Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

REFLEXE PAVLOVIEN

par K. Selim

Le réflexe pavlovien a fonctionné dans toutes les directions après les attentats, terribles, qui ont secoué la Norvège vendredi. Les médias, dont l'influent New York Times, ont immédiatement embrayé sur la piste islamiste. On a invoqué pêle-mêle les démêlés d'un islamiste kurde dans ce pays, la participation de la Norvège au corps expéditionnaire occidental en Afghanistan et en Libye et l'épisode des caricatures danoises du prophète reproduites par des journaux norvégiens.

 Cela fait, bien sûr, des hypothèses normales que tout analyste raisonnable doit soulever. Le seul problème est la tendance des médias occidentaux à s'enfermer d'emblée dans la piste islamiste et à exclure toutes les autres possibilités. Le fait que quelques «djihadistes du clavier» aient, quelque part dans le cyberespace, exprimé des revendications ou de la satisfaction, n'est pas suffisant pour expliquer cet enfermement. Il est admis que de très nombreux sites djihadistes ? pour ne pas dire la plupart - sont le fait de services de renseignements des Etats qui les utilisent pour de multiples raisons et à des multiples fins, dont appâter d'enthousiastes naïfs.

 Mais ils servent plus fondamentalement d'outils de propagande et de manipulations. Certaines structures ou agences se sont donné pour «job» de suivre ces sites et de répercuter vers le grand public des revendications souvent douteuses. La rapidité de la «réponse» qu'elles apportent devrait pourtant inciter à la prudence ceux qui sont en charge d'informer le grand public.

 Si un attentat mené par les radicaux islamistes n'était pas exclu dans le cas de la Norvège, les autres pistes auraient dû rester ouvertes en l'absence de certitude. Mais pendant de très longues heures, on a eu une hypothèse unique avec des analyses savantes sur les raisons qui pousseraient Al-Qaïda à s'en prendre à la Norvège.

 Finalement, à force de façonner les opinions sur l'idée que la menace n'est qu'islamiste, les médias occidentaux en arrivent à s'en convaincre eux-mêmes. Et quand la police norvégienne confirme que le double carnage du 22 juillet est le fait d'une seule personne, un Norvégien de souche, bien blond et très chrétien, on sent presque de l'incrédulité dans les couvertures des télévisions et des journaux occidentaux. On a tellement pris le pli de voir de l'islam et des musulmans partout qu'on n'arrive pas à «penser» autrement.

 Cette manière de voir est d'ailleurs derrière la minimisation de l'ampleur de la xénophobie et de l'islamophobie dont s'alimente la droite extrême après que la droite «classique» eut banalisé un discours censé être décomplexé sur les immigrés, les étrangers et les gens de «couleur». L'extrême droite raciste et néofasciste européenne est devenue inaperçue car elle s'intègre dans un discours général alimenté à l'échelle mondiale par les néoconservateurs. Il n'y a plus rien que ne disent aujourd'hui les gens d'extrême droite en Europe qui ne soit dit aussi par les politiciens européens «républicains respectables».

 C'est peut-être la raison qui a fait que le service de renseignement norvégien ne considérait pas les extrémistes de droite comme une menace pour la société norvégienne.