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TOUT NE VA PAS BIEN !

par M. Saadoune

L'onde de choc annoncée par l'Agence internationale de l'énergie sur le marché pétrolier au cours des prochaines  années en raison du développement accéléré de l'exploitation du pétrole de schiste a suscité des frémissements d'inquiétudes dans les milieux spécialisés. La presse s'est chargée de les relayer. Il ne s'agit plus de faire dans l'alarmisme mais de sortir du ronron des fausses assurances du discours officiel.

La conclusion d'un «accord de partenariat stratégique» avec l'Union européenne ne sera pas nécessairement d'un grand secours pour un marché gazier où l'offre est excédentaire. Les parts de marché ne sont pas garanties, des nouveaux producteurs se profilent, le gaz indexé sur le prix du pétrole risque de devenir de l'histoire ancienne et il est probable que les contrats à long terme vont devenir de plus en plus rares. L'accroissement de la production pétrolière américaine qui va accompagner le rush sur le pétrole de schiste aura un impact sur les prix du pétrole. L'Opep résistera-t-elle à la tentation de chacun pour soi? Rien de réjouissant pour une Algérie immobile et immobilisée ! Des compagnies pétrolières auraient déclaré, selon Reuters, que l'Algérie devait «changer de mentalité». Il est clair qu'elles avaient en vue ces données du marché pour envoyer un message qui n'a rien de codé.

Il ne faut pas être un grand économiste pour comprendre que les recettes pétro-gazières de l'Algérie vont connaître un repli sensible. Karim Djoudi, le ministre des Finances, l'a évoqué, trop vaguement, comme s'il n'osait pas évoquer une réalité qui sera dure. Il y a dans cette attitude un air de déjà-vu. Dans le milieu des années 80 alors qu'un effondrement des recettes pétrolières se profilait dans un contexte d'accroissement de la dette extérieure à court terme, le discours officiel était que l'Algérie a «pris les devants» avant l'arrivée de la crise. Des paroles aussi vaines que le discours sur «l'après-pétrole» qui remonte à des décennies et qu'on déclame toujours pour la forme. Comme le «flambeau» qu'on ne cède jamais tout en disant le contraire.

Faire entrer le pays dans l'après-pétrole, c'est le mettre au travail, c'est faire l'Etat de droit et mettre en place des institutions qui contrôlent l'affectation et l'usage de ressources par définition rares. L'après-pétrole pour des gens qui ont une vision c'est changer de régime pendant qu'il en reste. La chute drastique des recettes de la fin des années 80 à défaut d'entraîner un changement de régime a fait basculer le pays dans une décennie de violence et de destruction. Oublier l'existence de cette corrélation n'est pas sage. Se laisser obnubiler par l'accroissement des recettes pétrolières pour estimer que tout compte fait le changement de régime n'est pas nécessaire est affolant pour ceux qui ne sont pas amnésiques.

L'alerte ne date pas du rapport de l'AIE, elle était à la base des réformes de la fin des années 80 qui ont été avortées avec la remise en cause du processus démocratique. Ces alertes sont répétées de manière régulière par des experts algériens dont certains ont fini par renoncer face au trou noir du système. D'autres persévèrent, des experts plus jeunes, plus frais, comme Nabni, ont repris cette fonction d'alerte. Mais eux aussi, même s'ils ont semblé avoir de la répugnance à l'idée de faire de la «politique», ont fini par en parler. Oui, a dit l'un des initiateurs de Nabni, la «gouvernance est la clé», «la mère de toutes les réformes».