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Nous avons tous nos 11 septembre

par El Yazid Dib

Le monde va bouger encore une fois. La guerre a un unique domicile. Une seule enseigne : les musulmans. Une seule adresse : les arabes.

Lundi 9 septembre le congrès américain, en ouverture de sa session parlementaire va ou non entériner la décision d'un Obama en quête de notoriété à l'effet d'assurer une frappe " déterminée " contre la Syrie. Rejeté par le conseil de sécurité, du fait du veto sino-russe, le feu vert est à obtenir ailleurs que dans le droit international. Obama, syrophobe se repli sur son parti pour faire une sale besogne à des milliers de kilomètres. Deux jours après, ce sera ce fameux 11 septembre. Une aubaine de pouvoir prendre revanche et rassurer une frange encore insatisfaite de représailles.

Contre qui va être menée cette énième guerre ? Dans quel champ de bataille va-t-elle être entreprise ? Eh oui, les autres vont la suivre par écran interposé, au moment où tous les autres mourront ou feront mourir les leurs. L'ingéniosité occidentale a fait que dorénavant les guerres qui subséquemment alimentent les budgets de ses Etats doivent se maintenir loin de leurs résidences. L'endroit est tout désigné. Chez les autres, les arabes et les musulmans. Depuis le Vietnam et quelques escarmouches en Amérique latine ou en ex-Yougoslavie ; toutes les guerres se sont transportées envers ce monde qui invoque une religion qui a défié jusqu'à battre le communisme. Considérée comme une menace, cette 'philosophie du djihad' devait - pensaient les néo-cons- servir à une automutilation à grande échelle. Apres l'Afghanistan, l'Irak, la Tunisie, la Lybie, l'Egypte c'est au tour d'une Syrie debout malgré presque 3 années d'auto-tueries de voir son arsenal et ses capacités de défense mises à terre. A ce jour, quelle est la fierté, comme Etat fort du monde arabe ? Rien.

Ebranlé par la contre-terreur que pouvait provoquer la riposte aux attentats, ce monde était bien longtemps prêt à changer de mode, de style de conduite des affaires internationales. L'ONU n'est plus une société des nations où la paix, en lettres d'or, pavoisait le fronton officiel de chaque pays membre. La théorie universelle des grands équilibres mondiaux ne ramène plus de dividendes expansionnistes en termes d'hégémonie. Le système dominant reste la domination tout court. Le concept capitaliste de l'Etat gendarme passe pour une tentative réelle d'imposer la notion au plan international. La nation " gendarme " du monde qui était, il y a une décennie en phase d'évolution est maintenant bien installée. Les organes d'exécution et la force de persuasion, outre qu'ils se confinent dans les résolutions d'un conseil d'insécurité, manipulent autrement la misère et la famine du reste du monde à travers les fonds, les dons et les institutions financières qui garrottent d'échéances en échéances l'indigence et la pauvreté des peuples moins élus à l'aisance que les autres.

Si le droit international puise ses principales sources des conventions expresses qui régissent les relations entres les Etats, l'ONU sensé fournir d'abord l'office logistique et documentaire d'enregistrement de ces protocoles d'accords, jouit également de l'existence d'autres organes chargés de veiller à la bonne application de ce qui a été convenu. Le conseil de sécurité passe pour être l'un des importants outils dans l'exécution des effets engendrés par l'obligation internationale en termes de convention. Au malheur de plusieurs entités ethniques, ce conseil ne dépend plus d'une organisation internationale beaucoup plus s'il est toujours, qu'il ne soit l'annexe de la politique extérieure rattachée à la maison blanche. Son rôle initial ; qu'était le maintien de la paix se transforme de jour en jour en une immixtion, ingérence et intervention musclée au nom d'un droit qui n'a pris forme qu'en vertu d'intérêts clairs et précis.

Le renouvellement d'engagement émanant de l'Union Européenne et de l'OTAN de se tenir au coté des Etats Unis d'Amériques dans la " lutte contre le terrorisme " va aussi à cette occasion d'agresser la Syrie tel un alignement sans conditions sur le canevas de " travail " à mener par le gendarme du monde à l'effet d'éradiquer le phénomène. C'est de cette manière que toute l'autre communauté internationale assiste bras liés et têtes croisées à la suprématie d'un pays, chantre des libertés, des droits de l'homme et de la libre entreprise et l'inefficacité ou l'inadéquation d'une organisation mondiale, nécessaire et dont l'ancêtre, la SDN ; pour d'autres raisons ou les mêmes ; fut décimée.

La médiation entre le besoin sécuritaire qui présente à tous les niveaux des risques d'instabilité et des menaces territoriales et le respect de souveraineté imprescriptible et égal à tous les Etats, ne devait point faire dans les deux poids (pays) deux mesures (résolutions). La soumission au pouvoir internationalisé à bon escient et légitimisé à contre sens historique, est subie plus par crainte que par adhésion au projet visant à éradiquer le terrorisme de la sphère terrestre. A une échelle réduite ou du moins en termes d'appréhension inquiétante ; le 11 septembre frappe quotidiennement à toutes les portes, sur les monts, les routes et ensanglante les douars et les dechras. Il dure chez nous depuis une vingtaine d'années. Ou était ce conseil de sécurité quand des algériens mourraient par centaines ? Qui a instauré la suspicion et semé le doute avant de jeter le discrédit sur nos forces de sécurité en charge de lutter contre le terrorisme, par cette foutaise de " qui tue qui? ". En ces jours, en Syrie l'interpellation de " qui gaze qui ?" n'est plus une question autant que les occidentaux désignent bel et bien le " régime ". Ainsi la question n'est plus à poser, c'est la réponse préétablie qui doit convaincre.

