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Balayer d'abord le pas de sa porte

par Kharroubi Habib

Les autorités algériennes ont dû certainement jubiler à la lecture des pages du rapport sur les droits de l'homme du secrétariat d'Etat américain consacrées à leurs violations par le Makhzen marocain au Sahara Occidental. Elles ont sûrement moins goûté les passages de ce même rapport évoquant le lot d'atteintes à ces droits en Algérie.

Si les rédacteurs du rapport n'ont pas été tendres à l'égard du Makhzen, ils n'ont pas non plus ménagé l'Etat algérien. Ils ont en effet dressé une liste de points noirs relevés dan le pays qui font que les autorités algériennes ne peuvent prétendre que chez elles la situation des droits de l'homme est plus reluisante que dans le royaume voisin. Le rapport établit qu'en Algérie il existe des restrictions des libertés individuelles, une justice aux ordres, le recours abusif à la détention provisoire, l'impunité pour les services de sécurité et des parlementaires. Il évoque également la corruption et le manque de transparence dans la passation des marchés publics et les pressions déguisées qui s'exercent sur les journalistes pour en limiter la liberté d'expression.

Des points noirs sur lesquels les rapports annuels du secrétariat d'Etat reviennent immanquablement car malgré leurs affirmations après publication de ces rapports, les autorités n'ont et ne font rien de notable pour en corriger la charge anti-droits de l'homme. D'ailleurs contrairement à ce que ces autorités soutiennent, le rapport du secrétariat d'Etat américain estime qu'il n'y a pas de vent du changement qui soufflerait en Algérie et que les citoyens qui militent pour l'opérer « éprouvent des difficultés en raison des restrictions multiples qui s'exercent sur eux». Parmi celles-ci sont citées : l'utilisation de la force par les services de sécurité, l'impunité, les disparitions forcées, la torture et la surveillance policière des communications.

Les autorités algériennes font et c'est de « bonne guerre» feu de tout bois en matière de condamnation des atteintes aux droits de l'homme au Sahara Occidental par le Makhzen. Mais pour être crédibles dans ce rôle, elles doivent balayer le pas de leur porte où la situation de ces droits n'est pas spécialement reluisante et leur vaut de figurer elles aussi au banc des accusés. Ce à quoi se sont employés les rédacteurs du rapport américain en s'appuyant sur les constats dressés par des organisations internationales de surveillance des droits de l'homme.

Cette année plus qu'en celles passées, les officiels algériens mettront une sourdine à leur récusation en doute de l'impartialité du rapport du secrétariat d'Etat américain. Elles feront profil bas sachant que la remise en cause par elles de son contenu offrirait du crédit aux protestations du Maroc contre la présentation qui en est faite de l'état des droits de l'homme dans l'ex-colonie espagnole. En tout cas, pour l'opinion algérienne et les défenseurs des droits de l'homme locaux, le contenu des passages de ce rapport consacrés à l'Algérie révèle que les Etats-Unis ne sont pas dupes des engagements pris par les autorités en matière de promotion des droits de l'homme et que le soutien américain à leur gouvernance dont elles se targuent n'est pas fermement et clairement exprimé comme elles le prétendent.