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Icônes

par Yazid Alilat

La victoire, ou plutôt le triomphe de la sélection algérienne de football dimanche soir à Cabinda face aux Eléphants ivoiriens est de ceux que l'on ne cessera de se rappeler. Dorénavant, dans la riche histoire du football algérien, il y aura l'avant et l'après-24 janvier 2010.

 D'abord, parce que les protégés de Saâdane ont montré que l'Algérie, en général, et les Algériens en particulier sont capables de grands exploits, lorsqu'ils le veulent, quand ils sont mis dos au mur. Il est loin le temps de la triste étourderie contre le Malawi. Face à une formation ivoirienne constellée d'étoiles qui, rassemblées, valent plusieurs centaines de millions d'euros, les Algériens ont montré une belle cohésion, de la hargne, de la volonté et, surtout, une solidarité sans faille, même dans les moments les plus difficiles du match. Au bout de cette débauche d'énergie, il y avait la saveur inégalée du goût de la victoire, de la sueur et du travail bien fait.

 Ensuite, ce sera une date marquante de l'histoire du football algérien, qui aura confirmé son retour parmi les grandes nations africaines. Et, plus que tout, cette victoire qui est venue d'ailleurs, ramenée pratiquement à un moment particulièrement crucial de cette CAN 2010, a permis de perpétuer l'espoir d'autres grands exploits footballistiques des camardes du flegmatique Mourad Meghni. Le football a, en l'espace de 120 minutes dans cette chaude enclave de Cabinda, repris prodigieusement tous ses droits en Algérie et relégué au placard tous les autres tracas quotidiens des Algériens.

 C'est en fait cette reconnaissance, cette osmose entre le onze de Saâdane et les Algériens, sans différence d'âge, qui est extraordinaire, qui mérite d'être socialement capitalisée. Jamais, au cours de ces 40 dernières années, les Algériens n'ont parlé d'une même voix, porté l'emblème national aux nues et revendiqué aussi fort leur appartenance à la Nation. Ce que les «héros» de Cabinda sont en train de faire, ou plutôt ce qu'ils sont en train de continuer à rebâtir, depuis les phases éliminatoires de la Coupe du Monde et de la CAN, c'est tout simplement cette si difficile réconciliation des Algériens, indépendamment des couleurs politiques ou des différences régionales, avec eux-mêmes, leur destinée, leur pays. Jusqu'au point de devenir des icônes de la Nation.

 Les succès de l'équipe algérienne de football sont pourtant l'oeuvre de joueurs qui, il n'y a pas trois ans, étaient d'illustres inconnus en Algérie. Certains d'entre eux, comme Meghni ou Yebda, ont même porté, jeunes, le maillot de la sélection de France. Aujourd'hui, grâce à un miracle dans la réglementation de la FIFA, qui a été l'oeuvre du président de la FAF, ces joueurs portent fièrement le maillot national, des joueurs qui ne connaissaient pas, avant d'être appelés par Saâdane, l'Algérie, leur pays. Pour ces joueurs qui mouillent leur maillot pour les couleurs qu'ils défendent, comme pour tous les Algériens, c'est comme une résurrection, un réveil après une longue période de somnolence.

 Raho et consorts ont, plus que tout discours politique, montré la voie pour tous les Algériens, ce qu'il faut faire, comment se sacrifier pour bâtir un espoir durable, des lendemains meilleurs, et la réappropriation de la fierté d'être algérien. Le reste, ce ne sera qu'épisodes d'une compétition, celle de la fête du football africain auquel les Algériens ont, à leur manière, largement contribué à son prestige. Et, loin de tout chauvinisme débridé ou d'un nationalisme dépassé, la troupe à Saâdane a redonné de la joie, de l'espoir et ce formidable élan de solidarité qui nous fait tant défaut. Pour cela et bien d'autres leçons, ces nouvelles icônes du football algérien, encore si fragiles, doivent être cependant protégées contre la prédation politique.