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Imaginaire et réalités

par Belkacem Ahcene-Djaballah

L?IMAGINAIRE ARABO-MUSULMAN. Essai de Malek Chebel. Editions Sedia, 447 pages, 1.000 dinars, Alger 2013 (Puf-Paris, 1993).

Genre : livre d'anthropologie appliquée (n'ayez pas peur, il est lisible). Un essai encyclopédique sur la «planète musulmane», tenant compte d'une réalité inévitable, incontournable, même s'il y a des «escarpements» qui lui résistent : la présence de la langue venue du Hedjaz, langue véhiculaire du Coran et, à ce titre sacrée de tous les musulmans? Un vecteur «objectif» qui fonde, selon l'auteur, l'imaginaire de la nation dite «arabe». Objet d'études : l'espace arabo-musulman

Auteur : spécialiste confirmé des éléments fondateurs de l'Islam, déjà auteur d'un grand nombre d'ouvrages sur le sujet.

Objectif : élaborer une théorie générale de l'islam, à partir de thèmes bien précis? et «ouvrir modestement la «Porte à l'Ijtihâd», «fath'bâb al-ijtihâd») :

Cinq chapitres : L'imaginaire social et politique, l'imaginaire religieux, imaginaire du Monde et de la Création, l'imaginaire esthétique... et, the last but not the least... l'imaginaire sexuel et amoureux.

Plus d'une quarantaine de thèmes (exemples : la validité du Rituel, le creuset familial, le corpus coranique, Allah et Mohammed, la Mosquée , le Maraboutisme, la Géographie : espace réel, la Géographie : espace sacré, le Nil, la Zoologie, l'Idéologie sexuelle : rites et mythes, ?)?, et près de cent quarante sujets (exemples : la Mecque, la Pierre noire, Médine, les Oiseaux , les Oiseaux mythologiques...).

Un véritable recueil encyclopédique avec un gros avantage : les faits historiques et anthropologiques sont présentés, analysés et commentés par l'auteur de manière concise et claire. Une démarche qui n'enlève en rien à la rigueur académique.

Avis : Un livre de chevet et de référence indispensable pour mieux se connaître ? en profondeur.

Extraits : «Comprendre la langue d'un peuple, c'est en somme tenir le fil d'Ariane qui mène à son âme. La méconnaître, c'est le meilleur moyen de n'en approcher que l'écorce» (p 11), «Un acte humain qui ne produit pas de sens est un acte mort» (p 410), «Schizophrènes» par leur religion et «paranoïaques» par leur culture, les Arabes sont partagés entre le prince et le croyant, entre l'action et la répétition, entre la névrose et la projection» (p 412), «L'Arabe du VIIè siècle , avec l'avènement de l'Islam, avait en quelque sorte subi un traumatisme de la naissance» (p 415), «Religion-politique-sexualité (...), ce sont là trois mâts sur lesquels vient se poser la tente de celui qui était Bédouin par tradition ancestrale, qui est devenu citadin par inclination et par contagion, et qui a dû accéder au politique par nécessité, parfois par effraction» (p 425)

ALGERIE. LE PASSE REVISITE. Essai de Chems Eddine Chitour. Casbah Editions, 318 pages, 650 dinars, Alger 2004 (première édition en 1998).

Une introduction, l'Agérie présentée à travers sept périodes (correspondant chacune, à la venue en Algérie, d'un envahisseur) : les Phéniciens, les Romains, les Vandales, les Byzantins, les Arabes (et l'Islamisation) , les Turcs, les Français. Ouf ! Une large chronologie des événements des grandes périodes historiques de l'Algérie.

Enfin, une conclusion et des cartes, une bibliographie. Bref, un ouvrage complet tenant de la démarche académique, mais aussi d'une vision critique (tel est l'auteur !) avec des efforts visibles pour rendre les textes lisibles par tous.

Avis : Un livre d'histoire de l'Algérie qui tient, par son introduction et sa conclusion, de l'essai. Tous les deux réussis !

Extraits : «l'Histoire n'est pas (?) un supermarché où on ne prend que ce qui nous intéresse ; elle s'apparente , plutôt, à une vente en gros où nous devons , honnêtement, prendre, à la fois, les bonnes et les mauvaises choses, les événements qui nous mettent en valeur et ceux qui nous dévalorisent» (p 12), «Tenir aux traditions, ce n'est pas pieusement conserver les cendres, c'est ajouter au feu toujours de nouvelles bûches» (121), «Le pouvoir colonial fait partie de notre détresse dont il est responsable depuis cent trente ans» (p 172), «Les Algériens qui se déchirent ont, chacun à sa façon, l'Algérie dans le cœur» (p 178)

TRIBUNES LIBRES.Chroniques et entretiens, 2000-2011. Recueil de Zineddine Sekfali. Hibr Editions, 341 pages, 850 dinars, Alger 2012

La presse écrite nationale regorge de contributeurs - des «non-journalistes», comme les qualifient l'auteur dans son avant-propos - qui l'enrichissent d'analyses, d'opinions et de réflexions sur ? tous les aspects de la vie du pays et des citoyens. Des «tribunes libres» qui permettent à un journal, quelle que soit son orientation politique, de s'ouvrir aux autres et sur les autres. L'auteur , (très) haut-fonctionnaire à la retraite en a largement profité pour éclairer de manière académique, pédagogique et bien «documentée» les lecteurs de plusieurs journaux nationaux? ce qui prouve sa largesse d'esprit. Sur des sujets d'actualité : Justice, Administration, Réformes politiques, Saint Augustin, Ribéry et Benzema, Famille, Arabité et berbérité, Armée et démocratie, Islamisme, Printemps berbère, l'Ecriture de l'Histoire, la Bourse d'Alger? Du 18 avril 2001 au 3 novembre 2011, 50 textes.

Des sujets qui n'en finissent pas de se dérouler et qu'il faut toujours approfondir afin que «nul n'ignore». Pas facile en pays d'ignorance !

Avis : Publiés séparemment, les textes peuvent paraître rébarbatifs. Mais rassemblés (ils auraient dû être structurés par thèmes et non livrés en vrac, chronologiquement), cela donne un (grosse) somme de réflexion extrêmement utile pour savoir et comprendre le monde qui nous entoure? ici et maintenant.

Extraits : «La presse écrite indépendante est (?) devenue, mieux qu'un contre-pouvoir ou un quatrième pouvoir «d'influence», un vecteur important et efficace, pour la diffusion des idées et des idéaux démocratiques, au sein de la société» (p 8), «L'Etat fort est celui où l'individu est libre ; ce n'est jamais celui où règne l'abitraire» (p 15), «On ne peut pas être soi-même et répudier ses racines. Il n'y a pas d'identité sans authenticité ( p 41), «Lorsque le mal est expliqué, il devient supportable» (p 166)