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Misère chez les uns, inconscience chez les autres !

par Abdelkader Khelil

Ils sont là par dizaines de milliers à squatter les espaces publics, faisant la «manche» du plus petit au plus grand, dans les artères et carrefours de nos villes. Ces êtres pourchassés par la misère, terreau de prédilection de l'intégrisme islamique, structuré en une mosaïque de sectes aux préceptes moyenâgeux, sont nos frères subsahariens.

Malgré leur gueuserie, ils sont pourtant issus d'un grand pays voisin, le Mali, cet espace stratégique au sous-sol gorgé de réserves minières tant convoitées par les grandes puissances et notamment la France néocoloniale et abritant la «cité des 333 saints», Tombouctou, ce centre commercial fondé au 12ème siècle et qui va acquérir trois siècles plus tard, son statut de capitale intellectuelle connue mondialement pour ses mosquées, ses mausolées et ses 300.000 manuscrits. La bibliothèque de cette cité mythique qui appartient au patrimoine mondial et africain, a été saccagée de même que les mausolées et les stèles funéraires du Nord Mali par les hordes sauvages de l'Aqmi et leurs alliés du Mujao et d'Ancar-Eddine.

CE QUE L'HISTOIRE NOUS ENSEIGNE !

Cette situation nous touche par contrecoup, du fait que nous partageons avec nos voisins tant maliens que nigériens une mémoire et une histoire communes, celles du Grand Sahara à ne pas assimiler à un simple désert. Comment en serait-il autrement lorsqu'on sait que cette bibliothèque porte le nom du grand exégète et savant, cheikh Abdelkrim El-Maghili Etelimssani né en 1425. Cet érudit qui fût l'élève de cheikh Abderrahmane Al-Taâlibi le Saint patron d'Alger (né en 1384 à thaalba dans les Issers, puis installé à Alger en 1411 où il exerça comme cadi suprême) émigra au Touat où il mourût en 15O4. Son Darih se trouve à Zaouiet Kounta, située à quelques kilomètres d'Adrar sur la route des ksours du Touat vers Reggane. N'est-ce pas là, une manière de souligner le degré d'attachement de cette Algérie d'antan à " Baled Essoudane ", c'est à dire au Sahel d'aujourd'hui ? C'est dire que la réalisation de la transsaharienne, qui porte le regard au plus haut degré de la profondeur stratégique de notre pays et de ses intérêts présents et futurs, est d'une bonne inspiration ! La création de l'université d'Adrar est aussi une autre idée judicieuse, pour autant que cette institution inscrive dans sa dynamique d'enseignement, de recrutement et de recherche, l'impérieuse nécessité de s'ouvrir à son espace subsaharien, à son étude et à son observation continues. Il y a là, matière à coopération avec nos voisins pour que ce centre du savoir dans sa dimension africaine puisse devenir un jour, un lieu de rayonnement scientifique et intellectuel à l'échelle de tout le Sahel, comme l'a été autrefois le Touat-Gourara-Tidikelt. Nous serions de la sorte, dans un continuum historique d'un espace commun revisité ! Ce bref rappel historique en rapport avec la ville de Tombouctou, sa grande bibliothèque et notre identité, est une manière de dire que nous sommes concernés par cet acte de barbarie qui prend la signification d'un crime contre l'humanité.

N'en déplaise à ceux qui cherchent à en minimiser son influence, comme pour le soustraire des liens séculaires et naturels que nos prédécesseurs ont-su tisser de si longue date, n'est-ce pas que c'est dans l'authenticité de ce Sahel, que notre " pays-continent " plonge ses racines ? C'est pour l'avoir bien compris, que nos braves du siècle dernier ont dit : " niet" à De Gaulle qui voulait amputer l'Algérie de sa profondeur stratégique, le Sahara ! C'est dire, que " l'animal politique " en esprit averti, savait l'importance de la chose ! " Je vous ai compris " nous a t-il dit avec ambigüité par ce jour du 4 juin 1958, comme pour nous endormir davantage jusqu'à notre dépendance accrue vis à vis d'un sous-sol fait de réserves énergétiques appréciables.

