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Une seconde guerre froide ?

par Kamel Kacher *

Sous les mandats de Monsieur Poutine, les relations entre les Etats-Unis, l'Union européenne et Moscou se sont considérablement détériorées, au point que certains responsables étrangers ont mis en garde contre le risque d'une deuxième guerre froide. Ce qui vient d'être confirmé par les récentes querelles autour de l'Ukraine, de la Syrie et sur le dossier nucléaire de l'Iran et avant cela sur le dossier de la Géorgie en 2006. Vladimir Poutine a par ailleurs démontré qu'il entendait peser encore longtemps sur l'avenir de son pays.

Enfin, Poutine a bien compris le jeu de Washington et de l'Occident consistant à encercler la Russie en installant des troupes US sur des bases louées, ou en voulant développer ces systèmes anti-missile côté Ouest dans les anciens pays de l'ex Pacte de Varsovie et de l'ex Union Soviétique passés sous " protectorat américain " et côté Est en Asie avec le Japon qui se remilitarise, l'Australie, la Nouvelle Zélande, Singapour, la Corée du Sud.

Ces pays ayant déjà développé directement avec les USA et la Grande Bretagne des accords inter- gouvernementaux, tout un réseau de partenariat et accords militaires bilatéraux. Les américains poussent à la création dans l'Est de l'Asie d'une organisation identique à celle de l'OTAN.

Le Japon et la Corée du Sud sont impliqués dans le développement d'une grande alliance militaire avec les USA, notamment l'installation de systèmes anti-missile et le stationnement sur leur territoire de forces d'intervention rapide US, tout ceci sous prétexte de contrer les velléités belliqueuses de la Corée du Nord et de la République islamique d'Iran.

En fait toutes ses manœuvres visent à l'encerclement de la Russie et de la Chine que les Etats-Unis considèrent comme menaçant leur hégémonie mondiale. C'est de bonne guerre. Une guerre d'intérêts globaux et stratégiques des uns et des autres.

Les illustrations d'accélération de ce changement d'attitude vis-à-vis de la Fédération de Russie sont nombreuses. D'abords l'affaire Edward Snowden, Ex- Agent à la NSA (National Security Agency), installé aujourd'hui en Russie, qui a fait éclaté plusieurs dossiers sensibles dé sécurité, en commençant par le scandale des écoutes, du système Echelon, géré par les Etats-Unis en étroite collaboration avec les pays anglo-saxons, United Kingdom, Canada, Australie, Nouvelle Zélande. A l'insu même de certains pays amis et alliés stratégiques occidentaux, comme l'Allemagne et la France, ou certains de leur dirigeants été sous écoute, à leur insu.

Ensuite l'affaire du Colonel de l'ex-KGB, Litvinenko, qui refait surface en Grande Bretagne, ou Moscou est directement soupçonnée de l'avoir liquidé par un poison au polonium, sous forme d'injection. La dernière trouvaille maintenant est d'essayer d'astreindre et sanctionner financièrement la Compagnie d'Etat russe RosNeft, pour avoir, sois disant, racheté illégalement les actions de la Compagnie Yukos de l'ex-Oligarque Mikhaïl Khodorkovsky. La somme exigée est faramineuse, prés de 5 milliards d'Euros.

A l'œil nu, le simple observateur, neutre, constate que la politique indépendante et perturbante de Moscou est dérangeante pour Washington. En plus des autres dossiers militaro-expansionnistes des USA et de ses alliés, la nouvelle approche des pays BRICS (Brasil, Russia, India, China, South Africa), ou les principaux meneurs sont la Russie et la Chine, sont un danger. Ces pays peuvent s'organiser pour éliminer l'hégémonie occidentale sur un domaine stratégique et vitale comme les flux financiers et la monnaie d'échange.

Les prémices de ce changement des équilibres planétaires et d'influence mondiale se font sentir déjà est la création par les BRICS mi-juillet 2014, au Brésil, de la nouvelle banque de développement, dotée d'un fond d'une valeur de 50 Mlds de Dollars ayant pour siège Shanghai, en Chine, et d'un Fonds monétaire de garantie doté de 100 Mlds de Dollars .

Les premiers signaux d'une seconde guerre froide annoncée sont donnés par la rapidité des réactions des parties et la prise de sanctions bilatérales aux conséquences fâcheuses pour la stabilité mondiale. Alors que l'Union Européenne a adopté, le 29 Juillet 2014 pour la première fois, un accord politique sur une importante série de sanctions économiques contre la Russie pour contraindre le président Vladimir Poutine à cesser tout soutien aux entreprises de déstabilisation de l'Ukraine.

L'accord bloque l'accès aux marchés financiers de l'UE, interdit les ventes d'armes, de technologies sensibles dans le domaine de l'énergie et de biens à double usage militaire et civil. Il est entré en vigueur le 01 Aout 2014. Au même moment, les Etats-Unis ont pris des sanctions identiques à celles de l'UE le même jour. La réaction de Moscou ne s'est pas faite attendre.

