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Le printemps, quel printemps ?

par Bouchan Hadj-Chikh

On devrait s'en réjouir. Des informations laissent entendre que l'Algérie a rejeté l'idée de l'installation de deux bases de drones US aux frontières sud qui auraient été chargées de la surveillance des mouvements hostiles aux régimes en place en Libye et au delà de notre Sahara éternel.

Si ces informations se révèlent exactes, voilà de quoi applaudir. Les drones ne sont pas, à proprement parler, des engins inoffensifs. Utilisés à partir de la frontière Pakistano-Afghan, du Camp Chapman, ils ont fait 224 sorties en dix ans causant 1900 tués tous supposés être des Talibans. Le nombre de civils est inconnu mais considérable. Selon les spécialistes de la CIA, ce sont des engins efficaces, certes, mais ils ne permettent que de retarder l'issue d'une guerre, d'une rébellion.

S'il fallait suivre tous les déplacements des troupes rebelles dans les régions visés au sud de nos frontières, les satellites d'observations suffiraient largement, sachant, ce qu'on en dit, qu'ils seraient capables de photographier une balle de tennis à trente kilomètres. Cette technologie s'est d'ailleurs montrée d'une grande efficacité quand il fallut "pointer" le lieu de l'atterrissage forcé, dans le désert, de l'appareil de feu Yasser Arafat.

Enfin, il y a les antennes et autres moyens sophistiqués de surveillances qui "veillent". On prétend que la National Security of America - dont les décrets de création sont "top secret" - captent et analyse, grâce à ses ordinateurs, autour de quatre vingt pour cent des échanges téléphoniques et radio dans le monde. Dès lors, on se demanderait à quoi serviraient ces bases sur notre territoire et pourquoi on insiste tant à les y installer. Grands seigneurs, les américains auraient offert de partager avec les services de renseignements algériens les informations obtenues. C'est vieux comme le monde. Les anciens disaient, lors de la guerre de Troie : " timeodanaos et donna ferentes ". " Je crains les grecs quand ils font des présents ". Quand on leur offre une main secourable, certains vous prennent le bras. Et le reste.

J'ose penser que le pays demeure un sanctuaire inviolable. Que le renforcement du potentiel de l'armée nationale populaire procède de la même logique. J'ose me réjouir d'entendre des voix officielles démentir toute ingérencedans les affaires libyennes - quoique l'attention sur cette partie du territoire s'est accrue pour éviter des débordements - mais de favoriser, en revanche, le dialogue entre les parties en conflit dans les pays frères africains limitrophes, de demeurer ferme sur la question du Sahara Occidental, source de tension régionale où les trois pays auraient tout à gagner en appliquant le principe de l'autodétermination des peuples, celui du peuple Sahraoui lâché, bradé par l'Espagne.

Aussi bien avec les voisins Libyens, Maliens ou Nigériens les efforts de la diplomatie algérienne sont patents et remarquables. Il n'est pas dit qu'ils n'aboutiront pas. Viendra le temps où le balancier se fixera sur la sagesse, sur la nécessité de reconquête de soi. Comme en Tunisie. Bien sûr, restera toujours la question de la coopération avec le Maroc qui grèvera le Maghreb d'une entente nécessaire entre les peuples quand les " ego " et l'héritage seront réduits face aux bon sens, au réalisme, et à la nécessité de regroupement pour garder au sec les pieds, hors du marécage dans lequel s'embourbe le monde dit arabe. C'est à ce moment là que l'on reconnaitra en nos dirigeants, qu'il soit Roi ou Présidents, les hommes d'état capables de vision. Sans sacrifier pour cela les entités géographiques qui demeurent la première identification d'un peuple.

IL EN EST QUI DEMEURENT OPTIMISTES CEPENDANT

Je rêve ? Du tout. Permettez moi de vous prendre par la main pour vous parler des phosphates du Sahara occidental et ses richesses halieutiques, de l'agriculture marocaine et d'autres richesses encore, des ressources d'énergie algérienne et de son économie - même si elle est débridée et va dans tous les sens -d'attirer votre attention sur les marchés que cela constituerait pour le Maghreb, sur la circulation des hommes et des biens et, surtout, des idées.

Et de mettre en garde contre les nuages sombres qui s'agglutinent dans ces cieux que seule une tempête dans les têtes des hommes et des dirigeants pourraient chasser.

