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Quand le futur agricole reste à construire !

par Abdelkader Khelil *

Dans sa position d'observateur averti et exigeant, tout expert soucieux des intérêts de son pays se doit d'investir un regard de veille et d'alerte sur les menaces et dérives que portent en elles certaines pratiques usitées au nom du développement national. Il s'inscrit de la sorte à contre, courant de l'attitude passive du laisser-faire qui équivaut à une forme de non assistance à une nation en danger. C'est cette démission face au péril que nos enfants ne manqueront pas de nous le reprocher un jour, si on persiste à nous taire.

C'est donc par rapport à l'obligation de devoir de restitution d'une dette due à ce pays qui nous a tout donné, que tous mes écrits ont été conçus dans cette ligne directrice en suggérant chaque fois que possible, sur la base d'une expérience acquise, les voies et les moyens qui me paraissent les mieux appropriés pour la mobilisation du formidable potentiel de ressources et d'opportunités dont nous disposons. Dans cet article, je me propose de faire un zoom sur l'agriculture, ce secteur déterminant pour notre sécurité alimentaire qui restera sans aucun doute, une de nos préoccupations majeures pour les années à venir et tout particulièrement, pour les générations futures menacées dans leur existence par le spectre de la famine dans la mesure où elles seront appelées à vivre dans un contexte de plus en plus marqué par l'amenuisement des ressources et par le réchauffement climatique, dans cette ère fatidique de l'après pétrole.

DE L'AGRICULTURE D'ANTAN À CELLE DU RENOUVEAU RURAL !

