Les lecteurs des journaux algériens meurent d'ennui.
C'est ce qu'a écrit, hier, sur son blog, un vieux militant du PAGS qui scanne
chaque matin la presse nationale. Un exercice fort usant car au fond, le
système est tellement immobile que les journalistes en arrivent, avec les
variantes d'usage, à réécrire jusqu'à l'ennui le même papier. Comme dans les
années du parti unique «officiel», on choisit de «s'exiler» dans
l'internationale pour suivre, commenter ou analyser une actualité qui bouge et
où des surprises viennent perturber le cours des choses. Sous le parti unique
«officiel», on s'occupait de l'internationale par refus d'écrire des articles
présumés «politiques» qui consistaient en général à faire le «pointage» des
activités des responsables officiels : des hommes, le plus souvent, assis,
presque toujours, sentencieux, tout le temps. On plaignait ceux qui étaient de
«corvée» et qui devaient «payer» parfois par des sanctions le fait d'avoir
oublié de mentionner qu'untel était membre suppléant du comité central?
L'inter, c'était comme entrer dans un roman à rebondissements? Et certains
s'offraient même ? et offraient aux lecteurs qui s'ennuyaient ? la possibilité
de vivre, par procuration, la vie politique d'autres pays. Aujourd'hui, même
une sortie présumée singulière du secrétaire général du FLN sur la présumée
volonté de Bouteflika de mettre fin à «l'Etat DRS» ne provoque pas l'émoi.
L'ersatz de vie politique imposé aux Algériens depuis deux décennies a atteint
ses limites. Même ceux dont la profession est de faire de la politique sont
lassés et ne veulent pas jouer les animateurs d'une scène rendue aride par le
pouvoir dans tous ses compartiments. Tout au plus certains persiflent, en off,
sur le fait qu'un dirigeant du FLN découvre, subitement, fin 2013, que le DRS
fait les rois. On est dans le cocasse et les journalistes «politiques» sont
fatigués de décoder et d'interpréter. Ils ne s'intéressent même pas de savoir
si c'est vraiment Bouteflika qui a dit à Saïdani de «dire» ou si c'est le DRS
qui a instruit Saïdani de faire savoir que «Khatina», «nous n'y sommes pour
rien». Il y a longtemps qu'on a cessé de voir de la sophistication politique
dans l'immobilisme du régime. C'est si peu enthousiasmant qu'il est préférable
de le laisser à son monologue ? que le FLN parle de la présidence et du DRS,
cela n'en reste pas moins un monologue ? et de ne pas perturber la «plénitude»
politique très nord-coréenne qui règne. Oui, il vaut mieux s'occuper de
l'internationale. Parler de la vie publique en Tunisie a du sens. C'est une
transition qui se fait dans la difficulté. Elle a des chances de réussir malgré
des intérêts antagoniques et la résurgence, sur fond de contraintes
économiques, du risque policier. On peut s'intéresser, aussi, aux grandes
oreilles américaines qui traitent tout le monde ? même les «amis» et les
«vassaux» - en cible. On écoute Mme Angela Merkel comme on écoute Aymen Al
Dhawahiry, l'Empire est ainsi fait. Et le journaliste a, en effet, du grain à
moudre, en constatant avec quelle mollesse ces dirigeants de grands pays
réagissent aux écoutes de «l'Oncle Sam». On peut même persifler en constatant
qu'ils en veulent au fond davantage à Snowden qu'à Obama. Les journalistes
algériens, comme les lecteurs de journaux, trouvent dans cette «internationale»
qui «bouge» des choses infiniment plus intéressantes à lire que les fausses
témérités de M. Amar Saïdani. On les comprend ! Qui peut ne pas les comprendre
?