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A quelles considérations a obéi le Conseil constitutionnel ?

par Kharroubi Habib



La redistribution des sièges à l'APN opérée par le Conseil constitutionnel, après étude des recours dont il a été destinataire de la part de formations partisanes ayant participé au scrutin du 10 mai, ne change pas fondamentalement la configuration politique de l'APN, telle qu'elle est apparue à l'annonce des résultats au lendemain des opérations de vote.

Le premier constat est celui que l'institution présidée par Tayeb Belaïz n'a jugé valide aucun des recours introduits auprès d'elle par les partis qui, pour protester contre les résultats du scrutin, ont convenu de se regrouper dans un «Front pour la sauvegarde de la démocratie» et décidé de boycotter la nouvelle assemblée. Son arbitrage a été par contre favorable aux partis qui, tout en ayant dénoncé une fraude électorale au bénéfice de l'ex-parti unique, n'ont pas rejoint ce «Front» et ont refusé d'adhérer à ses initiatives.

Crédité initialement d'avoir remporté 221 sièges, le FLN s'en est vu retirer 13 par le Conseil constitutionnel, mais il conserve néanmoins une confortable majorité. Le PT et le FFS sont les «grands bénéficiaires» des arrêts rendus par le Conseil constitutionnel. Le premier en voyant sa présentation parlementaire passer de 17 à 24 députés, le second la sienne de 21 à 27.

Globalement, le lifting des résultats du scrutin auquel a procédé le Conseil constitutionnel réduit encore plus la présence dans l'hémicycle des partis du courant islamiste par rapport à ceux de la mouvance nationalo-républicaine, même si l'Alliance de l'Algérie verte et le Front pour la justice et le développement (FJD), appartenant au premier courant, ont «gagné», la première deux nouveaux sièges et le second un.

Le Conseil constitutionnel n'ayant pas justifié les motifs à l'origine du rééquilibrage qu'il a rendu public, l'impression s'impose que celui-ci a obéi à des considérations politiques. Celle notamment de faire le vide autour du «Front pour la sauvegarde de la démocratie», dont les velléités d'engager dans la durée et de façon audible son mouvement de contestation des élections législatives du 10 mai sont vouées à l'échec sans la participation à celui-ci des formations dont le Conseil constitutionnel a pris en compte en partie les recours.

Le rééquilibrage préfigure que la majorité parlementaire dont le FLN est le moteur aura en face d'elle une minorité dont l'opposition ne consistera pas en la remise en cause du cadre républicain et moderniste du projet de société pour l'Algérie à l'occasion de la présentation devant l'Assemblée nationale du projet de révision de la Constitution.

Il ne fait aucun doute que la redistribution définitive opérée par le Conseil constitutionnel va momentanément entretenir le mouvement de protestation partisan antifraude électoral. Celui-ci s'éteindra néanmoins plus ou moins vite car les partis qui sont en capacité de lui donner de la consistance, le PT et le FFS notamment, s'en tiennent à l'écart.

Enfin, cette redistribution confirme que le parti d'Ouyahia, le RND, a un problème réel avec le pouvoir. Déjà laminé en n'ayant obtenu que soixante-dix sièges dans le décompte initial, il lui en a été amputé encore deux, ce qui l'affaiblit d'autant face au FLN, qui, étrangement, a annoncé, la veille où le Conseil constitutionnel allait rendre publics ses arbitrages, le prochain ralliement à lui de 13 députés «indépendants». C'est donc un RND réduit à ne pas peser lourd dans l'hémicycle, que préside Ouyahia, et qui devient perméable aux tentations de remise en cause du leadership en son sein de ce dernier. La décision le concernant prise par le Conseil constitutionnel apparaît comme un «encouragement» prodigué aux cadres et militants de ce parti qui ont déclaré «la guerre» au chef du RND.