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On vous aime bien mais pas trop non plus !

par Salim Metref

En France, la diversité prônée par les chantres de la France multiculturelle semble voler en éclats. Et les deux unes récentes de deux hebdomadaires dont l'un très ancré à l'extrême droite et qui viennent de malmener dans leurs colonnes la nouvelle ministre française de l'Education nationale en s'en prenant violemment à ses origines ne lui ont-elle pas tout simplement asséné le coup de grâce ?

Connue pour son franc-parler, diplômée de Sciences Po Paris, cette campagne de presse virulente vient rappeler à Najat Vallaud-Belkacem qu'elle reste pour beaucoup une musulmane, fille d'émigrés et ce bien qu'elle ait mis tout son charisme et son dynamise au profit de l'adoption d'une loi contestée par une majorité de français. Peut-être que cet engagement personnel que rien ne pouvait justifier et que beaucoup de français ont refusé d'adopter eu égard à leurs convictions religieuses a-t-il contribué à créer cette image qu'utilisent certains pour récuser sa nomination à la tête de l'éducation nationale ? Seul l'avenir nous le dira ! Cette ministre s'est cependant défendue avec force et n'a pas hésité à livrer une réponse cinglante en puisant dans le lexique de l'humoriste français Pierre Desproges en déclarant que "pour le prix d'un journal, vous avez la nausée et les mains sales''. Najat Vallaud-Belkacem est en effet l'une des rares représentantes des minorités dites, selon le jargon usité par le microcosme politico-médiatique français, visibles à avoir accéder à un poste ministériel aussi important (l'éducation nationale) après celui de la justice confié à sa compatriote franco-algéro-marocaine Farida Dati qui a eu à subir elle aussi les foudres des corporations qui l'attaquèrent non pas sur ses origines mais sur sa capacité à gérer un département ministériel d'une telle envergure. Cette dernière renonça également au profit d'un ancien Premier ministre et sous la pression des instances dirigeantes de son parti politique à briguer la circonscription de l'arrondissement parisien bourgeois dont elle est maire pour en devenir aussi la députée. Plus récemment encore, Christiane Taubira, originaire de Guyane, fut qualifiée de singe par le même hebdomadaire français.

Ces dérives récurrentes de la presse notamment de celle proche de l'extrême droite n'est pas une nouveauté en soi puisqu'il est de tradition que cette famille politique s'en prenne régulièrement et pour continuer d'exister aux personnes d'origine étrangère après les avoir, ne l'oublions pas, plastiqué il ya quelques décennies dans les foyers Sonacotra d'accueil des travailleurs immigrés. La nouveauté réside cependant dans ces campagnes de dénigrement dont sont victimes les musulmans de France et surtout leurs représentants les plus connus et "les plus émancipés et les mieux intégrés". Mais il est vrai aussi que depuis que Marine Le Pen a le vent en poupe, que les sondage lui sont favorables, que son lexique politique ait adopté un nouvel habillage plutôt soft surtout depuis que le lobby médiatique est devenu bienveillant à son égard en lui ouvrant les portes de ses rédactions et de ses studios après l'avoir longtemps boycottée et combattue, la parole franchement antimusulmane s'est libérée.

La crispation identitaire qui caractérise l'ensemble des pays d'Europe et la crise économique aidant, les musulmans y compris ceux natifs de ces pays auront tôt où tard vocation à s'expatrier sous d'autres cieux et à retourner pour d'autres dans leurs pays d'origine ou de leurs parents.

Dans une étude publiée par l'IRIS, Institut de Relations Internationales et Stratégiques, dont il est le fondateur, Pascal BONIFACE, célèbre géo politologue français restitue les nouveaux axes majeurs de la diplomatie française tels qu'ils ont été exposés lors de la conférence des ambassadeurs de France et dont la lutte contre la "dépolarisation du monde" et "l'éclatement de la puissance" et la préservation de la planète constituent l'essentiel. Intitulée Fabius et sa vision du monde : L'homme clé du quinquennat de Hollande ?, Pascal BONIFACE prêche pour l'actuel ministre français des affaires étrangères et rapporte notamment que la diplomatie conduite actuellement par le Quai d'Orsay écarte deux attitudes de politique étrangère, la première est la tentation neutraliste et l'autre est la tentation " gesticulatoire " et réfute donc à la fois ceux qui par principe ne veulent jamais intervenir autant que ceux qui par réflexe préconisent l'usage de solution militaire pour tout problème politique. Soit.