En faisant une brève rétrospective, l'on s'aperçoit que l'agriculture jadis prospère, était caractérisée par la richesse de la diversité des produits de marque des terroirs, comme l'olive sigoise, l'orange de Mohammedia et de Boufarik, l'artichaut de Sig et de Relizane, la cerise de Oued Chouly, de Miliana et de Kabylie, les vignobles d'appellation d'origine garantie des coteaux de Mascara, du Dahra, de Médéa, des monts de Tlemcen, du Tessala et de Ain-Bessem, la fraise de Jijel et de Skikda, les variétés locales de blé dur : Mohamed Belbachir, Blidi 17, Oued Zenati, la viande ovine de Ouled Djellal à haute valeur organoleptique, la datte Deglet nour de Tolga, cette reine des reines, et bien d'autres produits de qualité supérieure. Cette agriculture était portée par la richesse des traditions et des savoirs-faires communautaires. En ce temps des cafés et des autobus à moitié vides, des champs en pleines activités, celles qui s'étalent de l'aube jusqu'au moment crépusculaire : « ce reste de jour dont s'éclaire la dernière heure du travail » comme disait Victor HUG0, le labeur était assimilé par notre paysannerie à une forme de prière et relevait par conséquent, du domaine du sacré. Chez ces gros bras d'antan aux mains calleuses, telles celles des mineurs mis en scène par Emile ZOLA, dans « Germinal », la sollicitation de l'Etat pour l'effacement des dettes et autres avantages, par organisation de masse interposée à la veille de chaque rendez-vous électoral, n'aurait jamais été envisageable ! Chez ces gens honnêtes, habitués à vivre du suintement de la sueur de leurs fronts, parce qu'élevés dans l'esprit «d'el-quanaa » du minimum vital, la dignité n'était pas négociable, même si leurs conditions étaient des plus misérables. Il est bien regrettable que cette prédisposition mentale, de même que tous les atouts pour fonder un développement agricole durable, n'ont pu être mis à profit, à défaut d'une vision prospective convenablement élaborée et de l'absence d'institutions capables de porter le rêve d'une Algérie agricole prospère. Cela trouve son explication dans le fait, que le projet de modernisation du monde rural a été conçu et mené à la hussarde contre la tradition, sacrifiant ainsi l'énorme potentiel d'habitudes de travail, de normes sociales, de valeurs, de produits et de marchés, y compris à l'exportation. Par indigence culturelle et par entêtement, tout a été fait comme si la modernité n'est pas justement la réappropriation critique de la tradition dans un continuum historique où le nouveau est toujours porté par l'ancien, comme le soulignait si bien l'Emir Abdelkader, en dialogue avec les élites de l'Occident. Oui ! Il faut croire que le temps a donné raison à Kaïd Ahmed qui a été le premier à attirer l'attention sur l'inadaptation de la réforme agraire au contexte de la société rurale des années 70, même si cela lui a valu la déchéance, la disgrâce et l'exil ! Repose en paix Commandent Slimane, toi le fils valeureux de ce terroir nourricier du Sersou, cet épicentre de la céréaliculture algérienne qui t'était familier et qui ne demande pourtant, qu'une conduite savante des itinéraires techniques, pour extérioriser au mieux ses potentialités. Quelle injustice pratiquée à l'encontre d'un authentique homme d'Etat, excellent visionnaire qui a su dire se qu'il fallait, à un moment où il n'était pas recommandé de s'inscrire dans la contradiction de la voix officielle de l'autoritarisme et de l'unanimisme ! Oui ! Si nous sommes aujourd'hui dépendants de l'extérieur dans de larges proportions pour la couverture de nos besoins en denrées alimentaires, c'est que notre pays a connu l'hécatombe la plus meurtrière des métiers et des savoirs-faires agricoles. Les déracinements successifs qu'a connu le monde rural dans le long glissement de son histoire vers le tragique, expliquent pour beaucoup, cette phénoménale destruction écologique des milieux ruraux avec son lot de mutilation de la terre et de l'habitat. La conséquence en est, la déprise agricole aujourd'hui perceptible dans nos campagnes dévitalisées, malgré la mise en scène administrative, tambour battant et à forte sonorité, d'une « politique dite de renouveau rural » qui est loin d'atteindre son objectif de repeuplement, malgré l'effort colossal consenti par l'Etat en direction des zones rurales, en termes d'équipements de première nécessité, de maillage énergétique, d'habitat, de développement humain et de subventions accordées à tous les porteurs de projets agricoles, sans se soucier de leurs qualifications. Quand l'Etat agit selon sa propre initiative dans la pure tradition du dirigisme, sans s'assurer de l'implication effective des principaux concernés, quant à leur engagement sur un éventuel retour, il est bien évident que des milliers de microprojets engagés sont restés à impact tout à fait limité, puisque n'ayant pas favorisé durablement la stabilisation des populations rurales. En réalité, l'Etat animé d'une bonne volonté au départ de cette opération d'envergure, a été quelque peu grugé par les réseaux qu'à su tisser une bonne partie de notre paysannerie pour bénéficier de ses aides et de ses soutiens, sans contrepartie productive. Mais est-elle à plaindre pour autant quand la tendance générale consiste à dire : que tant qu'il y a quelque chose de gratuit à prendre, il faut le faire son état d'âme ? Alors on développe toutes les astuces pour émarger à l'habitat social en s'octroyant une « résidence » à la lisière des grandes agglomérations ceinturées par les bidonvilles, et à l'habitat rural, de par son appartenance au clan de cet élu qui veille aux intérêts de ses proches, qu'il invite à l'occasion pour marquer leur présence chaque fois qu'un programme à répartir est notifié à sa commune, et sans que l'administration locale ne s'en inquiète ! Tout porte à croire qu'on s'ait donné le mot pour dépecer l'Etat, sans honte bue ! Oui ! C'est cela la société agraire d'aujourd'hui du « dâam arifi » qui a perdu tout le sens de la morale, puisque pratiquant dans de larges proportions, la ruse et la triche, en gardant un pied dans la ville et l'autre dans la campagne, comme pour maintenir une position de veille, afin de ratisser large, sur les bienfaits de l'Etat providence ! C'est ainsi, que des milliers d'hectares d'arbres fruitiers acquis gratuitement, plantés sans respect des normes agronomiques et ne bénéficiant d'aucun soin, ne sauraient produire un jour, des fruits qu'en quantités limitées et de mauvaise qualité marchande ! De même, l'habitat rural a pris la forme du résidentiel, dans la mesure où l'on ne retourne à la campagne que pour la « Ouada » du saint patron de la communauté, pour l'enterrement d'un proche, pour la cueillette des olives, ou pour des moissons aléatoires pour lesquelles l'on n'a consenti que très peu d'effort au moment des semailles, exécutées cette fois-ci, dans la précipitation par crainte de rater le transport rural qui mène au bourg, ou la paysannerie nouvelle du « vice-versa » a élu domicile. Peut-on penser sérieusement que dans cette ambiance délétère nous soyons en mesure un jour, d'assurer correctement notre sécurité alimentaire ? Alors forcément, il faut le dire sans équivoque et à haute et intelligible voix, afin qu'on soit définitivement entendu : il y a péril en la demeure, n'en déplaise à ceux qui observent la société à partir de leurs tours d'ivoire par intermédiation administrative, forcément subjective dans son évaluation bilancielle, toujours en décalage avec la réalité du terrain ! Il n'y a donc point de gloire à cacher la vérité, dans la mesure où il s'agit plus de servir loyalement son pays que de plaire à sa tutelle, au risque de mentir ! C'est cela le sens du devoir et de l'abnégation ! Ce n'est rien d'autre, que cette honnêteté dont devront faire preuve les commis de l'Etat, s'ils veulent dormir tranquille, sans avoir honte d'avoir contribué à une déroute !

