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Les cinq experts sont-ils réellement indépendants ?

par Kharroubi Habib

Les cinq experts juridiques désignés par le président de la République en tant que membres de la commission qui va s'atteler à l'élaboration de l'avant-projet de révision constitutionnelle sont très certainement de grandes compétences dans leur domaine. Dans toutes les réactions qu'a suscitées leur nomination, il n'y a eu nulle contestation mettant en doute leurs capacités sur ce plan.

Des réserves et des interrogations se sont néanmoins exprimées en la circonstance portant sur le degré d'indépendance de ces cinq experts à l'égard du pouvoir politique qui leur a confié la délicate mission de préparer l'avant-projet de révision constitutionnelle. Réserves et interrogations qui se justifient à la lecture de leurs «CV» tels que résumés pour la presse par les services de la Présidence. Pour quatre d'entre eux, en l'occurrence Bouzid Lazhari, Mekamcha El Ghaouti, Abderrazak Zouina et Faouzia Benbadis, leurs CV révèlent une proximité avec le pouvoir politique indéniable. Le premier a été sénateur et membre de la commission chargée de rédiger le programme de campagne électorale de Bouteflika en 2004. Le second a été ministre de la Justice dans le gouvernement de Smaïl Hamdani et donc pendant huit mois celui de Bouteflika. Le troisième a été membre du Conseil constitutionnel dont les membres passés et présents n'ont jamais brillé par esprit d'indépendance à l'égard de l'exécutif politique. Enfin, la seule femme de la commission est membre du Conseil de la Nation depuis 2008. Le cinquième membre de la commission Azouz Kerdoune, qui est en même temps son président, semble en apparence n'avoir pas été dans cette proximité avec le pouvoir établie pour les quatre autres à la connaissance de leurs parcours individuels. Cela ne le crédite pas pour autant d'une indépendance avérée.

La porte-parole du Parti des travailleurs Louiza Hanoune a déclaré après l'installation de la commission chargée de l'élaboration de l'avant-projet constitutionnel qu'elle craint que celle-ci «va se substituer à tout le monde y compris les partis politiques» et avertit qu'il se peut que les cinq experts désignés par le président de la République «ont des appartenances politiques et dans ce cas il leur sera difficile d'être objectifs».

Il nous apparaît qu'en réalité les cinq experts juridiques ont été choisis par le Président parce que certain qu'ils n'outrepasseront pas le rôle qu'il a fixé à leur commission, celui de donner un habillage juridique inattaquable à un projet dont le contenu a été décidé et arrêté par lui et le groupe de proches qu'il a associé à sa réflexion. Dans ce rôle, les cinq experts n'innoveront pas et se conformeront à l'exemple que leur ont donné les experts précédents que les pouvoirs s'étant succédé dans le pays ont requis à tour de rôle pour mettre leur expertise au service de l'objectif politique que chacun d'entre eux a visé à travers les révisions constitutionnelles successives qu'a connues l'Algérie.

Donc compétence des cinq experts distingués à l'évidence oui, mais indépendance et volonté de se démarquer de ce qui pourrait s'avérer préjudiciable pour le fonctionnement démocratique de l'Etat républicain et la garantie des droits et libertés du citoyen, certainement non.