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Le remaniement ministériel, oui c'est possible !

par Cherif Ali

Techniquement parlant, qu'est-ce qu'un remaniement ministériel ?

Le remaniement consiste à modifier la composition du gouvernement sans pour autant provoquer sa démission ; selon son ampleur, il sera gratifié de politique lorsqu'il est important, ou de technique s'il est confiné dans des proportions réduites.

Il peut, ainsi, prendre trois formes :

1. un ou plusieurs ministres souhaitent quitter le gouvernement, parce qu'ils se sont présentés, avec succès, à une élection ou parce qu'ils veulent tout simplement, être déchargés complètement de leurs fonctions pour raisons personnelles, ou de santé.

2. un membre du gouvernement peut être révoqué, après avoir commis une grave faute politique ou autre impair rédhibitoire, l'empêchant de poursuivre son action au sein du gouvernement,

3. le remaniement peut avoir une portée plus grande et se produit :

soit lorsque le gouvernement est en place depuis quelques années et que le besoin de changement semble avéré.

soit lorsque le gouvernement essuie de fortes critiques de l'opinion publique ; dans cette optique, l'ampleur des changements est alors, non seulement importante mais, également, fortement médiatisée afin d'adresser un message de renouveau aux observateurs et à l'opinion publique et l'exemple nous vient de France où, pour cause de contestation de la ligne économique de François Hollande, par un de ses ministres les plus en vue, Arnaud Montebourg, le Premier Ministre Manuel Valls n'a pas hésité, après s'être concerté avec le Président de la République, de présenter la démission du gouvernement, en riposte à ce qui a été considéré comme " dépassement des lignes jaunes ".

En règle générale, le remaniement ministériel, n'est jamais annoncé d'avance ; c'est la rumeur, reprise par certains titres de presses, qui le porte ; certains, d'ailleurs, pensent qu'il s'agit en fait de lancement de " ballons-sonde " destinés à tester l'opinion sur de probables changements au niveau du gouvernement ou plus encore, pour susciter quelques réactions concernant la nomination ou le départ de tel ou tel ministre.

D'autres observateurs plus avertis, sont enclins de croire qu'on évoque, volontairement, l'hypothèse d'un remaniement, pour mettre d'abord, la pression sur les ministres en poste.

L'exemple, encore une fois, nous vient de France, où le Président François Hollande, répondant à la question d'un journaliste sur l'avenir du gouvernement de Jean-Marc Ayrault affirma, franco de port : " le remaniement ? oui c'est possible ! ".

Se voulant plus rassurant, il a affirmé ensuite que " le changement de gouvernement n'était pas d'actualité ", voulant ainsi mettre un terme à la panique qui avait saisie ses ministres, depuis qu'il avait lâché le mot " remaniement ".

François Hollande a, délibérément, déstabilisé son équipe gouvernementale, mais c'était sa stratégie de départ ; il lui fallait ré-stabiliser et rassurer. Il a donc refermé la parenthèse qu'il avait ouvert avec son annonce " oui, un remaniement est possible ", ajoutant " mais pas aujourd'hui !", engrangeant, ainsi, tous les dividendes possibles :

1. ses ministres se sont retrouvés sous pression, positive ou négative, c'est selon.

2. tous ont travaillé davantage, sachant que leur destin était entre les mains du président.

 De ce qui précède, peut-on affirmer que cette façon d'agir avec le gouvernement constitue une forme de management utile, au besoin par le stress et la pression ?

La réponse est oui, semble-t-il, puisque l'équipe ministérielle française, celle d'avant Manuel Valls, après avoir été rassurée sur les intentions du président de ne pas brusquer le changement, s'est remise sérieusement à la tâche, tout en prenant acte de l'avertissement qui lui a été infligé et, peut-être même, penser à rattraper le temps perdu et corriger ce qui peut l'être.

