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L'identité nationale: la vérité et la contrevérité

par Mohieddine Amimour*

L'identité nationale est une donnée simple à concevoir et même à décrire, mais étant strictement une qualité attachée à l'Homme, elle est chevauchée par la complexité humaine.

Par conséquent, elle est d'une certaine complexité, ou plus tôt d'une complexité certaine.

L'identité a essentiellement un caractère culturel, voire civilisationnel. Elle n'est pas synonyme machinalement d'ascendances raciales, ou de descendances ethniques. D'ailleurs, il ne faut pas confondre race et ethnie. Une ethnie indique « un groupe social de personnes liée à un patrimoine commun, que ce soit la culture, l'ascendance, l'histoire, l'origine géographique, la langue ou le dialecte, l'idéologie, la religion, la mythologie, la cuisine, l'habillement ou l'apparence physique ».

Si le terme «ethnie » est réservé à l'Homme, grâce notamment à la donne culturelle, le terme « race » est pratiquement spécifique des animaux. Il y a le chat siamois, le tigre bengali, le berger allemand, le cheval berbère, le lion africain etc.

Qu'on l'accepte ou non, la région appelée couramment l'Orient est loin de s'accommoder avec l'expression d'imposture identitaire, utilisé généralement par des arabophones qui ne tolèrent pas un lien quelconque avec l'Orient. Dans cette région, la géographie se mêle à l'histoire et le passé se confond avec l'avenir.

Cette région est en contacte géopolitique, économique et historique avec l'Europe, le continent africain et l'Extrême Orient et le Sud - Est asiatique. Le tout constitue des cercles, l'un attaché à un ou plusieurs autres, comme le cercle du logo olympique. Ce sont des cercles géographiques, historiques, culturels, linguistiques, économique etc? Une partie de chaque cercle est superposée partiellement à une partie de l'autre cercle. La surface de la superposition est variable selon les données historiques.

Nous avons des éléments en commun avec l'Europe, des données partagées avec l'Afrique ou avec l'Asie.

Sans se perdre dans les ténèbres de l'histoire, et sans insister sur l'adoption par nos « berbères » de la première religion monothéiste, le judaïsme, ou des religions partagées avec les Carthaginois et leurs ancêtres, les phéniciens, l'avènement du christianisme a donné un exemple d'une unité religieuse entre la Palestine historique et l'Afrique du Nord. La religion monothéiste qui a vu le jour à Bethlehem s'étendra, dans sa pure forme orthodoxe, à la Numidie. Ce lien religieux avec le nationalisme berbère, conduit par le père Donna (Donatus) a été rompu par l'impérialisme romain, qui a écrasé les donatistes et a détruit le christianisme national au profit d'une religion importée, le catholicisme. L'Algérie a été amputée religieusement de l'Orient par l'œuvre d'un romain né en Algérie, qui porta le nom de Saint Augustin. Mais chose remarquable, le berbère n'était ni ingéré ni digéré par l'identité romaine. La domination de Rome n'a pas dépassé la latitude de Cherchell, une centaine du kilomètre au sud d'Alger. Dix-huit siècles plus tard, la France a essayé de récupérer la terre perdue par Rome, mais l'illusion vécue aux festivités de 1930 célébrants le centenaire de l'occupation sera vite évaporée au Premier Novembre 1954.

Un fait historique est indéniable. L'Islam a crée, à partir du septième siècle après la naissance de Jésus-Christ, un lien culturel identitaire incontournable entre tout les peuples qui se sont convertis à l'Islam, un lien qui s'étendra pendant quelques siècle à une bonne partie de l'Europe, grâce à l'algérien Tariq Ibn Ziad. Mais ce lien n'a pas duré, et l'inquisition n'a laissé de ses traces que des vestiges architecturaux qui financent le tourisme espagnoles, et quelques souvenirs murmurés par des historiens honnêtes, qui rappellent la civilisation crée par les musulmans en Andalousie. Ce contraste entre nos liens perdus avec l'Espagne et nos liens permanent avec le monde arabo musulman mérite une réflexion scientifique, sérieuse et objective.