LES INDICATEURS D'UNE AGRICULTURE EN DÉCLIN !

Avec un ratio de 0.24 hectare de terre agricole par habitant, la couverture de nos besoins en céréales n'est que de 30% , alors qu'avec un ratio presque identique (0.28) le Maroc arrive à un taux de 59%, faisant également mieux que la Tunisie, qui avec un ratio de 0.48 ne couvre que 50% de ses besoins. Si dans ces trois pays du Maghreb, les rendements restent relativement faibles (10 à 15 quintaux à l'hectare), l'Egypte qui pratique l'irrigation à partir du Nil, arrive à produire à hauteur de 65 quintaux à l'hectare, c'est à dire au même niveau que les pays développés. C'est pourquoi, avec le ratio le plus faible du Monde Arabe, soit 0.03 hectare par habitant, ce pays arrive quand même à couvrir à hauteur de 50%, ses besoins en céréales. Pour ce qui nous concerne, la dépendance alimentaire ne se limite malheureusement pas, qu'aux céréales (70%). Elle se situe également à des niveaux alarmants pour des produits de première nécessité, tels : le sucre (100%), l'huile (95%), les viandes blanches (90%), les légumes secs (85%) et le lait (57%). C'est ainsi, que nos importations ont atteint prés de 9 Milliards $ en 2012, alors qu'elles n'étaient que de un milliard $ en 1970, de 2 Milliards $ dans les années 80, de 2,5 Milliards $ dans les années 90, de 3 Milliards $ en 2005. N'est-ce pas que ces chiffres éloquents soulignent l'échec de la politique agricole menée depuis quatre décennies ? A partir de là, n'étant pas en droit de s'interroger sur l'investissement colossal accordé au secteur de l'agriculture, particulièrement depuis l'année 2000, et sur la pertinence de l'effacement des dettes des agriculteurs ? Il m'attriste de dire que l'Algérie a réussi ce tour de force d'être à la fois le pays africain où les ressources sont parmi les plus importantes, mais aussi, l'un des 10 principaux importateurs de denrées alimentaires à l'échelle mondiale et le premier au niveau continental.

D'aucuns nous diront, que tant que notre pays dispose de réserves de changes, on est à l'abri de difficultés alimentaires ! Rien n'est moins sûr ! Dans le monde d'aujourd'hui, marqué par des aléas de diverses natures et des incertitudes qui pèsent sur le devenir de l'humanité toute entière, nous n'avons aucune assurance quant à la pérennité d'une aisance financière et quant à l'accessibilité aux marchés extérieurs. Quand bien même on serait riches, avons-nous pour autant, cette certitude de pouvoir accéder aux stocks en denrées alimentaires des pays occidentaux, lorsque ceux-ci auront défini les règles et les formes, selon des critères d'alignement, de soumission ou d'appartenance à une quelconque idéologie ? Comment dans ce cas, pourrions-nous préserver notre « S.M.I.G. dignité » et notre souveraineté, d'autant plus qu'on risque de passer d'un ratio de 0.24 à 0.13 en 2025, sous la pression de l'érosion, de l'urbanisation et de la désertification ?

LA FORMATION AU COEUR DU DÉFI DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE !

