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Legoual

par El-Guellil

Ils sont si simples les mots qui sentent la nature, ses épis, son pain, la cendre et l'iode de la mer. Les mots ne s'usent pas, ce sont les paroles des hommes asséchés à trop vite vouloir faire le tour de la comète avant d'avoir humé leur terroir. Ceux-là, ils sont perdus dans le reflet d'un miroir qui trompe sans jamais l'avouer. On dit que l'homme écrit les mois par peur de la mort et que chaque graphie est une victoire contre cette fin. Fadaise ! Trouvez le mot de la fin et vous voilà immortel ! Derrière les mots se cachent plutôt d'autres desseins moins légitimes les uns que les autres.

 Entre le scribe du temple et le plumitif de nos temps, il n'y a pas une grande différence. Ils se profilent toujours des privilèges et un statut. Le monde n'a pas assez changé dans ce domaine. La morale est toujours sauve dans une société de faux semblants et de vrais délires. C'est notre névrose, notre bassesse, notre aveuglement à croire que les mots, tous les mots, disent la vérité. Prenez un mot et cherchez la vérité et vous verrez que, loin d'elle, ils mentent tous. Alors, qui est l'esclave de l'autre : l'homme qui dit, ou le mot qui sonne même creux dans la bouche d'un repu qui ne distingue plus le chant des oiseaux sur le toit de sa demeure ? L'homme libre dit les mots comme ils traversent le plus mystérieux de son âme sans dévergondage ni extravagance; humblement. Il sait qu'à trop vouloir chercher à habiller les mots, il retombera inexorablement dans la tribu décriée. Et la boucle est bouclée. Un cercle vicieux fermé qui emprisonne l'esprit et mène à la schizophrénie. Avec les mots, l'homme empaille ses rêves, ses émotions et son sentiment du monde qui lui échappe : faux semblant. On croit alors que les mots pénètrent l'âme de ses lecteurs alors qu'ils l'effleurent comme de vulgaires pierres qui ricochent sur l'onde d'une eau bien dormante !

 Les faiseurs de mots ne sont pas nécessairement des faiseurs d'opinion. Pris dans leur propre piège, ils ne transpercent ni l'âme ni l'esprit, mais jouissent plutôt en relisant les empreintes typographiques de leurs «actes manqués». Ils omettront toujours que les mots ne transforment pas le monde. Qu'ils le vulgarisent tout simplement. C'est d'idées que nous manquons le plus pour donner forme à nos actes d'hommes. Là, est le hic... C'est l'hôpital qui se moque de la charité.