Dans cette optique, le refus de l'Algérie d'envoyer des troupes au Sahel et qui est un excellent choix stratégique qui rend aujourd'hui crédible son rôle de médiateur entre les parties en conflit dans la crise malienne ne serait qu'une attitude neutraliste ? Mais comment qualifier alors la visite effectuée à Arbil en Irak au mois d'août dernier jumelée avec le transport de l'aide humanitaire française destinée, selon ses initiateurs, "aux chrétiens de ce pays victimes des djihadistes" en plein guerre de Gaza et au moment où toute l'actualité internationale était concentrée sur les crimes commis à l'endroit des populations civiles palestiniennes ? Est-ce une attitude humanitaire et neutraliste où est-ce plutôt une attitude gesticulatoire ?

Les 4 et 5 septembre 2014, au Pays de Galles, se réunissaient les pays membres de l'OTAN et adoptaient une déclaration finale comportant pas moins de 113 points. Les chefs d'Etat présents à ce sommet reconnaissaient que les relations internationales étaient tendues et adoptaient une série de résolutions qui ressemble à une véritable déclaration de guerre. Dans le jargon atlantiste, cela signifie que l'heure est grave et qu'il faut prendre les mesures adéquates pour y remédier. Parce que le leadership de l'OTAN est malmené et remis en cause par les pays émergents notamment la Russie et la Chine qui veulent s'émanciper de la tutelle politique et économique de l'occident et qui exigent que le dollar cesse d'être la monnaie de référence dans les transactions internationales et parce que cet incorrigible monde musulman refuse, sous toutes ses déclinaisons, de se dissoudre dans le modèle occidental, les 28 pays qui composent cette organisation, en réalité seules quelques nations décident de la politique de l'organisation, déclarent à qui veut bien les entendre leur intentions belliqueuses, proclament leur hégémonie sur les affaires du monde et refusent à ce que le reste de la planète ne concrétise son indépendance économique et son autonomie politique.

Le premier avertissement est d'abord destiné à la Russie vis-à-vis de laquelle l'OTAN appelle à plus de sanctions économiques et préconise la constitution d'une force d'intervention rapide rénovée qui sera stationnée en Ukraine et le second définit les contours géographiques du monde musulman (Proche-Orient et Afrique du nord) qui sont mis sous tutelle des forces de l'OTAN et qui sont susceptibles de subir, comme ce fut le cas pour la Libye, les foudres de son bras armé.

S'agissant de la Russie à laquelle l'OTAN vient de déclarer la guerre, un pas de plus dans l'escalade occidentale vient d'être franchi et qui vise à créer les conditions du conflit avec la Russie pour en réduire l'influence en Europe mais surtout en Asie où se dessine déjà, avec le concours de la Chine et de l'Inde, l'alternative économique mais aussi politique et militaire au nouvel ordre mondial conçu par les stratèges néoconservateurs américains et que veulent mettre en place les Etats-Unis et leurs appendices Européen et Israélien. Et de démolir à court terme ce pays en usant du faux conflit ukrainien qui reste, ne l'oublions pas, une pure invention des Etats-Unis et de l'Europe.

Le second avertissement qui est destiné au monde musulman vise à faire avorter, y compris dans les esprits, toute aspiration de ce dernier à se libérer de l'influence occidentale. L'exemple de l'Egypte et le soutien apporté à la destitution sanglante d'un président démocratiquement élu signifie le refus occidental de tout modèle politique et économique d'inspiration musulmane et ce quelque soit sa forme. La lutte armée contre le "spectre du Califat islamique" qui s'insinue actuellement d'une manière diffuse, complexe et incompréhensible et dont on ne connait pas encore la véritable émanation est désormais l'alibi utilisé par l'OTAN pour masquer une réalité indiscutable, la crainte maladive de l'occident et sa haine viscérale de voir un jour reconstitué ce Califat qui a fait la gloire du monde musulman et qui pourrai un jour prendre la forme réelle d'une confédération intelligente de pays musulmans qui auront choisi démocratiquement de s'unir pour revenir peut-être aux sources fécondes de la foi musulmane et à une organisation politique, sociale, économique et militaire qui s'en inspire. Les pays musulmans sont extrêmement riches et ont une marge de développement économique et sociale extrêmement importante et peuvent, si les conditions historiques sont réunies pour que le processus de renouvellement sain des élites s'accomplisse, vivre en autarcie et rompre tout lien avec l'occident puisque ce dernier pousse au "clash des civilisations". La Russie commence déjà à le faire.

Le monde est véritablement entré dans une zone de turbulences dont personne ne connait l'issue. L'instinct de domination des plus faibles par les plus puissants a encore de beaux jours devant lui et les efforts que doivent fournir les pays en développement sont immenses pour imposer le respect mutuel, rendre inviolable leur souveraineté et infranchissables leurs frontières. Et en la matière, les turbulences planétaires en cours laissent présager d'un avenir prometteur !