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Une semaine cruciale pour le conflit syrien

par Kharroubi Habib

L'émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie a entamé samedi en Egypte une tournée régionale pour préparer la conférence internationale de Genève II prévue selon la Ligue arabe le 23 novembre. Il doit se rendre ensuite au Qatar et en Turquie qui soutiennent l'opposition au régime de Bachar El-Assad, en Iran allié régional de ce régime, puis en Syrie avant de s'envoler pour Genève où il rencontrera des représentants russes et américains dont les pays sont les « parrains » du projet de conférence.

Contrairement au secrétaire général de la Ligue arabe Nabil Al-Arabi pour qui la date définitive de la conférence semble avoir été officiellement actée pour le 23 novembre, Lakhdar Brahimi s'est montré moins catégorique en faisant savoir que s'il y a eu un « accord afin que Genève II soit organisé en novembre, la date n'a pas encore été arrêtée ». C'est précisément pour tenter de surmonter les difficultés qui empêchent la fixation d'une date irrévocable à la conférence que Brahimi a entrepris son périple moyen-oriental. Ce n'est pas un hasard si l'émissaire international pour la Syrie accomplit son périple au moment où deux rencontres cruciales ayant la crise syrienne pour débat ont été programmées. L'une convoquée à Londres regroupera les « amis de la Syrie » qui officiellement vont tenter de convaincre l'opposition syrienne de participer à Genève II et l'autre à Istanbul où les composantes de cette opposition vont essayer de s'entendre sur une position commune vis-à-vis de Genève II.

La gageure diplomatique durant son périple moyen-oriental consiste à convaincre les alliés régionaux des protagonistes syriens du conflit à user de leur influence sur leurs protégés respectifs pour qu'ils acceptent de s'asseoir à la table des négociations. Bizarrement Brahimi n'a pas inclus Ryadh dans son carnet de visite alors que l'Arabie Saoudite est le véritable « mentor » des segments de l'opposition syrienne qui rejettent le principe même d'un dialogue avec le régime de Damas. Or c'est Ryadh qui alimente et entretient les divergences et discorde au sein de l'opposition syrienne sur la question de sa participation à Genève II. Est-ce à dire que Brahimi a fait l'impasse sur une escale saoudienne parce qu'il aurait déjà obtenu l'assurance de Ryadh qu'elle interviendra auprès de ses protégés pour qu'ils renoncent à leur rejet de la participation ? Ou alors est-il convaincu par avance que l'Arabe Saoudite est irrémédiablement insensible aux arguments qu'il aurait pu lui faire valoir en vue de lui faire changer de position à l'égard de Genève II ?

C'est probablement le deuxième terme de l'interrogation qui est le plus plausible. Et dans ce cas l'on aura à constater un paradoxe : celui d'une monarchie saoudienne invitée à participer à la conférence et qui n'a pas décliné l'invitation mais qui œuvre à rendre impossible la convocation de cette conférence en persistant à entretenir son rejet par ses protégés. Cette ambiguïté saoudienne fait planer l'incertitude sur la tenue de Genève II. Ce que Lakhdar Brahimi n'a pas caché en affirmant que la conférence internationale « ne se tiendra pas sans une opposition crédible représentant une importante partie du peuple syrien opposé ». Peut-être alors que l'émissaire international a laissé aux Etats-Unis protecteur de cette monarchie le soin d'entreprendre Ryadh pour l'emmener à intervenir auprès de ses « ouailles » syriennes en faveur de la participation.

Enfin, bien que sa participation à la conférence ait été refusée par l'opposition et certains pays occidentaux dont la France et les Etats-Unis, l'Iran accueillera Lakhdar Brahimi, signe que ses dirigeants veulent contribuer positivement à la tenue de la conférence de Genève. Ce dont ils ont donné une preuve en poussant Bachar El-Assad à en accepter le principe. Répétons-le encore une fois, le sort du projet de conférence internationale sur le conflit syrien est suspendu aux décisions qui se prendront aux réunions de Londres et d'Istanbul dont les participants sont l'opposition et ses alliés régionaux et occidentaux et de la façon dont John Kerry défendra auprès d'eux l'initiative russo-américaine.