L'analyse des résultats du recensement général de l'agriculture établi en 2002, a fait ressortir qu'avec 65% de chefs d'exploitations sans instruction, 1% de niveau de formation supérieur et à peine 2,7% de chefs d'exploitations disposant d'une formation agricole, l'encadrement technique constitue aujourd'hui, le maillon faible de l'agriculture algérienne. Ceci est d'autant plus vrai, que plus de 36% des chefs d'exploitations ont plus de 60 ans. Ils auraient aujourd'hui 70 ans ! De cette étude, il ressort qu'il faille former à partir de la population des jeunes ne disposant pas d'instruction et de niveau primaire, près de 127.000 ouvriers à spécialiser dans les travaux agricoles. Il faut également envisager la formation de près de 73.000 techniciens, dans les filières des productions animales et végétales, du machinisme agricole, du génie rural, de l'irrigation et de la protection des végétaux. De même, le recyclage de plus de 6.000 ingénieurs, en réalité des diplômés de l'enseignement supérieur ne disposant pas de savoir faire pratique, est à envisager sérieusement. C'est là, l'atout maître pour une agriculture à la recherche des éléments de sa modernité. C'est à ces milliers de jeunes diplômés, une fois mis à niveau, que doit être offerte, une opportunité dans la création de petites entreprises de travaux agricoles, de mécanisation, de production de plants et semences, de transformation et de conditionnement, ainsi que, la création de laboratoires d'analyse, de bureaux d'études conseil et d'expertise. Convenablement formés, ses jeunes entrepreneurs sont à considérer comme les pionniers de l'agriculture moderne, axée principalement sur les exploitations de taille moyenne et comme éléments dynamiques d'encadrement des petites exploitations familiales. De même, la formation de techniciens, éléments d'optimisation des facteurs de production, est source de gain de productivité. A titre d'exemple, une moissonneuse batteuse convenablement réglée, pourrait réduire considérablement les pertes aux champs estimées à 25% au moment de la récole, avec un taux acceptable de 10%, soit un gain de l'ordre de 4 Millions de quintaux. Cela renvoie à la question fondamentale de la réhabilitation des écoles d'agriculture, ou de l'ouverture de lycées agricoles, garants de l'emploi des jeunes non motivés pour les études supérieures et surtout, à la formation des formateurs au sein des pays du circum méditerranéen qui placent la formation de l'homme, au cœur du défi de leurs agricultures. C'est là une urgence et une voie de réussite par laquelle sont passés, tous les pays à agriculture prospère. Alors, sommes-nous devenus si insensibles à ces évidences !

LA RÉDUCTION DE NOTRE DÉPENDANCE ALIMENTAIRE EST-ELLE POSSIBLE !

Si l'on considère que nos besoins en fruits et légumes, en pomme de terre, en tomate industrielle et en viandes rouges sont correctement couverts, que pour le sucre, le thé et le café, notre dépendance à 100% continuera à l'être, dès lors que ces cultures ne sont pas pratiquées chez nous, au même titre d'ailleurs que pour les oléagineux, l'on doit porter nos efforts sur les céréales, les légumes secs et le lait pour lesquels notre dépendance est respectivement de 70%, 85% et 58%. Pour ce qui concerne les céréales, l'on devrait être capable de réaliser quelques progrès, pour peu que l'on considère que la question alimentaire relève d'un choix stratégique et d'une réelle volonté collective. Ceci pour dire, qu'avec l'effort colossal déployé en matière de réalisation d'infrastructures hydrauliques, un appoint obligatoire d'irrigation doit être apporté de façon prioritaire, aux espaces céréaliers du Sersou, du Titteri, du Hodna, du Constantinois et de Guelma, tout en cherchant sa généralisation progressive à d'autres terroirs. Au chapitre de l'irrigation, la dernière position revient à l'Algérie avec 5.000 m3 à l'hectare. Cette dotation est trop faible par comparaison à celles des autres pays arabes, classés par catégories, comme suit : Lybie, Qatar, Yémen, Tunisie, Syrie, Jordanie, Liban, Maroc (9.000 m3) ; Arabie Saoudite (10.000 m3) ; Irak, Emirats, Koweit et Egypte (15.000 m3) ; Oman et Bahrein (20.000 m3). Conjuguée aux différents itinéraires techniques, l'appoint d'irrigation devrait améliorer les rendements et réduire de la sorte, notre dépendance en céréales. Cette opération convenablement encadrée et soutenue par l'Etat est à orienter de façon prioritaire sur les exploitations agricoles de 10 à 50 Ha qui disposent de 50% de la surface agricole utile et sur celles de plus de 50 Ha qui détiennent 23% de la S.A.U. C'est à ces deux niveaux, que peut-être pratiquée une agriculture moderne, qui devrait couvrir plus de 50% de nos besoins, sur la base d'un rendement moyen de 50 à 60 quintaux à l'hectare, à l'irrigué. Si par ailleurs l'on considère que chez la petite paysannerie (0,1 à 10 Ha) qui disposent de 25% de la S.A.U, le niveau de rendement n'aura pas évolué (10 à 12 quintaux à l'hectare) en raison de l'archaïsme des pratiques agricoles, l'on doit admettre que sa part dans la couverture de nos besoins, ne soit que de 20%, autrement dit celle de ses propres besoins. C'est là, un des objectifs à fixer aux responsables de l'agriculture et à tous leurs partenaires, dans la mesure où cette question de survie reste non négociable et nécessite un engagement de la part de ceux qu'on aura choisi pour la résoudre. On doit donc finir avec l'époque du « chèque à blanc », à tous les niveaux de responsabilité. L'heure est à la performance et à la compétence. L'Algérie fragilisée dans son existence, ne saurait supporter d'avantage les effets collatéraux, des mauvais choix faits en son nom. Au chapitre de l'utilisation optimale du potentiel agricole, la résorption de la jachère évaluée à plus de 3 millions d'hectares, est aussi, de nature à réduire notre dépendance en légumes secs et à accroître nos capacités fourragères en vue de la promotion de l'élevage bovin et de la production laitière, aujourd'hui objet du scandaleux problème de déperdition de quantités énormes de lait, par défaut d'une politique efficience de ramassage de ce produit de première nécessité. De même, la forte dépendance en alimentation des petits élevages évaluée à 90%, suggère le développement des cultures industrielles dans les régions du Sud à fortes potentialités hydriques, et la recherche de nouvelles formules d'aliments, basées sur l'incorporation la plus large possible de sous- produits, riches en acides aminés. Il y a là, matière à développement d'une authentique industrie, basée cette fois-ci, sur le principe de l'intégration la plus large possible des produits locaux. Si malgré tous les efforts de convergence et de synergie, conjugués à la mise en œuvre d'une ingénierie appropriée autour des productions stratégiques l'on n'est pas en mesure de couvrir totalement nos besoins, l'on doit se fixer comme autre objectif, la compensation du manque à gagner sur la facture alimentaire, par l'exportation de certains produits agricoles de haute qualité. Dans ce système de balance alimentaire, notre pays a en ses alliés que sont le soleil et la spécificité de ses terroirs, deux atouts majeurs dont il peut se prévaloir, en tant qu'espace de productions agricoles labellisées.

