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La commission Bensalah clôt ses travaux? le dernier jour du printemps !

par Kamel Daoud

Voilà, c'est fait : la commission Bensalah vient de recevoir un président de fédération de foot qui en sort pour parler du choix d'un entraîneur. C'est vous dire qu'on est partie d'une crise internationale pour aboutir à une discussion sur la coiffure et la couleur du tablier. Dans cinq ans, la commission Bensalah sera encore là et discutera de la soupe du ramadan, de la nouvelle mode de lunettes ou des tendances de la mode culinaire. Bensalah ne sera peut-être plus là, mais la commission restera dans les mémoires comme un courant surréaliste fort, une tendance hippie politique et un monument concasseur des espoirs collectifs. En terme technique, c'est une réussite : la menace de printemps arabe local a été repoussée. La preuve est qu'on reçoit n'importe qui aujourd'hui pour parler de n'importe quoi, alors que, dans l'univers d'en bas, et tout le monde l'aura remarqué, les radars sont de retour ainsi que les impôts, les retraits de permis et le mépris bureaucratique. Le Pouvoir croit qu'il s'en sort vainqueur et que la menace est derrière lui et qu'on peut faire pousser les fleurs du printemps dans des bocaux d'agités.

 Signal encore plus fort, la commission clôt ses «travaux» le 21 juin. C'est-à-dire à la date de la fin exacte du printemps et au début de l'été alimentaire. Le Pouvoir possède en effet parfois un humour qui laisse pantois. A la fin, il ne se passe rien, et c'est là le génie du cinéma local. Tout le monde reste en place, on discute au soleil de l'indépendance puis on continue à faire vieillir ce peuple. Que fera-t-on du bavardage collecté lors de ces audiences ? Rien, sauf des nappes de table. Rares les invités à ce café maure qui auront eu le courage de dire l'essentiel : il ne s'agit pas de refaire une constitution, mais de dire clairement que la politique est parasitée par un maquis occulte et que les réformes sont impossibles quand les centres de décisions ont le Pouvoir mais pas la responsabilité et que la Présidence a la responsabilité mais pas suffisamment de Pouvoir. Peu ont eu le courage de parler de l'armée, des «Services». Des métaphores ont remplacé l'audace : Mehri parlera de parties occultes, Ghozali «d'armée politique», etc. L'essentiel restera dans les tiroirs de la tête : on sait qui désigne les présidents, comment se fabriquent les ministres, de qui dépendent des contrats stratégiques et les limites des réformes, mais peuplades lâches et sans os, les invités préféreront discutailler sur un texte mort et des interprétations de cheveux. L'Algérie n'aura jamais été décolonisée avec ce genre mou et elle ne sera pas démocratique avec des buveurs de café. C'est donc décidé : le printemps est officiellement clos. C'est l'été des patriarches et on devra s'en suffire pour longtemps, selon la pierre tombale nationale.