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Egypte: confusion et tractations souterraines

par Kharroubi Habib

Quarante-huit heures après la destitution par l'armée du président islamiste Mohamed Morsi, les partisans de ce dernier continuent à protester dans la rue en réclamant ni plus ni moins que son retour aux commandes du pays. Si aux premières heures de l'éviction de Morsi les Frères musulmans et leurs sympathisants ont paru désemparés, ils se sont incontestablement ressaisis et leur mobilisation a pris une ampleur qui les fait apparaître moins isolés au sein de la société que le prétend le camp des anti-Morsi et de leur mouvement.

Le flottement dont ils ont fait montre au début de l'épreuve de force engagée contre eux d'abord par les manifestants anti-Morsi fédérés dans le mouvement Tamarrod, puis par l'armée qui a pris fait et cause pour ces derniers, a donné lieu au raccourci donnant à considérer que les jeux sont faits en Egypte ce dont ils seraient impuissants à remettre en cause. Depuis vendredi pourtant, la « protesta » des Frères musulmans et de leurs sympathisants monte en cadence à l'appel du guide de la confrérie qui a harangué vendredi ses ouailles et leur a demandé de ne pas cesser l'occupation de la rue tant que Morsi n'aura pas été rétabli dans sa fonction présidentielle. La réapparition de leur « morchid » dont des médias avaient annoncé l'arrestation a galvanisé les Frères musulmans.

La rue au Caire et dans les autres villes égyptiennes se partage désormais entre deux camps déterminés à en découdre et dont les heurts se traduisent par des dizaines de morts. L'affrontement entre eux menace de se généraliser, ce qui est en train de mettre le doute sur la capacité de l'armée égyptienne à ramener le calme et à empêcher que la violence ne s'instaure dans le pays. La marge de manœuvre des militaires n'est pas bien grande face à la confusion qui règne dans la rue et aux débordements de violence auxquels donne lieu la confrontation entre les deux camps ennemis. Ils ne peuvent en effet déloger et disperser les démonstrations de force des partisans de Morsi et laisser leurs adversaires occuper la rue.

Le général El Sissi et le haut commandement de l'armée tentent apparemment de maintenir le contact avec les hauts responsables de la confrérie des Frères musulmans avec l'espoir de les convaincre à se rallier à un compromis consistant à accepter d'être partie prenante dans une nouvelle redistribution du pouvoir en Egypte. Le morchid n'aurait pas apparemment été insensible aux appels du pied en direction de sa confrérie qu'aurait faits l'institution militaire. C'est en tout cas ce que donne à comprendre son exhortation appelant ses ouailles à ne pas s'en prendre aux miliaires déployés dans la rue.

L'hypothèse n'est pas improbable qu'en finalité militaires et Frères musulmans parviennent à un accommodement qui accorderait satisfaction aux deux parties comme les pressent de conclure les principaux partenaires internationaux de l'Egypte. Il en résultera, ce qui n'est pas à exclure, qu'à nouveau le camp des libéraux, démocrates et laïcs sera le dindon de la farce comme il l'a été dans le sillage de la «révolution du 25 janvier». Il existe beaucoup plus de proximité entre les conceptions qu'ont les Frères musulmans et les miliaires sur la nature du pouvoir apte à diriger le pays qu'avec celle pour laquelle Tamarrod est descendu dans la rue. Décréter l'impossibilité d'un compris entre les deux premiers protagonistes de la crise égyptienne relèverait de la naïveté et de l'innocence imbécile.