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Réussir

par El-Guellil

Il a toujours de l'embonpoint.

Souriant, serein,calme. Un mystère que cet homme. Une force de la nature. Ce ne sont pas les coups vaches qui lui ont manqué. Des hauts et des bas, il les a eus sans fléchir. Questionné sur son petit secret, il dira: il faut évacuer, le temps qui passe il faut l'oublier, le présent, essayer de le vivre pleinement, quant aux problèmes, qui n'en a pas ? Le pauvre sera toujours en perpétuel combat avec la vie pour s'enrichir, le riche, lui, luttera pour ne pas s'appauvrir. Autant donc évacuer.

 Pour Otchmine, ça n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Il décide de faire comme son ami, évacuer, libérer sa mémoire de tout ce qui l'encombre. Mais par où commencer ? Lui qui pouvait apaiser les esprits, consoler les plus malheureux, lui qui savait planter le bon mot, le bouturer, l'arroser pour que renaisse l'espoir chez celui qui broie du noir, ne sait plus par où commencer. Chasser le rouge de la colère ou le gris de la désespérance ? Il ne retrouve plus de repères. Où est le blanc de la lucidité, et le violet de la rigueur ? Où retrouver le rose de la tendresse et le vert de l'espérance ? Quel est, ou quels sont les artistes qui ont brouillé la palette ? Nos villes sont devenues comme des toiles lézardées, exposées dans les galeries de la risée. Grandeur et décadence. Ne sommes-nous pas en train de payer le fait d'avoir voulu être plus qu'on ne pouvait être ? C'est sûrement ça.

 L'année s'achève. Nous avec, on s'éteint, doucement et sûrement. On n'arrête pas d'enterrer des amis, des frères et des compagnons. Au seuil de leur tombe ça chuchote. «Il a quand même réussi sa vie». Comble de l'ironie. Un mort qui a réussi sa vie cela donne à réfléchir. Avec mes excuses de gâcher la fête.