C'est ainsi que nous laissâmes en jachère le sol nourricier qu'on a fini par dépecer, aux fins spéculatives de transactions le plus souvent illicites, et de la réalisation d'équipements sociaux érigés sur les terres les plus fertiles. Oui ! Il faut croire que la morale de la fable du laboureur et de ses enfants n'a pas eu sur nous les effets attendus, pour la simple raison que le gaz et le pétrole ont ce quelque chose d'enivrant qui nous permet de vivre dans l'insouciance, en mode position horizontale sans être inquiétés et sans penser au legs désastreux que nous laissons aux générations futures !.

L'ENJEU STRATÉGIQUE DU SAHEL !

Lâchés par leur tuteur historique, la France prompte à ne réagir uniquement quand il y va de ses intérêts dans les profondeurs du sous-sol africain, les migrants subsahariens se sont tout naturellement invités dans cette Algérie qu'ils considèrent comme étant un peu la leur, pour avoir été habitués à venir élire domicile dans cette terre d'asile comme le faisaient avec promptitude il n'y à pas si longtemps, les révolutionnaires " persona non grata " dans leurs pays d'origines. Hélas ! Les temps ont bien changé et l'on nous dit qu'il faut bien se tenir afin de ne pas heurter la sensibilité des maîtres de ce monde, qui n'arrêtent pas de nous chercher des " poux " ! Cela veut dire, que le mieux que nous puissions faire, est de nous ouvrir dans la limite de nos moyens à nos voisins qui portent en eux les signes de la détresse humaine et vis à vis desquels, nous ne devons ménager aucun effort pour leur porter secours, à titre humanitaire. Tout le monde le sait ! Les subsahariens ne sont là que le temps d'amasser l'argent nécessaire à une " Harga " vers l'Espagne via le Maroc, qui à défaut de réussite, trouvera comme à son habitude le moyen d'expulser chez nous les malchanceux, même s'il continue à les amadouer lorsqu'il s'agit de jouer au " commandeur " des croyants musulmans en terre d'Afrique, à travers l'image spirituelle de cette Zaouïa Tidjania, algérienne pourtant, mais qu'il veut s'en approprier! C'est que les misérables ne sont pas fréquentables et la mendicité est supposée être contagieuse dans un pays qui peine aussi à s'en sortir par ses propres moyens, malgré les apparences et les coups de pouce de ses sponsors occidentaux et de ses bailleurs de fonds traditionnels des monarchies et micro-états du Golfe, ces habitués des riads de Marrakech et leurs extras ! Ces malheureux sont rentrés malgré eux dans le cycle infernal des migrations sans fin, pour être les victimes des enjeux stratégiques de ce Sahel, où la France est déjà présente économiquement au Niger à travers l'exploitation de l'uranium.

Au Mali par contre, sa présence est moindre malgré un sous-sol riche en or (troisième exportateur d'Afrique) et en ressources minières. A ce propos, la multinationale " Rockgate " affirme dans un rapport, que le Mali possède 12.000 tonnes d'uranium. Il dispose également, d'une quantité importante de métal d'argent et de cuivre. Mais qui a dit que le Sahara n'est qu'un immense désert ? N'est-ce pas plutôt, que le désert est cet attribut de l'esprit ignorant ? Quant à la France qui sait anticiper pour défendre ses intérêts, elle ne pouvait permettre que de telles ressources soient gérées un jour par des djihadistes. Il faut dire aussi, que " casser des terros " n'a rien d'humanitaire et son discours creux sur les droits de l'homme, n'est destiné qu'à la consommation des opinions publiques non averties, parce que " matraquées " à outrance par des médias au service de la bonne cause française, cette ligne rouge jamais transgressée. En réalité, elle n'est animée que par le souci de renforcer davantage sa position au Sahel pour faire face à la concurrence américaine et chinoise qui a fait de cet espace, un objectif stratégique. Sa présence est donc comparable à celle de ce " vautour " qui veille sur sa proie ! C'est no comment ! Passez votre chemin semblent nous dirent les pilleurs de ressources ! Il n'y a rien à voir ! C'est notre domaine, et le Sahel est notre affaire ! Que personne ne s'y aventure ! Le " bouloulou " du " printemps arabe " peut être agité à tout instant !

