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L'échec à l'élection n'est pas l'échec de l'élection !

par Cherif Ali

Les élections approchent ; la tension monte dans les états-majors des candidats. Une seule et même obsession les hante : gagner !

Oui, les uns et les autres, veulent gagner les élections mais ne savent pas comment s'y prendre, ou pensent, peut-être, détenir les clefs de la réussite. Les uns prétendent qu'on ne peut pas perdre les élections que l'on organise soi-même.

D'autres veulent, coûte que coûte, accéder au pouvoir : c'est notre tour, nous avons attendu longtemps. Ils sont prêts à légitimer tous les abus, y compris les coups d'Etat que leurs soutiens appellent de leurs vœux ; d'ailleurs, ils le disent " en cas de fraude, ils descendront dans la rue ! ".

En vérité, les uns et les autres sont, presque, les mêmes, tantôt au pouvoir et dans l'opposition en même temps.

Aux commandes du pays, l'ivresse du pouvoir les rend, en effet, sourds et aveugles.

Dans l'opposition, ils sont animés des plus belles intentions du monde et apparaissent comme les plus grands humanistes de la planète.

Pourquoi les élections sont-elles toujours l'objet d'empoignes et nous font prendre, à nouveau, conscience de la singularité de la vie politique de notre pays et du danger qui la guette, " printemps arabe ", oblige.

En effet, en plus d'une bipolarisation annoncée, dont les contours ont commencé à se dessiner à partir de Béjaïa et les événements qui s'y sont produits, il y a une détestation (sans doute surjouée) qui transforme des adversaires, supposés démocrates, en ennemis irréconciliables.

Le combat démocratique devrait, pourtant, nonobstant quelques périodes électorales, être plus pacifique. En sur jouant des oppositions, en scénarisant des inimitiés et en cachant leurs complicités, les acteurs politiques laissent à penser qu'il y a des gouffres entre eux.

Que nenni ! Au nom d'un passé ancien, ou d'idéologies auxquelles certains font encore semblant d'y croire, ces politiciens arrivent, à notre grand étonnement et malgré leurs différences criardes, à se réunir, par exemple, dans la salle Harcha, pour s'entendre sur un minimum syndical : " contrer le 4ème mandat " ; et dire qu'au départ, ces gens-là n'avaient aucun dénominateur commun.

Pendant ce temps-là, dans le camp de ceux qui sont d'accord avec le processus électoral, la campagne se poursuit vaille que vaille ; chacun des candidats a pu mener, librement, ses activités. Il en est de même des " boycotteurs " qui s'expriment par " Barakat " interposé.

La tension est par moment montée, elle n'arrive pas, tout de même, au point de déboucher sur des actes malheureux ou regrettables, même si les derniers événements survenus à Béjaïa sonnent comme une alerte.

Lors de la campagne qui arrive à son terme, on a pu voir se côtoyer dans nos capitales régionales et ailleurs, des candidats haranguant leurs sympathisants, presque à la suite. Des meetings ont été tenus sur des espaces presque mitoyens, dans une ambiance, certes chaude, mais bon enfant tout de même, jusqu'à ce samedi " bougiote " et son lot imbécile de victimes dans les rangs des journalistes et des policiers, qui ne faisaient que leur métier.

Jusque là, dans cette campagne, chacun des candidats et candidate y est allé de sa stratégie, de ses propositions réalistes, superflues, utopiques? Bref ! C'est de bonne guerre, surtout que pour Georges Clémenceau : " on ne ment jamais autant avant les élections, pendant la guerre et après la chasse ! "

Toutefois, il ne faut pas se leurrer, les candidats ou ceux qui parlent en leur nom, se connaissent tous, ils se sont même fréquentés.

C'est en fait une camaraderie de personnes qui se sont connus, se côtoient encore, certains anciens députés, membres du parti FLN, d'autres encore, militants issus de la matrice originale du vieux parti. Et leur camaraderie, ils nous la cachent, parce qu'elle les desservirait.

Observez-les bien, ceux-là mêmes qui vocifèrent et s'invectivent sur les plateaux de télévision, ils vont se retrouver au café ou au restaurant pour se redonner des forces, tout en riant de leurs numéros d'acteurs.

Mais le bon peuple, lui, croit aux envolées, ces effets de robes et autres joutes spectaculaires, ces haines souvent mimées, à ces arguments lancés à la cantonade et aussi à la figure des uns et des autres et aux téléspectateurs aussi.

Les hommes politiques jouent, en définitive, sur ces apparences pour exister dans cette campagne électorale. Mais le résultat est désastreux : nous sommes parmi les pays les plus pessimistes au monde, par la faute de ces piètres acteurs, déclinologues à leurs heures. Ils adoptent des comportements de rejet envers ceux qui ne pensent pas comme eux, refusent la réalité et commentent tout, y compris les choix de Wahid Hallilozic.

Quant au niveau du débat politique, mieux vaut ne pas en parler : chez certains candidats, il est au raz des pâquerettes et ce n'est pas leur faire injure que de le dire !