Voulons nous libérer Gaza ? Ceuta et Melilla ? Regarder droit dans les yeux le rocher de Gibraltar ? Vider Lampedusa et ignorer les cotes italiennes ? Reprenons langue avec nous-mêmes. Quoiqu'on dise, les deux plus vieux partis de l'Algérie en donneraient l'exemple pour ouvrir des consultations de sortie de crise. Nous aurons moins de rouge au front quand on nous invitera en séminaire de " chefs d'états ", qu'ils soient supposés francophones ou autres. Pour entendre parler de milliards de dollars d'aide. Les budgets que l'on promettra pour le redressement de nos états qui, - faites le calcul et vous verrez - une fois payés l'armada d'experts et de consultants, les produits sur facturés que l'on voudra nous faire parvenir sans garantie de leur fiabilité - seront, au final, dérisoires. Assez pour payer notre silence et les conseils de gestion que l'on nous imposera. Ou pour assurer les salaires de l'armée comme nous le voyons de nos jours.

Ces réunions là rappellent les conciles de l'ère soviétique au cours desquels le camarade Ponomarev indiquait aux représentants des PC au pouvoir, dans l'opposition ou la clandestinité, les voies à suivre. Avant de leur ouvrir les portes du magasin Goum de Moscou pour faire leurs courses. Selon un témoin digne de foi.

IL EN EST QUI CRAIGNENT LE PIRE. JE LES COMPRENDS

Les faits sont là. Depuis le discours du Caire, dans la sphère nord africaine et arabe, il n'y a que de mauvaises nouvelles qui nous parviennent de l'Est. La Syrie s'est embrasée. Depuis deux ans.La Palestine étouffe. Depuis 48. L'Irak est à la dérive, depuis la chute de l'homme de Takrit (pendant et après le départ des américains qui ont eu un comportement de fuite en avant identique en Somalie, en Afghanistan). Le Liban connaît de nouveau les affrontements. Comme si la paix après une atroce guerre civile de plus de dix ans ne lui a pas suffit. L'Egypte a élu démocratiquement un pouvoir que le pouvoir de l'armée a remis à sa place naturelle, la prison. La Libye se " confétise ". Le Soudan et le Soudan du Sud n'ont pratiquement pas connu de répit.

Le Hamas élu sans faute au pouvoir ne satisfait pas les pays du nord. La Tunisie, pour contenir les assauts des rebelles - comme si elle n'avait pas fort à faire pour accueillir entre cinq a six milles réfugiés par jour, concluait qu'il lui fallait s'armer de 12 hélicoptères " Black Hawks " pour maintenir la stabilité et en négocier l'achat ou le don des Etats Unis, concernés par les inquiétudes tunisiennes.

Dans la folie collective, plus personne ne recourt plus au langage pour résoudre les problèmes. Les ministres des affaires étrangères ont l'envergure de directeur d'ONGs Internationales en accompagnant de dérisoires aides alimentaires dans les pays en crise. Dans le même temps, ils militent pour les interventions militaires - comme si elles avaient jamais résolu un problème d'hommes et de liberté" -. "Je vais aller en Tunisie, je vais aller au Mali. Je vais aller en Syrie. Je me prépare pour l'Irak". "No, Sir" est la réponse. "Une guerre, une toute petite guerre que vous financerez - parce que je n'en ai plus les moyens - pour faire oublier mes millions de chômeurs, les fermetures d'usines, mon impopularité et mon élection par défaut". "Toolate, man !".

Que faisons-vous donc, entre temps, pour obliger les colons à se plier aux résolutions de l'ONU sur la Palestine ? Avons nous décrété, renforcé un embargo contre les envahisseurs ? Non ! Et comment espérons-nous appliquer la justice pour le peuple Palestinien ? En laissant bombarder Gaza ? Instaurer la démocratie en écrasant la Libye ? En bombardant l'Irak ? En réduisant en cendres la Syrie ? Le Yémen ? En déstabilisant le Liban ? En finançant des foyers dans la région sub-saharienne ? En se croisant les bras en Somalie ? En alimentant la discorde entre le Soudan et le Sud Soudan ? En commerçant avec l'entité sioniste, directement ou, plus sournoisement, indirectement ?

Dans ce tableau, il n'y a que les Palestiniens de l'intérieur, d'abord et surtout, qui trouvent grâce. Ils auront tous essayé. Ils ont compté sur les troupes arabes en 1948 pour libérer leur terre à la fin du mandat britannique. Ils ont été mal inspirés. Ils ont conduit des révoltes, participé à trois guerres, à deux Intifada. Affronté des chars avec des pierres. Ils ont négocié un territoire qui se révéla être une peau de léopard. Enterré à la Moqataa. Et maintenant ? On leur demande d'accepter d'être désarmés pour obtenir ? ? Rien en fait. Dans le meilleur des cas,la perpétuation du système d'Apartheid.

Et il s'en trouve, parmi ceux qui les ont trahi en 48, qui leur demandentaujourd'hui d'accepter ce marché.

Qui, s'il était accepté, tiendra comme les «accords» précédents.