19 accusés dont huit femmes. Le groupe a été récemment
condamné près d'Oran par la Justice, pour accusation de fraude lors des
dernières élections législatives. La justice est souveraine, l'humour l'est
aussi. Lorsque les deux se croisent, ils ouvrent droit à une sorte de réflexion
par le rire retenu. D'où, ce genre de questions : peut-on condamner un homme
pour avoir cassé une vitre durant les dix secondes que dure un séisme ? Un
groupe de harraga peut-il être arrêté pour défaut de port de gilet de sauvetage
? Quelqu'un peut-il être emprisonné pour avoir volé un stylo lors d'un hold-up
de banque ? Un Algérien peut-il être jugé pour avoir grillé un feu rouge en
plein bombardement préventif de l'OTAN sur Aïn Oussara ?
C'est-à-dire la
Justice a-t-elle un sens lorsqu'elle n'est pas absolue, totale, valable pour
tous et entièrement entière et donc impossible à découper en petits morceaux ?
C'est-à-dire peut-on, du point de vue de la philosophie et pas celui des
procédures, condamner un groupe d'Algériens pour avoir fraudé lors d'élections
législatives que tout le monde sait gonflées au gaz hilarant ? Doivent-il payer
pour une carte parlementaire décidée anté-élections et pour les besoins de
l'Alliance et pas celui de la représentativité réelle ? Y a-t-il des degrés
dans l'échelle des fraudes, allant du bourrage d'urnes non centralisé, à la
fraude statistique procédant par les éliminations des candidatures et filtrages
des heureux élus à la source, lors du dépôt des dossiers ? Les questions sont
un puits sans eau et sans fin. Cette mauvaise synchronisation entre
l'inculpation et le crime laisse songeur. On y devinera l'ébahissement premier
de gens qui se voient condamnés eux, uniquement, pour un crime commis par tous,
et surtout, par l'Etat lui-même, en personne et durant les nuits du décompte et
de suffrage lunaire, pendant que le peuple se faisait filmer par l'ENTV. Même
Bouteflika s'est moqué du peu de crédibilité des dernières législatives et même
l'Etat avait reconnu que le un cinquième de ce peuple n'avait pas voté. Reste
que la justice est là. Selon la règle universelle, elle rattrape tout le monde.
Sauf les ex-maquisards de la décennie 90. Ceux-là courent plus vite ou sont
exempts de la course entre eux, la vérité et la responsabilité. Tout est
problème de concordance : un Benbella a été un héros de guerre française à un
certain moment, un terroriste, puis un Président. A la fin, il a fait plus
d'années de prison que ne l'a fait n'importe quel émir de Zbarbar qui a tué, en
une matinée, quatre fois plus que la campagne d'Italie. Un Aït Ahmed est plus
inquiété au sol de l'Algérie que n'importe quel repenti du GSPC. Pourquoi ? A
cause de la concordance justement.