Le pays a pourtant, de quoi se sauver s'il renonce à ces grotesques luttes intestines.

Ah, si tous les gens de type Ahmed Benbitour, Mouloud Hamrouche, Soufiane Djillali et des personnalités comme Mokrane Aït-Larbi et tant d'autres qui ne sont pas éloignées autant qu'elles le croient, décidaient d'unir leurs efforts, pour un temps, pour le pays ?

Bref ! Arrêtons de fantasmer, car pendant ce temps-là, élections présidentielles oblige, les petites piques à l'endroit des adversaires, de même que les témoignages d'anciens ministres transfuges du pouvoir, soutiens de la dernière heure affluent, et choquent, en même temps l'opinion, sidérée de tant de retournements de vestes et d'attitudes à la limite de la " trahison ".

Que dire aussi de toutes ces lettres, codées, émanant d'un ancien président, d'anciens chefs de gouvernement et même de généraux en retraite, qui font jaser, qui interpellent mais qui ne font pas avancer pour autant, le schmilblick et ne retardent pas, pour autant, le processus électoral.

La campagne électorale vit ses dernières heures et tous les moyens sont mis en œuvre par les candidats et leurs soutiens pour attirer les sympathisants ou les retourner, c'est selon. Et la presse et de manière générale les médias lourds ne sont pas en reste dans cette course, pour forger l'opinion et l'inciter, pour le moins, à aller voter le 17 avril prochain, car il s'agit, ne l'oublions pas, d'un devoir civique et d'élections majeures. Il s'agit, surtout, de choisir le président de la République.

En théorie, tout porte à croire que la démocratie qui a mis plus d'un siècle pour s'ancrer en Europe, commence à s'installer, confortablement, dans les habitudes de l'algérien, même si ce n'est pas l'avis des boycotteurs et les opposants au 4ème mandat.

Il n'empêche que plus le temps passe, plus le processus démocratique conquiert du terrain et l'esprit, même si en politique, la vision selon laquelle " qui sème le vent récolte la tempête " reste de vigueur ; attention à ne pas enfreindre les lignes rouges, les atrocités vécues par certains pays arabes et maghrébins devraient nous instruire. Pas de remake de Béjaïa ! Les lignes rouges sont là, et puis l'armée républicaine veille au grain. Elle veille sur la démocratie chèrement acquise grâce à certains gamins qui ont décidé de " chahuter " un certain 5 octobre 1988. Venus de Bab-El-Oued, et d'autres quartiers populaires d'Alger et d'ailleurs, ils ont restitué la parole au peuple pour qu'il puisse dicter son choix ; et nul n'a le droit de la confisquer !

Est-il besoin de rappeler, par ailleurs, qu'une élection politique est un pacte entre le corps électoral et le candidat qui, s'il est élu, deviendra son représentant; pacte, dit-on, originaire du latin " pactum " qui veut dire accord entre les partis, scellé dans des conditions de confiance et de respect ; à savoir, l'exact contraire d'un compromis immoral ou dangereux par lequel on cherche à parvenir à ses fins.

Certains candidats, malgré le fait qu'ils n'ont pas réussi jusqu'à présent à convaincre l'électorat crieront à la fraude et au scandale quand viendrait le moment de proclamation du résultat.

Ceux-ci ignorent, sans doute, que faire une campagne électorale, c'est aussi raconter une histoire de telle sorte que l'enfant (l'électeur), qui sommeille croit que le narrateur (candidat, par ailleurs), est le seul héros crédible de l'histoire. Réussir cela, c'est se donner forte chance de succès.

Rarement en politique et à fortiori lors d'élections, les plaintes et les complaintes, le louvoiement, les menaces ont produit des résultats tangibles et durables.

Même en politique, les chiens ne font pas des chats, comme on dit.

La vérité des urnes, quand on se prétend démocrates, transparents, fairplay, ne doit faire rougir les yeux d'aucun candidat qui rêve de devenir, ou rester un homme d'Etat.

L'homme d'Etat c'est celui qui, en toutes circonstances, domine ses sentiments et surtout ses pulsions de vengeance destructrice.

Le compte à rebours a commencé, le 17 avril approche à grands pas et le monde nous observe.

Il est grand temps que les élites de ce pays arrêtent de pointer un doigt accusateur ; qu'ils arrêtent de manipuler et, à leur tour, se faire manipuler. L'intérêt du pays doit être hissé au-dessus des préoccupations partisanes d'individus, souvent en rupture de ban avec le vrai peuple pour qui, ils prétendent agir, aux noms de Benboulaïd et Benmhidi.

Les urnes rendront leur verdict au soir du 17 avril 2014, dictant la voie légitime et souveraine du peuple algérien. La tradition républicaine et le respect de la volonté du peuple commanderont de féliciter celui qui a su emporter sa décision et la rue devra être laissée à sa vocation originelle.

Et qu'on se le tienne pour dit, l'échec à l'élection, n'est pas l'échec de l'élection !