 Il faut aussi savoir, que pour l'exploitation de l'uranium des réserves importantes en eaux fossiles non renouvelables sont utilisées. C'est là un manque à gagner appréciable pour développer l'agriculture vivrière et les élevages dans les pays du Sahel et un grand pas de franchi vers la famine, ce spectre omniprésent dans cette Afrique néo colonisée. À cela s'ajoute, la contamination par la radioactivité de régions entières et une atteinte préjudiciable à la biodiversité. Les populations autochtones de la sorte flouées et appauvries, continueront indéniablement à chercher à migrer vers les régions plus clémentes du Nord. En bout de course, on transforme l'uranium en électricité pour les besoins de la France, et on cède le traitement de ses déchets aux générations futures de cette Afrique pillée par les multinationales, tout en interdisant aux migrants, l'accès à l'espace Schengen. Quelle injustice ! Ainsi va le monde régulé par la finance et dans tout cela, la morale n'a aucune raison d'être ! Ne nous a t-on pas déjà dit, que : " la raison du plus fort est toujours la meilleure " ! Si les " petits " n'ont pas retenu la leçon, c'est qu'ils sont forcément de mauvais élèves ! Tant pis pour eux, sommes-nous tentés de dire ! Ils n'ont qu'à bien surveiller de prés, ceux parmi leurs gouvernants qui s'acoquinent avec leurs prédateurs ! Ainsi va l'Afrique, si riche mais aussi, si misérable ! Quel paradoxe !

LE MESSAGE DES MIGRANTS !

Importe peu ce qu'ils feront de leur après séjour chez nous ! Notre propos n'est pas dans le seul regard distrait du citoyen lambda non concerné par une pérégrination de ces populations misérables vers l'espace Schengen, comme si elle était comparable à celle des oiseaux migrateurs ! Il s'agit là de déchéance humaine et à bien regarder ceux qui la portent par milliers de kilomètres comptabilisés en fatigue, en savates usées, en déshydratation de bébés au cours de leur long voyage et en risques encourus pour tous, y compris pour nous mêmes (maladies et insécurité née de l'ouverture au tout venant, sans contrôle préalable), l'on s'aperçoit que le message est lisible sur les visages hagards et les yeux fatigués par l'épreuve de l'exil qui leur colle à la peau. Dans leur façon de plaider l'aumône, chapelet en main, ils agissent sur notre conscience comme ce miroir qui nous renvoie l'image apocalyptique de ce que sera demain l'Algérie, si nous restons confinés dans cette bulle énergétique qui telle un hallucinogène procure cette sensation de bien-être social, malheureusement éphémère, parce que non régulé par le travail et la création de nouvelles richesses, mais plutôt par l'aléa des strates profondes de ce sous-sol, dont les multinationales seules détiennent le secret de ses réserves ! Il faut croire qu'à ce titre, notre souveraineté est forcément limitée ! Elle n'a que valeur symbolique dans un pays qui a déjà coupé les amarres avec l'esprit de l'effort collectif dans la perspective d'une prospérité partagée. Mais où allons-nous comme çà ? N'y a t-il rien qui puisse nous éveiller ? Au-delà des satisfécits de certaines voix dites autorisées, il est à craindre que le scénario malien ne relève du domaine du possible ! Tout semble indiquer que nous aurons à vivre des moments difficiles dans l'ère de l'après pétrole ! Nous n'aurons alors, que nos yeux pour pleurer cette époque d'opulence financière que nous n'avons pas su faire fructifier à hauteur des intérêts des générations futures ! Nous serions dans la situation de la cigale de Maître Lafontaine " forte dépourvue quand la bise fût venue ", quand nos puits de pétrole seront asséchés et que nos réserves de gaz seront taries.

NÉCESSITÉ D'UN SURSAUT SALUTAIRE !

