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Le jeu ridicule de la fraternité

par Aissa Hirèche

Ceausescu avait raison. Les amis, on les choisit alors que les frères ils nous sont imposés par la nature des choses. Il est, en effet, des moments où l'on aurait souhaité n'avoir que des amis. Surtout lorsque chez nos amis, nous pouvons aller et nous sentir tranquilles et rassurés au moment où, lorsque cela nous prend d'aller chez nos frères, la trouille nous mange le ventre et l'inquiétude envahit notre quotidien.

 Si cela n'était arrivé qu'une fois, on n'aurait même pas fait attention. Mais chez nos frères, cela arrive souvent. Un peu trop souvent même. Que l'on dispute une rencontre au Caire et voilà qu'après un match des plus vilains, un Belloumi demandé pendant vingt ans par Interpol comme un vulgaire délinquant. Que l'on joue à Béjaïa avec nos frères égyptiens et voilà un crétin d'idiot qui nous jette son bras d'honneur à l'écran avec autres gestes de voyous. Que des enseignants de Sétif aillent en stage de perfectionnement au Caire et c'est la tôle, l'interrogatoire et le mauvais traitement qui les attend. Que nos supporters aillent encourager leur équipe à Sfax et nous nous retrouvons à soigner nos enfants. Que notre équipe nationale s'en va jouer chez nos frères égyptiens, et c'est l'agression caractérisée qui les attend au Caire, au vu et au su de tout le monde. Que les jeunes Algériens s'en vont supporter leur équipe au Caire et c'est, encore une fois, la boucherie. Des bus attaqués, des blessés, des hospitalisés. Bonjour la fraternité arabe !

 Ce jeu ridicule de fraternité que l'on n'oublie jamais de nous rappeler lorsqu'il s'agit de protéger les leurs, semble plaire à la FIFA qui n'a même pas osé une sanction contre l'Egypte pour l'agression de nos joueurs. La FIFA a réellement joué avec le pire des feux en laissant le match se dérouler au Caire et nous pouvons le dire, maintenant que le match est terminé: heureusement pour nous que nous n'avons pas disqualifié les Egyptiens sinon personne ne serait revenu vivant du pays des nouveaux pharaons.

 Parler de politique autour d'un match de fous est une bêtise. Et parler de foot dans un entretien politique n'est pas moins déplacé. Or, il se trouve qu'entre nos frères arabes et nous, il n'y a que le foot qui veut s'installer dans le vide politique naturel et il n'y a que les soi-disant politiques qui s'affairent, très mal d'ailleurs, autour de matchs de football. C'est dur d'avoir des frères de notre temps. Très dur !