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L'ESPRIT D'UN SACRIFICE

par M. Abdou Benabbou

La plus belle des vérités divines est celle qui recommande qu'à l'impossible nul n'est tenu. La fête du sacrifice est dans quelques jours. Cette année elle survient pour le commun des mortels, dans une conjoncture pénible et difficile en imposant un large paradoxe qui ne repose et ne répond à aucune règle rationnelle. Le prix moyen d'un mouton va tourner autour de quarante mille dinars, plus du double du salaire minimum, et il faut se demander par quelle magie un humble salarié algérien peut-il assumer le défilé insupportable des charges financières que lui exigent en cascades rapprochées ,les frais du ramadan et des dépenses de sa fête, couronné, avec comme cerise sur le gâteau, par l'inévitable achat des fournitures scolaires. La bague de Sidna Soulimane n'étant qu'une chimère pour des contes d'enfants, on se demande sans être imam, si s'engouffrer pour un père de famille dans les dédales de ces acrobaties dépensières n'est pas finalement un blasphème. Nos voisins tunisiens et marocains ont compris que la foi est d'abord accommodement et accommodation avec ce qu'il y a de plus conforme avec l'intelligence. Que l'islam est d'abord repos de l'âme et sérénité de l'esprit et que la religion n'était pas pour les croyants, une force suprême destinée à compliquer la vie.

Leurs gouvernements viennent de recommander à la population de s'abstenir de faire couler un sang très coûteux pour tout le monde car sa coulée ne répond pas aux soucis économiques et sociaux du moment. La logique religieuse du mouton égorgé est à l'opposé du zèle onéreux des démunis et, bien au contraire, l'esprit du sacrifice n'était nullement une autre montée du croyant sur l'autel des supplices pour qu'il soit lui-même sacrifié. A l'évidence, l'Eternel n'a pas autant exigé et l'acte de foi sur le Livre sacré inscrit et bien compris, est empreint d'une haute dimension d'humanisme et de solidarité. Pour s'élever à la hauteur de cette dimension, il suffirait peut-être pour les Algériens de suivre l'exemple de leurs voisins de l'est et de l'ouest pour gagner eux aussi en cohésion et épargner à ceux qui arrivent péniblement à gérer leurs fins de mois par des acrobaties financières déraisonnées.

Si l'Aïd El Adha est une grande fête religieuse à honorer, il ne serait pas judicieux de la célébrer dans la contrainte de la fausse opulence avec de désastreux apparats. Faute de n'avoir pas pu se mouvoir dans cet exercice déréglé et, d'année en année, de plus en plus nombreuses sont les familles étranglées par les difficultés de la vie, et ont baissé les bras, élargissant les fossés au cœur de la société et développant la désunion alors que l'islam est d'abord unité et solidarité. Alors peut-être que les Algériens, tous les Algériens, seraient bien avisés de mieux se nourrir du noble esprit de cette Fête en réfléchissant à un grand symbole qui renforcerait leur unité.

Le Président de la République, censé être le père de la Nation, pourrait, au nom de tous, sacrifier un seul bélier comme offrande à une religion sacrée et comme sacrifice de tout un peuple.