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Le terroriste sortait d'une église

par Moncef Wafi

Il est blond aux yeux clairs, son nom est à consonance nordique et il est norvégien pure souche. Une lignée qui n'a pas été contaminée par du sang venu de la lointaine terre d'Arabie ou des montagnes du Pachtoune. Le double attentat qui a endeuillé la Norvège tout entière a été imputé, dans un premier temps, à Al Qaïda, responsable des pires ignominies qui se déroulent de par le monde. Une bombe qui explose à l'Est, c'est Al Qaïda. Un kidnapping de touristes trop curieux au Sud, c'est encore la nébuleuse islamiste qu'on pointe d'un index accusateur. Un virus qui se propage au Nord, c'est la guerre bactériologique menée par qui ? Je vous le donne en mille et le soleil qui se couche à l'Ouest, c'est encore le fantôme de Ben Laden qui veut précipiter la fin du monde. Un instant, un seul instant, le monde et la Norvège meurtrie ont soupçonné des fondamentalistes musulmans d'avoir envoyé des kamikazes sur leur sol se faire exploser la tronche au milieu de gentils Occidentaux qui ne demandent qu'à profiter pleinement de la vie.

 Car le premier réflexe des médias «pavlovisés» a été de se tourner vers les fous d'Allah pour tirer une autre salve sur l'islam en rendant une religion responsable d'un vaste plan de manipulation préparé dans les laboratoires de la CIA aidés par des experts du Mossad. Le raccourci est vite trouvé, qu'à cela ne tienne, même nous, on peut avoir nos idées arrêtées sur le sujet et s'inscrire dans la logique de la continuité de la guerre des croisades qui ne s'est jamais interrompue. Les Américains et leurs vassaux français l'ont si bien dit en mettant le pied en Afghanistan et en Libye.

 Pourtant, le monde entier et la Norvège ont découvert, avec effroi, que le terrorisme peut avoir un autre visage, parler une autre langue et prier un Dieu différent. Le poseur de bombe, un descendant des drakkars, un pur produit de la terre des Vikings, est un chrétien fondamentaliste, arrêté quelques heures après avoir tué de sang-froid plus de 90 jeunes qui faisaient la fête sur une île à quelques miles d'Oslo. Il ne s'appelait pas Mohamed, Abou haja ou hwayij, n'avait pas la peau basanée et les cheveux crépus, ne portait ni moustache, ni barbe invisible et n'a pas crié Allah Akbar avant de s'exploser. Il était l'enfant du crucifix et ne connaissait pas d'Arabes ou de musulmans présumés graines de terroristes par la loi occidentale, pour le contaminer. Dans sa douleur, le malheur aurait été moins pénible à porter pour la Norvège si le terroriste émargeait chez Al Qaïda mais le terrorisme avait le visage de tous ses fils et parlait leur langue, vivant parmi eux. L'explication aurait été toute trouvée pour faire rapidement le deuil des linceuls mais voilà que le doigt qui a appuyé sur la gâchette avait une empreinte nordique. Les hypothèses et les pistes sont maintenant à envisager, et pourquoi pas, parmi elle, la piste française qui n'aurait pas admis qu'une Eva Joly, trois-quarts française, norvégienne d'origine, remette en cause le défilé militaire du 14 juillet.