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Des semaines de feu et de sang pour en revenir à la solution politique

par Kharroubi Habib

L'aveu du secrétaire général de l'OTAN, selon lequel «une solution militaire à la crise libyenne est impossible», relance la recherche d'une issue politique, dont les tenants sur la scène internationale se sont vus contraints de renoncer momentanément sous la pression du camp des interventionnistes, emmené par la France et la Grande-Bretagne.

 C'est l'enlisement total en Libye, où, malgré les frappes aériennes visant les troupes de Kadhafi, celles-ci font plus que résister aux insurgés, stoppés dans leurs tentatives d'avance vers l'ouest du pays sous contrôle du dictateur et de ses partisans. L'on est loin du scénario de l'effondrement et de la débandade du régime de celui-ci, que Paris et Londres ont espéré voir se produire une fois engagée l'intervention internationale, autorisée à leur insistance par le Conseil de sécurité des Nations unies.

 Au pays de Muammar Kadhafi, l'insurrection a tourné à la guerre civile entre Libyens. Pour aussi honnis par une partie du peuple libyen que sont Muammar Kadhafi et son régime, il s'est avéré qu'une autre partie leur garde son soutien. Ce rapport de force donne du sens aux prises de position internationales qui plaident pour une solution politique et son constat a même fait naître des divergences entre les pays occidentaux membres de la coalition qui intervient militairement en Libye.

 Favorable à l'issue négociée de la crise libyenne, l'Union africaine a décidé dans ce contexte de relancer sa médiation en dépêchant une délégation de présidents africains pour plaider auprès des deux camps en guerre, d'abord une trêve immédiate dans les combats, puis la possibilité de l'acheminement de l'aide humanitaire, et au final l'ouverture d'un dialogue entre le régime et l'insurrection.

 Paris, Londres et les émirats ralliés à leur point de vue jusqu'au-boutiste, excluant toute autre solution que la chute du régime de Tripoli et le départ du pouvoir de Kadhafi, font quant à eux le forcing pour faire admettre la nécessité d'une intervention militaire terrestre. Ce que la résolution 1973 du Conseil de sécurité n'envisage nullement.

 Officiellement, Paris déclare que la France n'a aucune intention de s'engager dans une intervention de cette sorte, mais beaucoup d'indices montrent que l'on y songe sérieusement dans l'Hexagone en invoquant le prétexte que c'est l'ultime solution pour empêcher la débâcle de l'insurrection et le «désastre humanitaire» auquel donnerait lieu la victoire de Kadhafi et ses partisans. Paris donc, appuyé par Londres et les Emirats arabes, vont tout faire pour court-circuiter les tentatives de médiation internationale en vue d'une solution politique. En poussant le Conseil national de transition, représentant et porte-parole des insurgés, à décliner toute proposition dans ce sens. Cet organisme est tout à fait sur la même longueur d'onde que Paris et Londres, puisqu'il a fait savoir, avant même de s'entretenir avec la délégation de l'Union africaine, qu'il rejette toute idée d'un cessez-le-feu n'impliquant pas le départ du pouvoir de Muammar Kadhafi.

 L'enlisement de la situation sur le terrain profite au camp de Kadhafi, qui fait ainsi la démonstration que le plan de l'insurrection et des puissances étrangères qui la soutiennent a péché par optimisme et méconnaissance de la réalité libyenne.

 Les «bavures» et leurs cortèges de «dommages collatéraux» que provoquent les bombardements aériens de la coalition ont contribué à semer le doute sur les «raisons humanitaires» qui servent de justification à l'intervention internationale.

 Les dégâts humains et matériels que provoquerait une intervention militaire terrestre risquent de conduire à un retournement d'opinion au sein même de l'insurrection, qui s'est toujours déclarée contre ce type d'opération, assimilé à de l'ingérence étrangère visant à créer en Libye une situation à l'irakienne ou à l'afghane.