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Parole d'espion

par K. Selim

Le chef de la CIA, institution qui a l'indiscutable mérite de confirmer systématiquement sa réputation discutable, a solennellement déclaré que l'Iran avait la capacité de fabriquer deux bombes nucléaires. Le maître espion a omis de préciser la puissance des deux bombes que la république islamique avait la capacité de produire.

Les déclarations américaines ? et britanniques - sont toujours à prendre avec des pincettes, tant les responsables de ce pays ont toujours eu tendance à prendre des libertés avec la réalité objective.

Qui peut oublier le pathétique Colin Powell exhibant au Conseil de sécurité une sorte de capsule métallique censée être un élément central d'une arme de destruction massive irakienne ! Le secrétaire d'Etat de George Bush a reconnu, par la suite, avoir été trompé par l'entourage présidentiel et avoir à son tour, au prix de son honneur, menti à la communauté internationale. La vraie communauté internationale, c'est-à-dire l'Assemblée générale des Nations unies, et non pas quelques pays occidentaux dont la guerre est un élément constitutif de l'ADN politique.

Colin Powell avait démissionné et fait acte de contrition, repentance d'autant plus nécessaire qu'au prix de un million cinq cent mille morts irakiens, il s'était avéré que le régime de Saddam ne détenait aucune arme de destruction massive d'aucun type.

Les dirigeants occidentaux sont persuadés que leurs opinions publiques, grâce à l'efficacité des médias de masse, sont globalement moutonnières et dénuées de mémoire. Leon Panetta, c'est le nom du directeur de l'Agence américaine de renseignement et de guerre psychologique, tente donc de relancer, en sa qualité d'expert, une opération de manipulation préparatoire à une aventure guerrière dont on sait bien qu'elle obsède des Occidentaux qui n'ont plus d'autre argument, pour asseoir une hégémonie de plus en plus globalement contestée, que la supériorité militaire.

Au contraire de ce qui a été reconnu par les seize ( !) agences de renseignement américaines - la CIA est loin de détenir le peu enviable monopole de l'espionnage - l'Iran disposerait d'un programme nucléaire militaire. Aussi peu sympathique que soit le régime des ayatollahs et leur république islamique, aucune preuve concrète n'a été apportée, à ce jour, de son intention de se doter d'un arsenal atomique. En jouant sur un réflexe de peur, l'espion en chef américain n'hésite pas à prendre ceux qui l'écoutent pour des imbéciles.

Que pèsent deux bombes atomiques face aux deux cents ou trois cents ogives israéliennes et aux milliers de têtes nucléaires occidentales ? Quel ayatollah, aussi illuminé soit-il ? même si les événements depuis trente ans ont prouvé que le régime iranien était très rationnel ? se risquerait à une confrontation nucléaire qui signifierait mécaniquement la pulvérisation du pays ?

 M. Panetta, en sinistre porteur de fausses nouvelles, se moque donc ouvertement du monde. Il n'a peut-être pas tort : l'expérience montre qu'à force d'être répété, un mensonge finit par être accepté comme vérité d'évidence par une opinion matraquée par la propagande. Pourtant, il ne s'agit là que de stratégie à court terme. En dépit de leur histoire récente, les Américains, ivres de puissance, sont convaincus de leur capacité à gérer les suites de leurs agressions. On l'a vu hier au Viêt-Nam, on le voit aujourd'hui en Irak et en Afghanistan.