Il y a quelque chose de peu honnête dans la perception que
l'on se fait «chez nous», dans la planète d'Allah, des crispations officielles
et communautaires face à des questions comme le voile ou la Burqua en Occident.
L'Occident s'en ressent menacé et nous, nous y ressentons les rejets, les
stigmatisations et même les racismes et le choc des civilisations ou simplement
l'animosité contre notre «religion universelle». Une seule mosquée «interdite»
ou une marche de la droite danoise contre un lieu de prière en projet
suffisent, chez nous, pour mettre en croix les Occidentaux et crier au scandale
des libertés sélectives et des rejets des différences. Et, pourtant, il suffit
d'inverser un peu les situations pour réaliser que nous faisons pire en matière
de discriminations confessionnelles. Où, en Algérie, peut-on indiquer du doigt
un chantier d'église autorisé ? Qu'avons-nous trouvé à dire ou à faire lorsque
la chasse aux évangélistes s'est transformée en piteuse chasse aux convertis et
aux chrétiens en règle générale ? Depuis quand une religieuse chrétienne peut
se promener chez nous en toute liberté, travailler avec la tenue de sa
confession, célébrer ses rites autrement que dans la clandestinité et afficher
ses croyances autrement sur le mode de la discrétion absolue ? Depuis quand
tolérons-nous un élu ou un officiel ou un haut cadre qui ait choisi une autre
confession que l'Islam ? En quoi sommes-nous plus tolérants que les autres ? Avons-nous
jamais eu ce courage de donner aux autres religions la représentativité que
nous demandons au profit des communautés musulmanes dans les pays de l'Occident
? Que se passera-t-il le jour ou un pays européen, par exemple, votera une loi
semblable à celle de Belaïz sur la réglementation des pratiques religieuses
autre que l'Islam, véritable dispositif d'intolérance ? Car, dans le tas de ce
qui fait l'actualité misérable des «luttes religieuses» et des tensions
communautaires, il y a un distinguo urgent à faire entre islamophobie et
réactions légitimes. «Eux», ils sont chez eux et on ne les verra pas obliger un
musulman à fêter leur Noël ou leur baptême. Les «nôtres» sont chez eux et c'est
à eux de donner l'exemple haut de la tolérance avant de la demander chez les
autres. Et là où nous n'avons même pas réussi à fonder la liberté, la laïcité
politique et le respect de l'autre, il ne faut pas les demander à des peuples
étrangers qui veulent sauver le contrat de leur vie républicaine. Le prétexte
du droit de la victime à la réparation et de l'immigré au respect ne doit pas
cacher le reste. La cause religieuse a, ici aussi, envahi et pollué les
revendications communautaires ou d'intégrations des immigrés et sert à gonfler
les arguments xénophobes et islamistes de ceux qui prêchent encore la conquête
universelle. Ici et «là-bas» les extrémismes ont réussi à masquer les enjeux de
liberté à préserver là où ils existent et à instaurer là où on les a
hypothéqués. Quand pourrons-nous lire cette fausse info de «collecte de fonds
pour la construction d'une église ou d'un temple tibétain en Algérie» sans que
cela fasse scandale, alors que nous estimons être dans notre droit de
construire des mosquées là où nous posons le pied ?