Le ministre de l'Intérieur est des Collectivités locales, Dahou Ould Kablia, a affirmé, ce
dimanche 16 octobre à Alger, «qu'il est interdit d'utiliser les noms et les
sigles d'anciens partis ayant existé avant 1962». C'est ce que rapportent les
journaux. Mais on est déjà des millions à se poser la même question : et le FLN
? Il est bien né avant 62 ? Est-ce que le ministre de l'Intérieur, qui aime
déjà les redresseurs anti-Belkhadem, vise-t-il ce que
vise l'histoire depuis toujours ? Le FLN au musée ? On ne sait pas. Reste que
l'interdiction de faire des remakes de l'histoire politique algérienne est un
peu fascinante. Dans le détail, en gros, mis à part le départ des colons
français et leur remplacement par des colons algériens, rien n'a changé. C'est-à-dire
politiquement. Du point de vue statistiques, bien sûr, il n'y a rien à comparer
entre maintenant et avant l'indépendance : nous sommes plus nombreux, les
Français sont moins nombreux, il y a plus d'écoles et d'hôpitaux, plus de
routes et de voitures, plus de droits et de pétrole. Mais pour le reste ? Pour
le casting politique ? Là, il y a doute qui remet en cause l'interdit de Ould Kablia. En gros, il y a
encore des colons : ils sont puissants, forts, piègent le pays par leur appétit,
ont des milices et des fermes. Ces colons locaux fraudent les élections, aiment
les zaouïas, donnent des médailles aux plus collaborateurs, aiment le travail
chinois et déteste le travail d'arabe. On les appelle le régime, comme autrefois
les colons s'appelaient «la civilisation». En face, c'est encore le même schéma
: l'opposition qui veut encore une fois l'indépendance, ou pas, et qui hésite
sur les moyens et le calendrier. Du coup, on retrouve les mêmes acteurs
d'autrefois : d'abord les islamistes assimilationnistes. Autrefois, c'étaient
des benbadissiens, aujourd'hui, ce sont des
«entristes». Ils prônent l'islamité, l'arabité, le nationalisme mais aussi la
patience, la non-violence et l'opportunisme. On retrouve aussi les partisans du
dialogue avec le Pouvoir : rien ne sert de se battre contre l'armée la plus
forte du Maghreb, vaut mieux négocier des droits. Ces gens-là veulent des
élections propres, la fin du double collège, l'égalité entre les Algériens qui
possèdent Alger et les Algériens d'Algérie et l'abolition du code de
l'indigénat. Ce sont des gens que le Pouvoir malmène, utilise, jette ou ramasse
selon les cycles et les pressions. Ce sont des sortes de centralistes. On a
aussi les «maquis» en Kabylie et la même crise berbériste selon certains. On
peut ajouter au tableau le mouvement des enseignants algériens de 1920 devenu
syndicat du personnel de l'éducation ou les partisans de la solution armée, encore
minoritaires mais déjà prêts pour le coup de feu et la photo de groupe.
Si on regarde bien, on
a aujourd'hui un MTLD, un MNA, des enfants de Benbadis,
des partisans de la solution armée, des Messalistes, un ou deux Ferhat Abbas, un clan de Oujda, le retour des épidémies et
des migrations alimentaires, de la révolte populaire. La différence ? Il faut
être juste : on mange mieux, on dort beaucoup plus, on est un peu plus riche, mieux
soigné et on a un passeport. Et le reste ? Pas grand-chose : le FLN veut
toujours être seul et unique, avant la guerre et après l'indépendance. La seule
différence est que le FLN est passé «de l'autre côté» : il ne libère pas le
peuple mais l'empêche d'être libre. Ould Kabila devrait aller au bout de sa logique : interdire au
FLN alimentaire de se revendiquer du FLN historique. L'usurpation d'histoire
devrait être interdite pour tous. Un nouveau Front de Libération est le droit
de chacun.