d'accueillir, de protéger et d'assister les chefs de l'OS dont le réseau venait d'être démantelé par les services coloniaux.

La France les craignait et n'interrompait point leur recherche. Ainsi furent accueillis par Gada ; entre autres Rabah Bittat, Zighoud Youcef, Ben Tobbal, Didouche Mourad, Boussouf, Habachi, Mohmad bouzida. Il connaissait la montagne comme un loup. Ces chefs de l'OS demeureront aux Aurès sous la protection de Gada et ses amis jusqu'à 1952.Benboulaid dans son approche de l'organisation géographique du déclenchement de la révolution dans sa phase préparatoire, missionna Hocine Benzahail (qui tombera plutard dans le champ d'honneur) d'aller prêcher les prémices de la révolution dans la région de Biskra. Ce moudjahid téméraire et courageux était pour cette fin secondé par Gada. C'est au tout début de l'année 1956 qu'en toute confiance Mostefa Benboulaid dépêcha Gada vers la base de la wilaya III. Il était porteur d'un message à Krim Belkacem. Ce dernier, affirme Ahmed " a refusé de nous recevoir, c'est le colonel Amirouche qui nous a reçu ". De telles remémorations nécessitent des approfondissements à effectuer par les historiens tant que la source est encore vivante. Quand Gada évoque les contours de novembre, vous avez là devant vous un livre qui parle. Une épopée qui s'étale. Le propos du chroniqueur n'était que de tracer un portait à ce " hors la loi " ce " bandit d'honneur " qui terrorisait la France, laquelle trouvait une certaine évidence d'inscrire sur ses fiches de police s'agissant de la fonction de Gada : terroriste ! Même plus " bandit " ! mais ? pour la liberté et indépendance de son pays et des siens.