En Algérie, malheureusement, les choses sont tout à fait autres :

les ministres ont plus que l'usufruit de leur maroquin, ils en sont presque propriétaires et leurs cabinets sont inamovibles. Contrairement aux exemples français cités supra, l'annonce d'un remaniement prochain n'est pas de nature à ébranler leurs certitudes, du moins pour un certain nombre d'entre-eux se prévalant de la proximité du cercle présidentiel.

ils ne sont pas soumis à l'obligation de résultats, nonobstant les séances ramdhanesques auxquelles ils sont conviés, bon an mal an, pour rendre compte de leurs bilans et à l'issue desquelles, ils ressortent plus que rassurés sur leur avenir.

ils passent, sans transition, d'un ministère à l'autre, à croire qu'ils détiennent l'expertise ou la science infuse, se succédant dans un décor de passation de consignes, beaucoup plus protocolaire que tenant d'une volonté de capitalisation d'expérience ou de programmes à achever, tout ça dans une ambiance de "long fleuve tranquille".

Les nouveaux ministres ne ratent, évidemment, pas l'occasion de médire sur les sortants, voire même de leur imputer, par avance, leurs propres carences.

Pour revenir à l'actualité nationale et, à en croire des sources, généralement bien informées, le Président de la République s'apprêterait à opérer un véritable " coup de balai " au sein du gouvernement, à la faveur d'un remaniement qui se ferait entre le 10 et le 15 septembre prochain, soit juste après la rentrée sociale.

Un remaniement, diront certains, alors que le gouvernement vient à peine de dépasser " le cap des 100 jours " ? Possible, si on prend l'exemple du gouvernement français qui va être changé au bout de 147 jours, seulement !

Deuxième interrogation, le premier ministre a-t-il eu le temps nécessaire d'évaluer l'ensemble de son équipe gouvernementale, d'en mesurer les performances, les capacités réelles voire les limites physiques et intellectuelles de chaque ministre ?

La réponse est affirmative pour au moins deux ministres, celui de l'agriculture et celui des sports, qui ont raté l'occasion de démissionner par eux-mêmes et qui au regard de leur bilan catastrophique seront, à coup sûr, " débarqués ".

Il se murmure aussi, que le premier ministre a été amené à composer avec certains ministres, et non des moindres, dont il aimerait, maintenant, s'en séparer pour des raisons d'homogénéité de son staff, pour rester dans le politiquement correct.

Voilà donc une des premières raisons qui conforterait l'idée de l'opportunité d'un remaniement ministériel.

L'autre argument concernerait la politique suivie par le premier ministre qui a placé pourtant dans ses urgences, la croissance et l'emploi. Il n'a de cesse là où il va, d'en parler d'autant plus que l'Algérie n'est pas à l'abri de la crise financière mondiale malgré son désendettement intérieur et extérieur et la constitution d'un fonds de régulation des réserves de change qui lui permet (pour combien de temps encore ? ) d'effectuer des dépenses en termes de financement.

Le premier ministre a compris que le pays doit bouger pour profiter, parce qu'il est peut-être temps de le faire, de la crise économique mondiale et relancer son secteur industriel.

Dans toutes ses interventions, il a également insisté avec force sur la nécessité d'identifier et de concrétiser toutes les opportunités en termes de relèvement de la croissance économique du pays et partant de la création d'emploi.

A part Abdelmalek Sellal très peu de ministres tiennent ce langage tellement ils sont préoccupés par les crises secouant leurs départements:

le ministre de l'agriculture, comme on l'a affirmé supra, où en plus de sa mauvaise gestion de l'épidémie de la fièvre aphteuse qui est en train de décimer le cheptel bovin, il n'a pas été capable de faire face à la facture d'importation du blé de l'ordre de 400.000 à 500.000 tonnes, ce qui aurait fait grimper le prix de la tonne d'un euro à 207 euros (270 USD ) au niveau de la bourse de Paris, selon les traders. Les besoins de l'Algérie en céréales sont estimés à 800.000 de tonnes, elle qui n'en produit que 5,12 millions (campagne 2011/2012).