INVESTIR LA VOIE DE L'AGRICULTURE INTELLIGENTE !

Le défi de la décennie à venir est sans aucun doute, celui de l'intensification durable des systèmes de productions agricoles. Il s'agit de produire plus et mieux en améliorant la productivité. Tout en accordant une attention particulière à la ressource en sol déjà très limitée, il faut dire, que c'est surtout de savoir-faire dont a besoin le secteur agricole. A ce titre, il importe de dire, que les structures de recherche sont restées totalement coupées de la réalité des espaces agricoles, qui vivotent au rythme de pratiques d'une paysannerie vieillissante. L'ancrage de notre agriculture dans la voie de la prospérité, suppose que les exploitations, entreprises agricoles de demain, doivent être au cœur des enjeux scientifiques, techniques, économiques et managériaux. Il s'agit, à partir d'une meilleure efficience organisationnelle, de créer autour de l'action proprement agricole, les solidarités capables de fiabiliser scientifiquement les options, d'assurer à la paysannerie l'accès aux techniques modernes et d'appuyer le progrès rural par tous les accompagnements qui lui sont indispensables. Cette manière efficiente de concevoir le développement agricole et rural est celle de l'esprit agropole. J'ai eu à traiter cette question dans un de mes articles (Quotidien d'Oran du 3 juin 2010) pour qu'il soit nécessaire de revenir dans le détail. Je voudrais tout simplement rappeler, qu'il s'agit d'une technopole spécialisée en agriculture. Organisée sur un même lieu, l'agropole doit réunir toutes les conditions pour créer, développer et implantée des projets agroalimentaires. Elle doit disposer de laboratoires d'analyses physico-chimiques, de protection des végétaux, de protection vétéri naire, d'un centre de formation en management disposant d'une salle de conférences et d'internet haut débit, ainsi que d'une plateforme aménagée d'une centaine d'hectares destinée à l'accueil d'unités agroalimentaires. C'est dans cette voie que ceux sont inscrits bien des pays comme le Maroc, qui envisage la mise en place de (6) agropoles d'ici 2015 (Meknés, l'Oriental, Tadla, Souss, Haouz, Gharb), la Tunisie (Bizerte), le Liban, le Cameroun (Sirdjam, Ouro-Dole et Faro), pour ne citer que ces pays. Et dire qu'en 1995, j'ai eu à encadrer une concertation soutenue à l'échelle régionale, autour de la création de l'agropole de Mascara, fortement sollicité au niveau régional. Ce projet à localiser à Mohammedia, en hommage à cette station de recherche « ferme blanche », dont les travaux ont fait contagion en Californie, présente l'avantage de l'équidistance de Mascara son chef lieu de Wilaya, de Mostaganem et de Relizane, tout en étant traversée par l'autoroute. Tout au long de cet axe structurant qui traverse les terres agricoles les plus fertiles, d'Ouest en Est, d'autres agropoles peuvent être créés. L'autoroute Est pourrait alors, si la volonté des hommes est au rendez-vous, prend un jour, l'appellation de l'autoroute de la richesse et de la prospérité agricole !

* Professeur