Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

LE PIRE EST A CRAINDRE

par M. Saadoune

Le président Mohamed Morsi est depuis son arrestation le 3 juillet dans des conditions humiliantes inaccessible aux membres de sa famille. Mme Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne, a pu le rencontrer avec l'aval des militaires qui l'ont destitué. Au-delà des nouvelles qu'elle a apportées aux siens et à ses partisans - «il va bien», «a accès aux informations» -, le pouvoir égyptien qui va jusqu'à poursuivre Morsi pour espionnage ne semble même pas se rendre compte de l'étrangeté de la situation.

 Même si on crédite Mme Ashton d'une mission de «médiation» ou de «facilitation», on ne voit pas pourquoi ces «hyper-nationalistes» qui ont destitué un président accusé d'espionnage laissent une ministre européenne le rencontrer. Ils ne cherchent pas une solution, ils pensent l'avoir déjà trouvée avec «l'aval» de la rue. La réponse est sans doute très prosaïque, Mme Ashton l'a exigé - cela fait bien dans le palmarès - et les militaires l'ont exaucé. Cet épisode est d'autant plus risible qu'avant de laisser El-Baradei causer tout seul aux journalistes, Mme Ashton a dit la chose la plus évidente qui soit : c'est aux Egyptiens de trouver la solution. Elémentaire, ma chère Ashton ! Ce n'est pas l'Europe qui l'apportera en tous les cas même si la chef de la diplomatie européenne s'offre un beau rôle.

 Les forces politiques égyptiennes qui ont apporté leur caution au renversement de M. Morsi ne sont déjà plus que des comparses en Egypte. Elles sont dépassées par le bras de fer, sanglant, qui oppose l'armée aux Frères musulmans. Le «mandat» demandé, dans la rue, par la général Sissi a été traduit, rapidement, par un carnage près de Rabia Al-Adawiya. Mais la «rue», aussi, suit les Frères musulmans dans ses appels au retour de la légitimité. Et ce ne sont pas seulement des islamistes qui campent au Caire et marchent dans le reste du pays. C'est, au moins, une moitié d'Egypte. Hier, ils ont fait une cérémonie d'enterrement symbolique des martyrs en égrenant la longue liste des victimes. Et ils sont aussi déterminés que leurs adversaires.

 L'EGYPTE ETAIT DANS UN BRAS DE FER POLITIQUE PROPRE AUX SITUATIONS DE CHANGEMENT DE REGIME, ELLE EST ENTREE DANS LE NOIR AVEC LA DESTITUTION DE MORSI QUI N'ETAIT PAS UN ACTE POLITIQUE MAIS UN ACTE MILITAIRE. SES CONSEQUENCES SONT TERRIBLES ET RIEN N'INCITE A L'OPTIMISME. DES IMAGES D'UNE REUNION OU DES MEMBRES DE LA COMMISSION MISE EN PLACE POUR REVISER LA CONSTITUTION DEVISAIENT SANS SAVOIR QUE LEURS PROPOS PASSAIENT EN DIRECT SUR UNE TELEVISION DONNENT VRAIMENT FROID DANS LE DOS. CES JURISTES, EMANATION D'UN SEUL COURANT ET DESIGNES APRES UN COUP DE FORCE, CONSIDERENT QU'ILS SONT L'EGYPTE. L'UN D'EUX EXPLIQUAIT BENOITEMENT QUE LE SANG QUI COULE FAIT PARTIE DES « NECESSITES DU CHANGEMENT» ET QU'IL FAUT EN FINIR, NON SEULEMENT AVEC LES FRERES MUSULMANS, MAIS EGALEMENT AVEC LES SALAFISTES DU PARTI NOUR QUI AVAIT SOUTENU LA FEUILLE DE ROUTE DES MILITAIRES. DES HOMMES ET DES FEMMES «CHICS» MAIS DANS UNE BULLE QUI NE CONNAISSENT PAS LA REALITE DE L'EGYPTE OU BIEN S'ILS LA CONNAISSENT LA DETESTENT HAUTAINEMENT. QUAND ON ENTEND CES GENS CHICS DEFENDRE UNE «SAIGNEE» NECESSAIRE AU SEIN DU PAYS, ON SAIT QUE LE PIRE EST A CRAINDRE.