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L'espace politique

par Bouchan Hadj-Chikh

J'étais plongé, histoire de m'éloigner un peu de la vie politique en Algérie, dans un article scientifique, traitant de la possible découverte de particules de la matière noire - celle qui constituerait 80 à 90 pour cent l'espace - que, à ce jour, les savants les plus illustres n'arrivent pas à en définir la nature.

I ls soupçonnent son existence mais ils ne sont toujours pas arrivés à la prouver. L'article était en deux parties. Je dois l'avouer, je n'ai rien compris au terme du premier, je dois l'avouer. Je me suis lancé dans la lecture attentive du second espérant quelques lumières. Et j'ai lu ceci : " avec les neutralinos, des particules supersymétriques, les axions sont les candidats les plus souvent envisagés pour rendre compte de l'existence supposée de la matière noire. Tout comme le boson de Brout-Englert-Higgs, l'axion est associé à un champ scalaire et à une brisure desymétrie. Son existence a été postulée au cours des années 1970, dans le cadre de travaux menés enchromodynamique quantique (la QCD), tout d'abord par Roberto Peccei et Helen Quinn,enfin parSteven Weinberg et surtout Frank Wilczek. C'est ce dernier qui a baptisé axion la particule associée au champ du mécanisme de Peccei-Quinn. Il permet d'expliquer naturellement pourquoi le neutronne ne semble pas posséder de moment électrique dipolaire alors qu'il n'existe aucune raison pour cela dans le cadre du modèle standard ". C'est clair ? Non ? Je continue.

Pour faire plus simple -et par pitié pour mes neurones -le rédacteur de la revue précisait que " le modèle standard est constitué de l'ensemble des lois de la physique fondamentale expérimentalement testées à ce jour. Il repose sur la mécanique quantique et la théorie de la relativité d'Einstein " ? " les théories cadres auxquelles toutes les autres doivent obéir. Élaboré dans les années 1970, ce modèle rassemble toutes les connaissances théoriques, expérimentalement confirmées depuis, sur les constituants élémentaires de la matière et sur leurs interactions, à l'exception de l'interaction gravitationnelle ".

Certain de la clarté de son exposé, le rédacteur scientifique de la revue indiquait que l'" on distingue alors le modèle des interactions électrofaibles de Glashow/Salam/Weinberg unifiant l'électrodynamique quantique et la théorie des interactions faibles, la QCD, la théorie des interactions fortes entre quarks à l'aide de gluons expliquant les phénomènes d'interactions nucléaires fortes (entre protons et neutrons par exemple) et enfin la relativité générale décrivant de façon classique le champ de gravitation ".

Si vous n'avez rien compris, c'est que vous êtes comme moi. Ce qui me rassurerait.

Le metteur en page, qui devait souffrir des mêmes lacunes que nous partageons, plaça, judicieusement, cette publicité en fin des textes recommandant ceci : " Traitement de la migraine. Méthode préventive et thérapeutique de la migraine et des céphalées ". J'ai cliqué sur cette offre qui m'a informé que la Cefaly " permet de réduire fortement la consommation de médicaments et de rétablir la qualité de vie ". Je me suis rué sur ma boite de cachets de paracétamol.

Et me voici donc devant mon ordinateur

Quelques minutes seulement. J'espérais - pour réhabiliter mes neurones des dommages causés - me pencher sur les dernières déclarations de nos responsables politiques sur le prix du pétrole qui fait du yo-yo entre 80 et 85 dollars le baril et les chiffres sur la production de céréales de nos experts, aussi fantaisistes les uns que les autres. Et là, pour comprendre leurs explications et leurs savantes prévisions, ce fut encore le trou noir, la matière noire, les neutrions, le boson de Brout-Englert-Higgs, les neutranilos des particules supersymétiques, toutes ces théories n'eurent, soudain, plus aucun secret pour moi. Il m'a suffit de transférer le mouvement des astres, les troubles de l'espace dans notre galaxie politique pour comprendre la mécanique céleste du pouvoir qui nous gouverne. Et sa logique. Car il en a une. Qui nous échappe. Ce serait dur à vous expliquer parce que, dans l'ensemble, derrière tous ces mots nouveaux que nous apprenons ensemble, se cache des recherches poussées et des théories. Aussi opaques.