Est-il possible d'assurer demain, tout au moins notre alimentation basique faite de pain, de couscous garni en quelques légumes et viande, de lait et de fruits non exotiques ? Rien n'est moins sûr ! Ce constat des plus cruels relève de cette incapacité de notre agriculture qui peine à nous nourrir à hauteur de nos besoins, en dehors de l'appel massif à l'importation de notre alimentation de base et celle de notre cheptel. Nous aurons à payer dans un avenir plus ou moins proche, ce que nous n'avons pas su faire hier, alors que nous disposions de moyens appréciables gaspillés dans des projets pas toujours utiles. Le constat que nous pouvons faire aujourd'hui, est que nos campagnes se sont vidées de leur force de travail et les ouvriers agricoles comme pour le reste des actifs dans d'autres secteurs, ont été attirés par le dispositif de l'ANSEJ, pour devenir des rentiers tirant profit de la location d'équipements, acquis avec facilité et sans aucune qualification professionnelle et/ou esprit entrepreneurial.

Si nous sommes dans cette situation, c'est qu'on a cru pouvoir diriger ce secteur vital par des discours formatés en phraséologie populiste portée des décennies durant, par la voie de l'UNPA, ce " magma " qui a su survivre à toutes les réformes qu'il a bénies, tout en maintenant intacte son influence sur les centres de décision. Cette organisation a drainé dans son sillage, toute une faune d'entrepreneurs attirés par les subventions de l'État au titre du FNDRA et du Dâam arifi, qui n'ont eu aucun effet significatif sur les performances du secteur agricole, comme en témoigne l'évolution croissante de notre facture alimentaire. Il faut dire que notre agriculture est malade de son mode distributif, de sa gestion administrative clientéliste, et de l'interférence des lobbies qui gravitent à sa périphérie, telles des mouches attirées par le miel de la rente ! Le résultat des courses d'un demi siècle de gestion intuitive de réforme en réforme, sans enseignements tirés et d'erreurs corrigées, est que notre ministère de l'agriculture fonctionne dans le propre style d'une mauvaise centrale d'achat, bien souvent prise de vitesse par l'ampleur des défis et des enjeux, parce manquant de professionnalisme, d'expertise et de réflexion stratégique sur le long terme ! Oui ! Que ce soit pour l'achat de blé, de poudre de lait, de semences de pomme de terre, de viandes et aujourd'hui de vaccins contre la fièvre aphteuse du bétail, nous sommes toujours à la traine pour avoir perdu nos capacités d'anticipation, ce qui dénote d'un sous-encadrement chronique et d'un manque de savoir-faire. Comment en serait-il autrement lorsqu'on observe le degré de décrépitude atteint par nos institutions d'enseignement et de recherche, par nos fermes pilotes, par nos instituts de développement et par la formation agricole ! A défaut de présence d'ingénieurs et de techniciens au niveau des exploitations agricoles, notre agriculture évolue au rythme d'une paysannerie vieillissante en phase de départ et d'extinction ! Mais qu'allons-nous devenir ! Oui ! La réponse est toute trouvée chez les " démagos " ! Ils vous diront encore une fois : " Likhlag ma idayaa " évacuant ainsi à Dieu, tout ce capital fait de paresse, d'insouciance et d'irresponsabilité !

Il faut tout au contraire se dire, que nous ne sommes pas des " manchots " lorsque nous mesurons à sa vraie dangerosité le phénomène de la misère et son corolaire la déchéance humaine ! Tout est à revoir parce que nous avons tout faux ! La mise à niveau dans tous les domaines est la chose essentielle à entreprendre au plus vite, s'il n'est pas déjà trop tard ! Un quinquennat devrait suffire pour amorcer la correction de la trajectoire de notre développement dans tous les domaines, à condition que nous soyons disposés à nous ouvrir à une coopération durable tout azimut! Notre école doit aussi préparer l'homme de demain à vivre dans un contexte contraignant fait de réchauffement climatique, de désertification et d'amenuisement de ressources non renouvelables ! C'est là une affaire de femmes et d'hommes résolus à relever ce défi en se disant autant de fois que nécessaire : " nous n'avons pas d'autre patrie que cette Algérie que nous devons servir avec abnégation et loyauté " ! Ce défi des gens d'honneur qui savent donner plus qu'ils ne prennent, ne saurait être celui de ceux qui ont les pieds chez nous et l'esprit ailleurs, ne songeant qu'à préparer un exil doré pour eux et pour leur progéniture, dans un monde fait d'incertitudes avec ce risque qui leur soit fermé ! Alors ! Ils seront poursuivis par cet œil de Caïn qui torturera ce qui leur restera de conscience !