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Une élection présidentielle «non événement»

par Kharroubi Habib

L'abstention lors du scrutin du 17 avril se profile comme allant être d'une ampleur inégalée. Le désintérêt marqué des Algériens pour la campagne électorale qui a précédé ce scrutin en est un indice probant. L'on voit mal pourquoi les électeurs qui ont ostensiblement «zappé» cette campagne électorale et ses acteurs se départiraient de leur attitude pour aller voter jeudi.

Ne se déplaceront finalement pour accomplir leur devoir de citoyens que ceux peu nombreux qui croient encore qu'avoir une carte de vote dûment estampillée leur évitera du tracas administratif ou ceux qui ont la fidélité partisane ou individuelle chevillée au corps. Pour le reste des Algériens, c'est-à-dire l'immense majorité de la population, le scrutin du 17 avril est un «non-événement» parce qu'ils se sont fait la conviction que son résultat a été par avance acté par les «faiseurs de roi» et qu'alors le fait pour eux de voter ou non n'y changera rien.

Que la campagne électorale ait donné l'impression qu'il y a une lutte serrée entre les deux candidats donnés pour être les prétendants entre lesquels se jouera la bataille lors du scrutin et qui sont le président sortant Bouteflika et son ex-chef du gouvernement Ali Benflis, n'est pas aux yeux de ces citoyens une motivation à aller voter. Pour eux, la certitude est établie que le scrutin du 17 avril n'a d'autre finalité que celle de masquer sous l'illusion d'une élection démocratique la «cooptation» en fait du prochain président qui devra par conséquent tout non pas aux votes des citoyens mais «au rapport de force qui prévaut dans le système». L'on comprend que bardée de cette certitude la majorité des Algériens répugne à contribuer à une «mascarade électorale» dont le «vainqueur» sera dans les deux cas redevable et sous tutelle du système qui aura préfabriqué sa victoire.

Leur perception de ce sur quoi va déboucher le scrutin étant que le système en sera l'unique gagnant, les abstentionnistes ne se déclarent pas inquiétés par les bruits alarmistes prévenant qu'il faut s'attendre à des remous violents le jour du vote ou après l'annonce du résultat du scrutin. Ceci arguent-ils pour la raison que les deux candidats entre lesquels le choix du système aura tranché savent qu'il leur impose une «ligne rouge» à ne pas franchir en matière de contestation.

Cela étant, les connaisseurs des arcanes du système avancent que tout porte à croire en «l'état actuel du rapport de force» dans le système que Bouteflika est parti pour étrenner un quatrième mandat. Autant dire que les citoyens lambda abstentionnistes ne sont pas dénués de flair politique et n'ont pas tort de prendre leur distance avec une élection présidentielle dont la partition et le résultat s'écrivent et se déterminent en dehors d'eux.

Leur flair politique leur permet également d'entrevoir et de convenir que la crise nationale ne sera pas solutionnée par le résultat du scrutin du 17 avril, mais qu'elle s'aggravera parce que les «faiseurs de roi» se seront obstinés à faire prévaloir la prééminence de leur volonté sur celle de la nation et du peuple.