Tenez : le boson de Brout-Englert-Higgs. Il a valu le Nobel de physique aux chercheurs. Je gage que celui qui élaborera des théorie applicables à notre économie et au pays, celui-là décrochera lui aussi la timbale. Car nous aussi nous disposons de 95 pour cent d'énergie noire, d'une vélocité hors du commun pour bouleverser le monde - ce fut démontré en 7 ans et 5 mois de guerre sans merci - sans être capable de faire le lien, aujourd'hui, avec les 5 pour cent restant. Là où, finalement, réside le coeur du pouvoir. Nous creusons, chacun de son coté, nous essayons de comprendre et nous finissons face au mur de Planck. Auquel je n'ai jamais rien compris non plus, en dépit de mes efforts.

Je vous rassure : on peut bien vivre sans pénétrer ces mystères. Vous et moi nous en sommes la preuve. Mais je ne donnerai pas cher, en revanche, de notre survie dans ce monde avec les caisses de l'état connaissant une hémorragie et le sac de blé qui pulvérise les quotes des bourses de Londres et d'ailleurs. Il en va des théories de l'univers comme de celui où nous vivons.Ni vous, ni moi, encore moins les responsables, n'en connaissons les mécanismes ni le fonctionnement. On nous laisse analyser les problèmes de société, au nom de la liberté de la presse, mais on fait fi des conseils de retenue dans la gestion du pays. Comme par exemple, soulager l'industrie automobile française en ouvrant une usine Renault à Tlélat, dans la précipitation, sans garantie de transfert de " savoir faire " et d'intégration à notre industrie ? inexistante. Le comble de l'absurde. Tout cela, pour accroitre notre plaisir à partager les joies des embouteillages déjà asphyxiants. On nous annonce que notre rapport population-voiture est loin d'être atteint, comparé aux pays émergeant (pour certains immergeant) mais l'on ne nous dit pas quel réseau routier serait nécessaire pour absorber ces " symbole " de la mauvaise foi. Et comme le " mur " de Planck n'est pas un mur, à proprement parler, il est bon de rappeler que, depuis des lustres, la " démocratie populaire " n'en est pas un non plus. Il ne nous arrêtera pas. Il ne nous évitera pas le plongeon dans l'inconnu sidérale.

Vous persistez à ne rien saisir de ce discours ?

Ce n'est pas plus compliqué pourtant que de digérer les déclarations du ministre de l'agriculture ou du directeur de l'OAIC, MM. Abdelouahab Nouri et Mohamed Belabdi concernant la production céréalière du pays. " On ne récolte pas les chiffres " persifle Abed Charef dans ces colonnes le 17 septembre dernier après avoir épluché les déclarations et les chiffres fournis par ces hommes de responsabilité. Qui vont de la prévision d'une " hausse remarquable de la production au niveau national " au constat douloureux d'une production égale à la moitié de celle de 2009 " lorsqu'elle l'Algérie avait réalisé une production de 61 millions de quintaux ".

Et nous continuons de semer en Algérie pour récolter en France

Elle a bon dos la pluviométrie. Si nous ne connaissons pas encore les vertus des barrages collinaires, des retenues d'eau, regardons un documentaire pour apprendre que les castors savent, depuis toujours, que les barrages, qu'ils construisent avec leurs queues, peuvent changer l'ordre des choses. Nous ne sommes pas à l'ère de Néron nommant son cheval sénateur, mais, penser à un castor comme ministre de l'hydraulique pourrait aider. Quand je parle de castor, je veux parler des Mexicains dont les réalisations avaient impressionné une délégation algérienne. Qui en est revenue avec des rapports et des idées.

Qui furent classées.

Vos élus vous expliqueront peut-être tout cela tout cela en termes politiques. Si vous avez l'occasion de les croiser.