L'élément surprenant au sujet de l'identité arabo musulmane était le comportement des chrétiens orthodoxes de l'Orient qui se sont bien pris en charge et protégé par l'Islam depuis l'engagement de Omar Ibn El Khattab (Ouhda Oumaria). Le leader chrétien égyptien Makram Oubeid n'a-t-il pas dit : Je suis copte de religion, mais musulman de culture et de civilisation. Ceci, dit par quelqu'un qui appartient à une des plus grandes civilisations universelles, est digne d'être mentionné.

Ce sont là des aperçus rapides qui confirment l'unité identitaire des peuples de cette vaste région, qui est, sans fausse modestie, le cœur palpitant du monde sur le plan religieux, culturel, énergétique et géopolitique. Le ciment de notre identité a été la langue arabe dans sa conception indiquée par le Prophète Mohamed (et non Mahomet, SVP). Il ne s'agit ni d'une ethnie ni d'une race mais d'un contenu culturel et une dimension civilisationnelle. C'est cela qui fait que la langue arabe était, tout le temps, la cible privilégiée de tous ceux qui voulaient démolir notre souveraineté, confisquer notre liberté, et mettre la main sur nos richesses nationales.

Grâce a une langue qui a donné, depuis des millénaires, des preuves de viabilité, de vitalité et dynamisme, une identité nationale s'est confirmée d'une façon incontestable et incontournable, à l'image des autres identités, limitrophes ou lointaines. La frontière entre ces identités était la langue nationale adoptée par chaque peuple ou groupe de peuples, cet-à dire, par une nation. C'est le lien linguistique qui reste toujours le ciment d'une identité commune. Là, il ne faut pas confondre unité politique et identité nationale. Il existe une union européenne politique et économique, mais l'état Schengen n'est pas synonyme d'une identité nationale européenne, car le facteur LANGUE n'y est pas. D'ailleurs, certains mauvaises langues prétendent que c'est ce facteur qui empêche la Suisse de rejoindre l'Europe unifiée, par crainte que les francophones seraient attiré par la France, les germanophones par l'Allemagne et les italianophones par l'Italie, et c'est l'effondrement du coffre-fort bancaire le plus important du monde.

Mais ou sommes-nous de l'identité africaine ? Et avant tout, y a-t-il une identité africaine ?

Des écrivains noirs francophones, dont le président sénégalais Léopold Sédar Senghor (avec Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas, Guy Tirolien, Birago Diop et René Depestre notamment ) ont prêché la négritude, qu'était une identité politico-linguistique basée essentiellement sur la couleur de la peau. Cette conception presque raciste s'est forgée en langue étrangère, qui est la langue de l'ancien colonisateur. Le mouvement influença par la suite nombre de personnes proches du « Black nationalism », s'étendant bien au-delà de l'espace francophone, mais il est resté un mouvement d'élite, refusé par les peuples. Certains l'ont considéré comme une forme de néo impérialisme. Il sera ainsi reproché à la négritude de » véhiculer une vision « négriste » de la poésie, et d'enfermer les noirs dans un schéma réducteur ».

Le français, une langue vivante de civilisation et de culture universelle, n'a pas réussi à faire progresser les peuples africains pour la raison très simple qu'elle est restée toujours une langue étrangère, loin de représenter, d'assumer et d'assimiler le génie africain et de répondre à l'ambition nationale du continent qui a souffert des pires systèmes coloniaux.

La même règle s'appliqua à l'anglais, le portugais et l'espagnole, car la langue est un nationalisme, comme disait André Fontaine, l'ancien directeur du Monde. Nos liens africains restent dominés par les données géographiques, géopolitiques, économiques, et par la solidarité militante et la coopération basée sur le respect de l'intérêt commun, ni plus ni moins. L'absence de la dimension sociale et le manque d'une langue commune étaient une barrière identitaire infranchissable, même s'ils n'a pas conduit au cloisonnement, grâce aux efforts de l'OUA, qu'était un exemple de la vitalité politique, à comparer à l'asthénie politique de la ligue arabe. C'est ainsi que la négritude a rendu pratiquement l'âme avec les derniers souffles du Senghor. Parler d'une identité africaine unique serait simplement de la rhétorique populiste.

*Docteur en médecine