le ministre des sports qui n'a pas réussi à ce jour à mettre de l'ordre dans les stades où certains y perdent la vie, sans parler de son raté de la finale de la coupe d'Algérie de football et de la gamelle qu'il a ramassée dans les vestiaires du MCA ; il y a aussi cette difficulté qu'il rencontrerait à coordonner l'action avec le Ministre de la Jeunesse, une autre erreur de " casting " avec lequel il partage " l'administration centrale et les service extérieurs du ministère"

le ministre de la santé ou le bras de fer persiste entre des responsables, peu ou prou, enclins au dialogue, mettant en avant des menaces de sanctions contre des syndicalistes, eux-mêmes s'entêtant à enclencher sporadiquement des grèves prenant au passage en otage les malades, sans compter les rapts de bébés et les vols de médicaments qui entachent le secteur

le ministre du commerce qui en plus de ses " boulettes " de la campagne électorale présidentielle, fait mine d'oublier l'affront que lui ont fait subir les commerçants qui n'ont pas respecté l'ordre d'ouverture de leurs locaux pendant les fêtes de l'Aïd, ou comment le commerce informel et son retour sur les territoires a été justifié par le ministre, comme étant " une caractéristique du peuple algérien, à chaque fois qu'on interdit quelque chose, son tempérament anarchique ou anarchiste le pousse à revenir "

le ministre des transports qui communique de façon maladroite comme la fois ou il a mis la compagnie national " Air-Algérie " dans l'embarras, la livrant à la critique et à l'ire des passagers en faisant la promesse d'une baisse improvisée des tarifs pour l'été, que celle-ci n'a pas honorer, des tarifs réduits de 30 à 50 %, effectifs du 22 juin au 22 septembre avait-il annoncé, laissant alors la compagnie, cette fameuse nouvelle sur les bras, se débrouillant avec, notamment, sa clientèle d'outre mer.

la ministre de la solidarité et son aveu d'impuissance " à rassembler dans des centres d'accueil ces 25 000 réfugiés subsahariens qui quittent les lieux pour se déplacer, constamment, d'une région à une autre " ; ce problème qui exaspère les citoyens, concerne aussi l'ordre public, si l'on considère qu'il s'agit de migrants clandestins, mendiants professionnels, originaires pour un grand nombre d'entre-eux de la ville nigérienne d'Arlit !

le ministre du travail, de l'emploi et de la sécurité sociale dont le projet de code du travail dans ce qu'il contient comme articles sur le contrat de travail à durée déterminée légalisé, le 87 bis revu mais non abrogé et la représentation syndicale redéfinie , est susceptible de provoquer, d'ores et déjà, des tensions entre l'exécutif et les partenaires sociaux

le ministre de l'enseignement et de la formation professionnelle qui apparemment n'a pas réussi encore à mettre en adéquation le triptyque formation-emploi-besoins du marché, à telle enseigne que le ministre de l'habitat, lui qui au moins, a redonné vie à tous les programmes en veilleuse se plaint de ne pas pouvoir disposer d'entreprises nationales compétitives, techniquement et humainement, à même de prendre en charge le programme ambitieux qu'il escompte mettre en œuvre.

Il y a aussi l'incapacité de certains départements ministériels, comme celui des TIC qui peinent à régler les grèves ou encore à prendre langue avec les contestataires, dans un souci d'apaisement du front social. Ceci peut constituer un argument supplémentaire pour provoquer un changement ministériel.

De ce qui précède que faut-il retenir, si ce n'est la détermination du premier ministre à aller de l'avant, de reconsidérer tous les objectifs et de mettre le cap sur la croissance et l'emploi à travers un modèle de développement qui cristallise l'émergence d'une société harmonieuse et une économie compétitive, capables de faire face aux plus complexes défis géopolitiques et géoéconomiques.

Pour ce faire, il a besoin d'hommes capables de faire bouger les lignes, d'affronter le peuple et de lui dire la vérité !