Le monde n'aurait pas élu exclusivement son nombril dans les tours jumelles, ou à la cour du Pentagone, il s'étend également à Herat, Kaboul, ou sur les monts de Bagdad et les écoles coraniques de Bassora .Il existe aussi ce monde, à Jenine, Naplouse et Bentalha. Damas, et Homs n'ont pas par ailleurs été épargnées. Les pleurs et les atrocités y commises n'ont pu transpercer le mutisme qui voilait le recours itératif à la charte des droits de l'homme et au respect des libertés. Quelle est justement cette liberté qui; silencieuse autorise le châtiment d'un peuple et le tourmente en l'exhortant par recommandations à s'astreindre au diktat, faux en forme et en fond; de l'exigence démocratique et du libéralisme économique ?

Ce qui se passe en Syrie, avait commencé dans l'air d'un printemps arabe pour finir dans une guerre improprement civile. Assad n'est pas un roi, mais presque un prince venu par effraction constitutionnelle et de nuit, violer la constitution. Celle-ci, alors ressemblait aux yeux de ses installateurs, comme un testament où l'héritage n'est qu'un pouvoir. En somme, c'est quoi la différence entre lui et les autres rois qui se succèdent ? Et si l'on fait faire un referendum, supposons-le en Arabie Saoudite sur la nature de l'autorité en demandant au peuple s'il veut la monarchie ou la démocratie ? Hors de question. C'est haram.     Le roi serait un représentant de Dieu sur terre. Telle est la conception faussaire dans la théorie générale liée à l'établissement divin des constitutions. Cet empire wahhabite qui trompe toute analyse sur sa manière de soutenir ou de vilipender un régime, nourrit bien des hégémonies régionales perverses. Le voilà aux cotés de Sissi et contre ses frères musulmans, le voilà en Syrie aux cotés d'Aqmi et ses corolaires et contre un fervent éradicateur des djihadistes. Alors on aimerait bien savoir qu'elle frontière trace-t-il entre les deux politiques ? quelle distinction fait-il entre Sissi et Assad ? Les deux sont des putschistes. Les deux sont des militaires. D'autant plus qu'à une précision convergente, le premier dit lutter pour la démocratie et à l'encontre de l'obscurantisme à outrance de l'Egypte, le second aussi. Drôle est ce roi de l'Arabie. S'il a pu arrêter une diplomatie européenne allant condamner Sissi, il l'exhorte à frapper la Syrie. Si l'on ne comprend pas bien ses tergiversations dans la gestion des conflits de la nation arabe on croit comprendre, si peu en est ; le besoin de leadership qui l'anime face à la résurrection ottomane d'un Erdogan plus arabe que les arabe et le réveil d'une Perse plus musulmane que les musulmans. Ce triangle dont les angles ne sont que Téhéran, Istanbul et Riyad veut fermer en son sein les autres composantes d'un islam politique, de massacre et de fitna. L'individu musulman n'y est qu'un atome libre volant au gré des fetwas, toutes contradictoires l'une à l'autre, d'un savant contrariant son collègue, d'un rite annihilant l'autre. S'il y a un unique Islam, il existe plusieurs islamismes.

Nous ne saurions dire ni vouloir transposer au plan universel la sentence du juriste Saint Thomas D'Aquin " reconnaissant le droit aux individus vivant sous (gouvernement illégal) de se rebeller car dans le cas contraire l'Etat de droit n'existe plus ". Mais se contenterions-nous d'affirmer que la douleur et le déchirement ont le même goût nulle part ; attristant, navrant et affligeant. Quel que soit le ciel ou la bannière sous lesquels, ils s'abattent ! Ce septembre, espèrent des populations entières, s'il était le commencement d'un nouveau monde, qu'il leur apporterait, par ce monde les délices d'une vie meilleure, ou de la maintenir au moins en état de?vie.

L'inquiétude et le péril que produisent la politique belliqueuse nord atlantique, contre la Syrie n'a pu favoriser contrairement en 1990, l 'engouement de la communauté internationale à certifier et authentifier globalement l'expérience étiquetée made in Irak. A l'époque l'on invoquait l'utilisation des ADM par Saddam. Mission après mission de l'AIE - gérée par un certain égyptien nobélisé qui sera plus tard un fuyard devant le redressement de son pays- l'invasion n'a pu déceler le moindre indice de ces ADM. La " tempête du désert " a servi de grands intérêts pétroliers, ébranlé une région qui n'a pas encore fini de se recomposer. L'embrasement maintenant avec ce va-t-on en guerre reste inévitable. La hargne et le spectre de la fausse grandeur du puissant mondial l'emportent sur le slogan du pays des libertés et des droits de l'homme. Cette guerre encore ferait dire aux adeptes de la paix que quelque part dans la maison de la protection et du maintien de la paix sise à Manhattan, les locataires ne partagent pas ou plus la même définition du terme. L'enjeu politique et l'intérêt énergétique sont le seul manuel des normes phonétiques, morphologiques et syntaxiques de ce monde. La grammaire du profit. L'acharnement à vouloir coûte que coûte terminer l'opération printanière arabe qui ne devrait à son origine épargner nul pays, y compris l'Algérie s'aiguise de jour en jour. Les tambours sont en constant éveil.