Le 30 Juillet, par le biais d'un communiqué du MAE russe, ou il été déclaré, en substance, que: " Les conséquences pour Washington de cette politique destructive et à courte vue vont être très concrètes. La Fédération de Russie les sanctions antirusses illégitimes. Washington tente d'échapper à ses responsabilités dans le développement tragique de la situation en Ukraine et de vouloir punir Moscou pour sa politique indépendante et perturbante ".

La Russie, a de son coté, décrété une interdiction totale de l'importation de produits alimentaires en provenance des pays de l'Union Européenne et des Etats-Unis. Toutes ces mesures ne sont que purement une réponse aux sanctions occidentales.

Le marché européen risque l'engorgement. Récemment la Russie a pris une autre décision qui consiste en l'interdiction faite aux compagnies aériennes occidentales le survol de son territoire.

L'Ukraine en crise de souveraineté, d'intégrité territoriale et d'unité nationale, la Syrie en ruine et en crise humanitaire, la Libye des milices et des tribus en conflit armé, l'Irak des ethnies divisées et de l'EIIL obscurantiste, l'Egypte en crise de légitimité et de l'absence de sécurité, la Tunisie de l'instabilité politique et sans perspective économique florissante, l'UE de la récession économique et du chômage galopant, la faillite de la cause palestinienne embourbée, l'avenir incertain et obscur du Sahel : voici les grands perdants apparents et visibles de cette stratégie entamée dans les années quatre vingt et accélérée après le 11 septembre 2001.

Des dommages collatéraux causés par un découpage géostratégique et un recentrage géopolitique du monde contemporain ou les intérêts des pays faibles ne pèsent pas lourds dans ce jeu morbide des nations " tutrices " du monde.

La Russie, comme les autres "grandes" nations ont de tout temps utilisé leurs relations économiques et commerciales comme moyen de pression sur les pouvoirs faibles ou illégitimes.

La relance de cette guerre commerciale n'est qu'un des moyens de pression utilisés par les deux parties. C'est une Grande partie de jeu d'Echecs politique ou le positionnement est primordial. Le monde entier sait que les meilleurs joueurs du monde de jeu d'Echecs sont les russes, même si ce jeu a été inventé par les perfides perses sassanides. La flambée des tensions internationales a pour objectif d'infléchir la position de l'un ou de l'autre sur certains dossiers politiques sensibles et stratégiques. Cette situation risque donc de durer encore.

Les vrais perdants dans ce cas précis ne sont pas les " joueurs ", qui ont les instruments financiers adéquats de riposte, les réserves nécessaires et stratégiques de perdurer dans le temps, les moyens de dissuasion efficace, mais les pays qui subissent, de plein fouet, dans leur chair, dans leur territoire et dans leur population civile, des dommages collatéraux incommensurables, conséquences directes de ce jeu malsain.

Les sanctions font partie d'une stratégie politique afin de faire pression sur la Fédération de Russie. Le Bloc de l'OTAN, au lieu de se voir s'auto dissoudre en 1992, après la dissolution du Pacte de Varsovie, le démembrement de l'Union Soviétique et du Bloc socialiste, annonçant ainsi la fin de la guerre froide et sa raison d'être principale, s'élargit continuellement et se renforce par de nouvelles adhésions, interfère dans des dossiers politiquo-militaires que seul l'ONU a le mandat exclusif et le droit statutaire et parfois s'immisce dans des conflits sans l'aval ni l'approbation onusienne. Les exemples ne manquent pas.

S'il faut chercher le vrai provocateur dans cette nouvelle escalade et le provocateur d'une seconde guerre froide, ça ne sera surement pas la Russie de Poutine, qui ne défend que les intérêts stratégiques de son pays, comme le font d'ailleurs tous les membres de l'OTAN.

Tous les faits témoignent de la poursuite de la détérioration des relations avec la Russie. L'OTAN intensifie de façon provocatrice sa présence militaire dans les pays proches des frontières russes, de son côté Poutine est déterminé à aller jusqu'au bout du bras de fer.

Des perdants collatéraux, comme l'Ukraine et certains pays du " printemps arabe ", sont des victimes directes de cette nouvelle escalade de l'OTAN, devenus des pays en guerre avec des milliers de victimes, des économies nationales en ruine.

L'approche de cette seconde guerre froide est quasi identique à la première ou l'affrontement stratégique entre les grandes nations se faisait par la multiplication de conflits régionaux pour garantir les frontières de leur empire.

Après l'écroulement de l'URSS, le compromis trouvé entre Moscou et Washington était que les pays qui faisaient partie intégrante de l'URSS et devenus depuis indépendants restent neutres. C'est ce compromis et cette neutralité qui ont été rompu par Washington et ses alliés de l'OTAN.

* Phd es-Sciences Aéronautiques