Abdelmalek Sellal vise les prochaines années, celles qui permettront, peut-être, l'émergence d'un tissu industriel diversifié constitué de PMI/PME innovantes, compétitives où les hydrocarbures ne contribueront alors, qu'à hauteur de 40% de la prospérité nationale.

Et pourquoi ne pas envisager, aussi, la revitalisation des entreprises algériennes et les amener à intégrer, à elles seules, plus de 70% du marché de l'emploi ?

Toute la bataille du pays tourne autour de la création d'emploi et beaucoup de responsables ont en pris acte sur le terrain :

- 6000 emplois de policiers dans les régions du Sud,

- 3000 autres emplois nouveaux ouverts par les entreprises relevant des différentes SGP.

- combien dans le bâtiment ? Et ailleurs où il doit exister des niches à même de résorber le chômage, y compris dans le secteur privé qui demeure selon le premier ministre "un allié fondamental pour la concrétisation de cet objectif, même si le secteur marchand public continue de constituer le principal levier de l'action économique publique ".

Abdelmalek Sellal, a déjà affirmé que 83% des 3 millions de postes promis par le gouvernement ont été atteints, le reste le sera prochainement. Cet objectif ne peut être réalisé en l'absence d'une cohérence et d'une discipline gouvernementale à toutes épreuves et avec des ministres solidaires, convaincus par la politique tracée en matière de croissance et d'emploi, de sécurisation des biens et des personnes partout et surtout à Ghardaïa et de développement local, celui qui permettrait de relever le niveau de croissance des 440 communes qui sont classées comme les plus déshéritées ou les 1249 autres qui sont carrément déficitaires.

Tels sont "les éléments de langage" qu'on aimerait entendre de la bouche de nos ministres ou du moins de ceux qui feront partie du prochain gouvernement.

Un discours ou plus encore une feuille de route consacrée au développement qui placerait l'épanouissement individuel et collectif comme indicateur de la réussite du pays. Avec les hommes et les femmes qu'il faut.

Personne n'est protégé dans le gouvernement, personne n'a d'immunité, déclarait le président François Hollande, personne non plus ne connait le calendrier du remaniement !

Notre premier ministre pourrait, compte tenu de la conjoncture que nous traversons, proposer au président de la République les changements qu'il jugerait utiles ; ce dernier lui donnerait acte de ce geste d'autorité, le confortant ainsi dans sa position et dans ses choix des nouveaux ministres ou de ceux qui seront reconduits.

Il est certes vrai que nos responsables n'aiment pas agir à chaud, mais n'est-il pas temps qu'ils réfléchissent à une telle initiative politique, qui débarrasserait les pays de tous ces " cumulards de la faillite " !

A en croire le président de l'APN Larbi Ould Khélifa qui a livré son sentiment sur les changements à venir, le gouvernement sera " politique ", le FLN obtiendrait plusieurs portefeuilles ; le FFS, selon certains politologues y ferait son entrée.

Exit, alors, le gouvernement des technocrates et sa cohorte de walis très tôt promus ?

A moins que le remaniement espéré nous surprenne, dès lors où il ne concernerait qu'Abdelaziz Belkhadem " remercié ", semble-t-il, lors du dernier conseil des ministres, à en croire ce qui a été rapporté par certaines chaines de télévision privées. Ou plus encore, il annoncerait le départ de madame Nouria Benghebrit, ministre de l'éducation nationale qui a pourtant bonne légende, elle qui semble vouloir faire sortir l'école algérienne de son désastre et qui a contre elle, comme l'a affirmé un chroniqueur, les syndicats, un courant conservateur puissant, le reliquat Benbouzid et la gravité. Tout comme Mohamed Aissa, le ministre des affaires religieuses dont ne veulent pas les conservateurs, les religieux associés, les salafistes, les zaouïas, des imams et surtout parce qu'il préconise, tout comme celle qui a été citée, la modernité.